Oran - ENSEIGNEMENT ET FORMATION


CRASC d'Oran
«Migrations, football et médias» est l'intitulé d'un colloque international consacré aux échanges entre l'Algérie et la France qui a débuté, hier, et se poursuit aujourd'hui au CRASC à Oran.L'initiative vient de l'université d'Aix-Marseille, Telemme représentée localement par Stephane Mourlane mais la rencontre est inscrite dans le cadre du programme «Ecrans et inégalités» financé par l'agence nationale française de la recherche et chapeauté par l'université de Nice représentée localement par Yvan Gastaut.Pour ce dernier, il s'agissait d'abord d'analyser comment les médias ont représenté les figures des migrations qui ont afflué du Sud vers le Nord en se basant sur des sources d'archives audiovisuelles: télévision, cinéma et web. L'approche est pluridisciplinaire tout en élargissant le champ d'analyse à la chanson, à l'humour ou autre en évoquant «Elise ou la vraie vie», un roman (Etcherelli) porté à l'écran en 1970 par Michel Drach avec Marie-José Nat.Pour le chercheur niçois, un tournant important a été enregistré au début des années 1980 lorsque le sport est devenu un vecteur de circulation pouvant constituer un cadre d'étude et d'analyse. «Les figures emblématiques ainsi adulées peuvent dire des choses sur la société», indique-t-il. Intervenant pour le compte du Crasc, Tayeb Rehail de Constantine a considéré que le sport était très lié à l'histoire de l'Algérie mais déplore le manque d'ouvrages et d'études à ce sujet.Il évoquera néanmoins quelques publications comme le numéro 34 de la revue Insaniyate (CRASC) qui, en 2006, s'est intéressé au sport en tant que phénomène et pratique. Plus précises, des études menées en France se sont penchées sur le football en relation avec l'immigration. Stephane Mourlane cite la revue «Migrance» qui s'est intéressée en 2008 aux parcours des footballeurs maghrébins de France, «Le métissage par le foot, l'intégration mais jusqu'au '» de son collègue niçois, le n° 1285 de la revue Hommes et migrations éditée sous le titre «l'appel du pied» et, enfin, le catalogue d'une exposition : «Allez la France, football et immigration, histoires croisées».Dans l'histoire de l'immigration, l'Algérie tient évidemment une place importante avec 700 000 Algériens représentant 21% des étrangers présents en France et recensés en 1975. Dans les années 1950, Stephane Mourlane dénombre «16 joueurs algériens, musulmans comme on disait à l'époque, qui ont porté le maillot de l'équipe de France sur 61 joueurs issus du Maghreb mais incluant les pieds-noirs contre 155 issus d'Europe».De manière générale, selon le même chercheur, l'apport des joueurs issus de l'immigration a été bien montré dans le documentaire réalisé par Eric Cantona et diffusé par la chaine Canal+, le 14 novembre dernier, et contenant un témoignage inédit et émouvant de Zinedine Zidane mais aussi de son père.Les joueurs évoluant en France et qui ont plus tard, en 1958, rejoint l'équipe du FLN sont considérés comme ayant fait le chemin inverse comme le feront plus tard, mais pour d'autres raisons et dans de toutes autres circonstances, les Dahleb et Korichi qui ont choisi l'équipe nationale algérienne tout en jouant en France et, tout près de nous, les 15 joueurs de l'équipe nationale du Mondial 2014 qui sont nés en France.ChangementLes apports sont donc mutuels et c'est l'une des motivations du colloque, en plus de la confrontation des discours médiatiques, à privilégier «une lecture croisée autour du football comme fait social total». Les lectures proposées n'écartent pas les stéréotypes sur les immigrés qui subsistent et ne se limitent pas aux figures médiatiques présentées comme des modèles de réussite et d'intégration. La matinée d'hier a été notamment consacré aux témoignages de deux figures de taille du milieu sportif algérien que sont Mehiedine Khalef, ancien sélectionneur de l'EN (1982) et du commentateur vedette des années 1970/1980, Benyoucef Ouadia.Le premier est revenu sur son parcours et les conditions qui l'ont amené à être choisi comme entraineur de l'EN. «Ce sont les résultats obtenus avec mon club, la JSK, qui ont fait penché la balance», a expliqué celui qui a, très jeune (28 ans), laissé tomber sa carrière de joueur pour se consacrer à l'entrainement. Il n'a pas pu évoluer à l'étranger malgré des propositions concrètes lorsqu'il était jeune mais c'est surtout sa vision du football qui a attiré l'attention.C'est le Mondial de 1982 qui a, à l'époque, permis aux joueurs algériens d'avoir la possibilité d'évoluer à l'étranger et il en était pour quelque chose. La proposition venait de Salah Assad mais c'est lui qui a convaincu l'ancien président de la République Chadli Bendhjedid à changer la loi qui prévalait auparavant et qui fixait à 27 ans l'âge des footballeurs qui pouvaient prétendre à une carrière à l'étranger. «Désormais, ils pouvaient aller à l'étranger à condition de répondre à la sollicitation de l'équipe nationale en cas de besoin», explique-t-il.C'était aussi pour signifier qu'il n'est pas contre le professionnalisme mais que la situation actuelle du football national, caractérisé par un mercantilisme non productif le préoccupe. Le professionnalisme à l'algérienne est qualifié de «souk» comparé à son époque où prévalait la discipline, l'entente entre les joueurs et l'entraineur et un certain enclin à privilégier l'appartenance à un groupe que de courir à tout prix derrière l'argent et les privilèges.«S'il y a un creux dans le championnat national, c'est parce que les gens ne travaillent pas car ils se préoccupent beaucoup plus de l'ascenseur social», ajoute M. Khalef qui préconise un travail sur le mental pour remettre les aiguilles à l'heure. «J'ai, confie-t-il, proposé une loi où il serait interdit à n'importe quel dirigeant de club de se porter candidat aux différentes assemblées nationales».De son côté, Benyoucef Ouadia a abondé dans le même sens en revenant sur la réforme sportive de 1976/1977 lorsque les clubs étaient arrimés aux grandes sociétés nationales, un professionnalisme à l'algérienne. «Une sorte d'étatisation du sport avec des avantages concédés en fonction des résultats et qui, selon lui, s'oppose à l'approche privilégiée aujourd'hui car axée sur le business et les affaires».




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