............. Nous avons dit qu'à l'arrivée des colons, Saint Cloud était absolument désert. Cela n'est pas tout à fait exact. Dans le courant de l'année 1845, un espagnol, Joseph HUERTAS dit CAMPILLO ayant organisé un service de voitures entre Oran et Mostaganem, avait établi un relais à Saint Cloud, qui portait à ce moment là le nom arabe de "Goudiel". Ce mot signifie : prairie, pâturage et par extension, lieu de passage ou de station pour les bestiaux. Il est à supposer que les conducteurs de troupeaux allant de Mostaganem à Oran faisaient une halte à cet endroit, à cause du filet d'eau et de là le nom de "Goudiel" donné non pas au ruisseau lui-même, comme certains le prétendent, mais au pays.
Joseph CAMPILLO avait donc choisi Goudiel comme lieu de relais. A cet effet, il fit construire, sur le bord de la route un baraquement en planches pour servir d'écurie aux chevaux et de gîte à leur gardien. Cet abri ne lui parut pas suffisant, lorsqu'il eût aperçu, pendant plusieurs nuits de suite, un lion rôder aux alentours. Il remplaça ce baraquement par une construction en maçonnerie, espéce de redoute qu'il flanqua de deux échauguettes pour se défendre à la fois contre les fauves et contre les malfaiteurs. Cette construction, moitié militaire, moitié civile, existe encore et n'a même pas subi de modifications bien sensibles. L'une des échauguettes reste, elle est pourvue d'une meurtriére sur chacune de ses faces. L'autre, celle qui se trouvait à l'angle de la route de Kristel et de la route nationale a été démolie. Le côté Sud-Ouest du bâtiment était flanqué d'un abreuvoir qui a également disparu.
Sur la demande de CAMPILLO, l'autorité militaire lui confia 25 fusils pour en armer ses parents et ses serviteurs en cas d'attaque. Au nombre de ces derniers se touvaient une cinquantaine d'espagnols qu'il employait à faire du charbon de bois. Deux vivent encore et habitent Saint Cloud : Juan TORRES et Diégo PEREZ. CAMPILLO joignit dés lors à son entreprise de voitures publiques le commerce des combustibles et établit à Goudiel un magasin à l'usage des militaires allant de Mostaganem à Oran, et sur la façade duquel il fit mettre comme enseigne : " A la ville de Saint Cloud". Cette dénomination, que l'ordonnance royale du 4 décembre 1846 devait consacrer, est due à une circonstance assez particuliére. Joseph CAMPILLO confia le travail de l'enseigne à un peintre espagnol de passage dans la localité. Celui-ci avait fait son tour de France et le Saint Cloud voisin de la capitale l'avait tellement impressionné qu'il demanda et obtint l'autorisation de rappeler ce lieu en quelques lettres -qui ont aujourd'hui disparu- mais qui ont eu un effet auquel il ne songeait sans doute pas.
Vers le fin de l'année 1847, le duc d'AUMALE, gouverneur général de l'Algérie passa à Saint Cloud en compagnie du Général LAMORICIERE, Joseph CAMPILLO construisit un arc de triomphe en l'honneur de sa visite et le reçut à dîner. Invité à formuler ses désiderata, l'amphytrion demanda la concession d'un terrain. Il lui fut promis 200 hectares entre la route et Télamine et 2 hectares au nord de sa construction. Il reçut quelques jours plus tard aprés un titre le mettant en possession du dit terrain. Mais lorsque Saint Cloud reçut un détachement, l'autorité militaire le déposséda en majeure partie de la concession qu'il avait obtenue du Duc d'AUMALE, on lui donna en échange 100 hectares sur la route d'Arzew, à l'endroit occupé aujourd'hui par la ferme Briére, on lui prit en outre un hectare sur le lot attenant à la construction. La concession ainsi réduite constituait encore un avantage au projet de Joseph CAMPILLO qui avait les moyens de la mettre en valeur. Il fit un noble usage de la faveur dont il avait été l'objet. Il aurait pu par ce moyen édifier une fortune considérable, mais soit qu'il n'ait pas été assez prudent dans ses entreprises, soit surtout désintéressement et même générosité, il a dû vendre de son vivant le terrain qui lui avait été concédé et c'est à peine si à sa mort il a pu laisser sa veuve et ses enfants dans une modeste aisance.
Il a du moins, légué à la colonie un héritage plus précieux que les richesses matérielles : le souvenir d'un homme de bien. La majeur partie de ceux qui l'on connu affirment qu'aux époques de misére, les malheureux le trouvérent toujours disposé à leur rendre service. Cet homme à l'adresse d'un espagnol prouve que les français ne font pas de distinctions dans le mérite : c'est encore un moyen de pratiquer la vertu.
La premiére construction édifiée à Goudiel est aujourd'hui la propriété de Michel HUERTAS qui avait rejoint son frére en 1846 et qui avec les 2 espagnols dont nous avons déjà parlé, est le plus ancien habitant de Saint Cloud.
Dans le courant de l'année 1846, un français M. LAVILLE était également venu à Saint Cloud dans le but d'y établir une filature de laine. Une chute d'eau lui avait été promise à l'effet de mettre en mouvement les machines nécessaires à son industrie. A lui aussi on avait parlé de riviére........ Erreur ou mensonge nous ne savons ce qu'il en était. Mr LAVILLE n'ayant pas vu de riviére et dans l'impossiblité de réaliser son projet, fit contre mauvaise fortune bon coeur et résolut de tenter la culture. Il obtint sur le côté gauche du chemin de Kristel et en face de la construction de CAMPILLO, la concession de 25 hectares de terrain. Il édifia une baraque dont la construction était à peine achevé à l'arrivée des colons.
Ni CAMPILLO, ni LAVILLE n'avait encore défriché aucun espace de terrain appréciable à l'arrivée du détachement. Tout restait donc à faire comme travaux de colonisation mais l'on peut dire que la création du village de Saint Cloud date réellement de 1846.
Posté Le : 25/02/2009
Posté par : hichem
Ecrit par : EXTRAIT DE LA MONOGRAPHIE DE S. FONTANILLES Directeur d'école "Les colonies agricoles" éditée en 1896
Source : blog.kokoom.com/ohachemi