Oran - HISTOIRE

Histoire de Bethioua (Saint Leu, Portus Magnus)



Histoire de Bethioua (Saint Leu, Portus Magnus)
Fondée sur les ruines d'une ville phénicienne7 devenue ensuite Portus Magnus, elle est connue depuis le ve siècle (xe Grégorien) sous le nom de Rziou (Arzew).

Le petit hameau a toujours été un centre d'exportation de blé et de bétail grâce à son port "El Marsa" devenu ensuite Arzew le port. Du temps des Ottomans, il s'agissait d'un fief administratif, gouvernant l'ensemble de la région à l'ouest de la Macta et dont le caïd Ahmed ben Tahar était notamment connu pour avoir enseigné au jeune Emir Abdelkader. Son port servait au stockage de blé et d'orge et sa réputation de chevaux de bonne qualité avait perduré jusqu'à l'époque française8.

Dès le xviiie siècle il est habité principalement par les Bettioua, une population berbère majoritairement rattachés à deux clans, Beni Tmait et Zegzaoui, dont les ancêtres auraient quitté la rivière du Kert au sein des Ayt Said et Temsamane[Lequel ?] il y a six cents ans pour s'installer dans la région de Mostaganem9. Elle portait toujours le titre d'Amazigh.

Le village de Bethioua était divisé en deux parties, la principale au sud était formé par la branche Zegzawa de la tribu, la deuxième partie au bord de la mer rassemblait les autres fractions de la tribu (Beni Tmait). La présence de kouloughlis (issus de marriage de soldats turcs à femmes berbères) est aussi notée10,11.

L'histoire de la ville romaine de Portus Magnus est peu connue. Érigée sur une falaise qui domine une plaine la séparant de la mer, elle portait le nom de Portus Magnus, que l'on suppose également avoir recouvert le site portuaire s'étendant depuis Arzew. L'emplacement exact de son port n'est pas parfaitement reconnu12, mais Edward Lipinski formule l'hypothèse qu'il se trouvait sur une île sableuse à faible distance de la côte, aujourd'hui disparue, mais dont des traces étaient encore visibles au xixe siècle, et il identifie cette île avec l'île de Bartas mentionnée par le Pseudo-Scylax13. Elle atteint son apogée au iiie siècle, et parait abandonnée dès le début du IV°, sous le règne de Dioclétien, dans le but de raccourcir les frontières de l'Empire romain pour mieux les défendre14.

On sait, par Pline l'Ancien, que ses habitants étaient citoyens romains15. Une inscription indique que les habitants étaient inscrits dans la tribu Quirina et que la ville avait des duumvirs quinquennaux et des flamines16,17.

Les ruines étaient désertées au xie siècle quand Al-Bakri les visite18.

L'historien Ibn Khaldoun nous informe notamment que le nom de Bettioua est à l'origine celui d'une grande confédération ayant pour habitat la région du Rif, ce nom se trouve tantôt écrit Botouïa, tantôt Battouya, tantôt Bettioua. Il s'agit d'un rameau des Berbères sédentaires des Sanhadja, dits 'fondateurs d'empires', dont le rameau sédentaire se trouve dans les Kabylies2 et dont parmi les principales de leurs réalisations figure l'empire fatimide, la Qalaa des Beni Hammad, le royaume de Bougie ou encore l'empire almohade. Parmi les principales familles sanhajis d'Alger figure les Botouïa aux côtés des Beni Mezghanna19.

À la chute des Almohades, les Ibettiwen du Rif tombèrent au mains des Merinides de Fès. Les habitants du Rif ne firent aucune difficulté pour reconnaître leurs nouveaux maîtres mérinides et découvrirent même le moyen de tirer d'eux de sérieux avantages dans l'histoire. Une des femmes des Ibettiwen, Oum el Youm, fille des Ouled Mallahi de Tafersit entra par mariage dans la famille royale et mit au monde un garçon qui devint le souverain mérinide Yaqoub ben Abdelhaq2.

L'histoire en Oranie des Bethioua qui ont donné le nom de la commune est établie, sans certitude absolue, par recoupement de données orales recueillies au xixe siècle. Les Bettioua (en berbère Ibettiwen20) sont issus d'une puissante tribu berbère du même nom, peuplant le Rif (Maroc) et qui avait prêté ses armes aux Beni Merin contre les Beni bou-Hafs. En 1370 les Bettioua 9 suivirent le sultan mérinide Abd el-Aziz dans son expédition contre les Berbères du nom des Maghraouas dans leur capitale de Mazouna. Ils se fixèrent après leur défaite sur ce même territoire, près de Mostaganem, tout en maintenant un certain courant d'échanges avec leurs congénères rifains21,4. Nous savons comment les armées se déplaçaient à ce moment-là : elles se composaient non seulement des guerriers, mais aussi de leurs femmes et de leurs enfants. Cette installation au xive siècle est présentée par Émile Janier en 1945 sur la foi de la tradition orale, qu'il ne voit aucune raison de rejeter, et non celle d'une installation au xviiie siècle, dont le tenant le plus éminent était René Basset, qu'il trouve « hésitante [et] ne s'appuie sur aucun texte », s'inspirant de récits oraux recueillis par son disciple S. Biarnay 22.

Il faut admettre le déplacement initial d'un noyau assez important, un groupement de fractions différentes comme celui en présence duquel on se trouvait dans la région9. Un nombre écrit 1177 présenté sur la sadjara (tableau généalogique) de Sidi Amar ben Ahmed aurait indiqué selon son propriétaire la date hégirienne de l'arrivée du marabout dans la région ce qui correspondrait à la moitié du xviiie siècle9,22.

Cependant, leur entrée « officielle » dans l'histoire s'effectue par un acte de 1784 qui les établit précisément auprès des ruines de Portus Magnus : l'acte décrit l'échange de leur territoire proche de Mostaganem dans la région de Mazagran où ils vécurent en auxiliaires des Turcs, pour le territoire d'Arzew alors sous l'égide du bey de Mascara Mohammed El Kebir23; l'échange comportait le droit d'exploitation des salines d'Arzew, toujours incluses dans le territoire actuel de Bethioua.

L'ordonnance des 4 et 31 décembre 1846 créée le centre de population de Saint-Leu en lieu et place de Vieil Arzew24 qui sera érigé en commune de plein exercice en 1873.

Durant la guerre qui opposa l’Émir Abdelkader aux troupes françaises, les Bettioua durent quitter leur ville et se réfugier près de Mostaganem et notamment à Mazagran où ils étaient à l'origine installés25. Plus tard quand la pacification fut complète, les autorités françaises proposèrent aux Bettioua en guise de remerciement d'une certaine pacificité à leurs égards, de leur céder des terres dans la région de Mostaganem, mais ils demandèrent à être réinstallés à Arzew où ils vinrent relever leurs maisons et cultiver leurs jardins.

La plupart de leurs descendants vivaient encore au xixe siècle sur les ruines de la cité romaine26. Ils avaient conservé longtemps leur parler berbère, signalé en voie d'extinction au profit de l'arabe en 1883, et dont il ne subsistait plus que quelques locuteurs âgés en 191027,22 Un glossaire incluant une bonne partie du lexique fut publié dans la revue africaine de la même année28.

Ils habitent des maisons rustiques, sans étages, à terrasses, analogues aux constructions que l'on retrouve à Mazagran ou Mazouna et forment une population de 1 400 personnes en 1947. Un certain nombre de fêtes issues de vieilles traditions berbères telles que la 'ansra et le yennayer y sont célébrées chaque année. Les patronymes familiaux sont souvent des sobriquets issus de vieilles racines berbères et la population est forte adepte de confréries religieuses dont la plus importante est celle des Snoussiya de Mostaganem.

Après la conquête française de l'Algérie, un centre de population européen est fondé en 184629 à quelque distance de la tribu des Bettioua sous le nom de Saint-Leu, le nom d'Arzew ne désignant plus alors que le port à quelques kilomètres au nord-ouest. Ce centre est compris parmi les colonies agricoles aménagées en 1848 dans le cadre du décret de l'assemblée nationale du 19 septembre 184830. Il est érigé en commune de plein exercice en 1873, la commune englobant la tribu des Bettioua et le site de Portus Magnus.


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