Qui ne connaît pas Hamchaoui Moussa?
L’air de rien, le nom de cet homme ne dit pas grand-chose, et pourtant, bon nombre d’Oranais, jour après jour, le côtoient en sortant du tramway à la station Emir Abdelkader, ou en se promenant dans les ruelles adjacentes à la rue Mostaganem.
Hamchaoui Moussa, ou «Ammi Moussa» pour les intimes, est le fameux bouquiniste de la rue Audebert, actuellement Belhadj Bouziane, en plein centre-ville d’Oran. Oui, cet homme est le fameux bouquiniste que tout le monde connaît, chez qui tout le monde, au moins une fois, a dû s’arrêter pour feuilleter quelques ouvrages anciens ou de nouveaux polars. Aidé de sa vieille Niva russe, dans laquelle il trimballe ses ouvrages, les étals que concoctent Ammi Moussa, garnies de livres, de beaux livres, et de vieux portraits, font partie actuellement du paysage urbain tant les oranais se sont habitués à les voir tous les jours.
Voilà 46 ans maintenant que Ammi Moussa se consacre au noble métier de bouquiniste, un métier de fortune qu’il avait embrassé du haut de ses 24ans. Agé aujourd’hui de 70 balais, c’était en 1970 qu’il avait plongé, corps et âme, dans les livres. Pourtant, au départ, il avait une tout autre vocation: ayant accompli ses études en France, il s’est vu remettre le diplôme de pâtissier dans l’Hexagone, avant de plier bagage pour revenir vivre en Algérie. On était alors à la fin des années 60’. Hamchaoui Moussa a vécu un an à Alger, avant de se décider à s’installer à Oran.
«A Alger, j’étais impressionné par les bouquinistes près de la Grande-Poste. J’ai eu envie de faire la même chose.»
Aussi, pendant ces douze mois passés dans la capitale algérienne, il a pris place au marché de la Lyre, à l’entrée de La Casbah, pour vendre, à la dérobée, des livres de fortune. Puis, en 1971, en s’installant à Oran, c’était sous les arcades qu’il a planté ses étals pour proposer aux lecteurs d’El Bahia des livres de toutes sortes: «Le matin, je vendais des légumes au marché Michelet, et l’après-midi je vendais des bouquins sous les arcades», se souvient-il.
Arrive l’année 1975, où, par débrouillardise, il parvint à se dégoter un petit local à la rue Mostaganem.
«J’ai alors laissé les légumes à mon frère, et moi je me suis consacré pleinement aux bouquins dans mon nouveau magasin de la rue Mostaganem».
Cela avait perduré ainsi jusqu’en 1990, année où il dut déménager pour s’installer dans un autre local, au boulevard Marceau.
«Je suis resté dans le local du boulevard Marceau pendant 13 ans, et depuis 2003 jusqu’à ce jour j’ai pris place ici, en plein air, dans cette rue attenante au boulevard Emir Abdelkader.»
Quand on lui demande si le métier de bouquiniste nourrit son homme, il répond, mi-figue, mi-raisin: «disons qu’il y a des jours avec et des jours sans.» Au fil des années, il remarque qu’à Oran ce sont surtout les femmes qui lisent le plus, bien plus que les garçons. Sinon, il trouve sa clientèle dans le rang des universitaires et des retraités.
Les livres les plus demandés sont ceux d’Albert Camus, Jean Paul Sartre, Alberto Moravia, Dostoïevski, Dino Buzzati, ou encore Guy Decars.
Les polars se vendent pas mal non plus: les Aghata Christi, San Antonio et autres S.A.S se vendent comme des petits pains.
Les auteurs algériens aussi figurent en bonne place, notamment les classiques: Kateb Yacine, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun entre autres.
Hamchaoui Moussa se pointe à la rue Audebert dès 9h30 du matin et y officie jusqu’à la tombée de la nuit. Quand on s’attarde chez lui, le nez plongé dans les livres, on ne peut s’empêcher d’être distrait, à chaque demi-douzaine de minutes, par les hululements du tramway qui annonce son passage, en patinant le long du boulevard attenant.
«Le tramway est une bonne chose, dit le bouquiniste. Avant, ce coin était complètement déshérité, mais depuis la mise en service du tramway, c’est devenu très animé.»
Aux heures creuses, quand les clients se font désirer, Ammi Moussa s’installe dans sa Niva russe et s’évade dans la lecture d’un roman.
«Entre deux clients, j’aime bien m’asseoir dans ma voiture et bouquiner un peu, ça me repose.»
Aux jeunes trop addicts des réseaux sociaux et qui n’ont jamais tenu un bouquin entre les mains, il leur dira avec un grand sourire: «Vous ne savez pas ce que vous ratez!» Néanmoins, il tentera de nuancer quelque peu: «Il ne faut pas croire! Depuis quelques semaines, de plus en plus de jeunes viennent chez moi à la recherche de tel ou tel livre. C’est vraiment un bel espoir, pourvu que ça dure!»
El Kébir Akram
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Posté Le : 29/04/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: El Kébir Akram
Source : elwatan.com du jeudi 21 avril 2016