Le ksar Moghrar-Tahtani est appelé désormais Kalaa-Bouamama, car elle fut le bastion du oualî rebelle. Il se situe à une centaine de kilomètres au nord-est de Figuig, et son nom revient régulièrement dans l'histoire de la pénétration française dans la région.
Ce chapitre de l'ouvrage de K. Benamara est assez spécial; on y sent une véritable gêne de la part de l'auteur confronté à, d'une part, une cruelle absence de sources, et, d'autre part, un désir (sans doute trop grand) de conforter des récits faibles sur la chérifiannité (excusez le barbarisme!) de lignages régionaux.
Il le souligne lui-même, dans un assez long développement sur les ravages dont s'est rendue coupable l'armée française, lors de la prise de Moghrar-Tahtani: "La plupart des maisons furent éventrées, les toits démolis, les silos vidés, les tapis et le mobilier volés, une grande partie des quatorze mille palmiers brûlés ou dynamités. Mais le plus grave en ce qui concerne notre sujet, est que tout ce qu'il y avait comme livres ou archives fut razzié, déchiré ou éparpillé."
Difficile après ce crime contre la mémoire de reconstituer exactement la représentation que les ksouriens locaux avaient de leur propre histoire. Paradoxalement, comme souvent, les déprédations du colonisateur poussent le chercheur moderne à se tourner quasi-exclusivement vers les sources du même colonisateur pour connaître l'histoire de sa région. Que disent ces sources sur le lien entre la fondation du ksar de Moghrar-Tahtani et d'éventuels lignages Figuiguis?
La Monographie 49 parle seulement de deux pèlerins revenant de La Mecque et s'installant dans cette région peuplée de Beni-Amer-ben-Zoghba, qui fondèrent Moghrar-Tahtani. Plus tard (vers 1480), les Sahani vinrent s'y installer. On rejoint le billet précédent dans la mesure où les Sahani (ou Shanine) étaient des habitants du ksar de Taqelqoûlt (Aïn-Sfissifa) qui en ont été chassé par les Oudaghir. Puis finalement, ce fut la fraction des Zouagha qui arrivèrent des Beni-Azger dans le ksar.
Un autre document, la Monographie n°57, document dactylographié de l'annexe de Aïn-Sefra (daté de 1957) fait explicitement référence à une origine figuiguie des fondateurs de Moghrar-Tahtani. Il s'agirait de "deux personnages originaires de Figuig: Djebbour et Mamoun ben Chérif, ancêtres des Ouled Djebbour et des Ouled Chérif... Vers 1840, des gens venus de Sfissifa qui en avaient été chassés par un djich marocain, se réfugièrent à Moghrar-Tahtani avec leur chef Sahnoûn ben Ali et formèrent la fraction des Ouled Sahnoûn."
Une autre variante du même récit se trouve dans un autre document de l'Administration coloniale (qui retranscrit donc les traditions locales qui avaient alors cours, de la bouche même des ksouriens), la Monographie n°61 (ou Monographie du secteur d'Aïn-Sefra, sans date dans la bibliographie de K. Benamara): "C'est Ali ben Aïssa, venu de Fès, qui a fondé Moghrar-Tahtani. Il y eut deux fils, Djebbour et Chérif, dont on trouve les descendants: lesOuled Djebbour et Ouled Chérif." L'origine fassie n'est pas incompatible avec l'origine figuiguie, car dans le domaine des généalogies chérifiennes, il arrive souvent que le lieu d'origine d'un ancêtre éponyme soit occulté au profit de Fès, référence qui renvoie à la première émigration, celle des Idrissides fuyant les persécutions ayant suivi la chute de leur dynastie.
Par la suite, les habitants du ksar se sont répartis en deux parties, aux noms conventionnels, comme le rappelle K. Benamara, qui ne recoupent aucune réalité généalogique: les Ouled Boubcher et les Ouled Ali. Les chorfa qui nous intéressent font partie de ces derniers, qui habitaient la partie nord du village.
Les Chorfa du sud-ouest, à part les informations transmises ci-dessus n'apportent rien de bien probant sur le lien entre chorfa de Moghrar-Tahtani et chorfa d'El-Oudaghir. Certains passage semblent vouloir les assimiler à tout prix, mais au vu du très maigre dossier, il sera difficile de confirmer ou d'infirmer la chose. Il s'en remet à l'homonymie avec des lignages Oudghiri, comme les Ouled-Djebbour-ben-Brahim (des Ouled-Ahmed-ben-Ziane) et les Ouled-Djebbour (des Beni-Djemal), cités par M. et E. Gouvion. Cette démonstration est malheureusement très insuffisante pour affirmer que lien il y a. D'autant plus que, de son propre aveu, le seul shadjarat qu'il a eu en main transmet une filiation qui ne correspond absolument pas à celle revendiquée par les Beni-Djemal de Figuig.
Je la donne pour mémoire: Ali ben Djebbour ben Abdelkader ben Djebbour ben Slimane ben Abdelkader ben Mohammed ben Ahmed ben Abdallah ben [illisible] ben Taleb ben Mokrane ben Djebbour ben Ali ben Mendas ben Menasser ben Belkacem ben Aïssa ben Abderrahmane ben Ali ben Abdelhaq ben Abdeljabbar ben Saïd ben [illisible] ben Mohammed ben Idriss II ben Idriss Ier ben Abdallah El-Kamil ben Hassan El-Mouthanna ben Hassan Es-Sebt, fils de Ali et Fatima.
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Posté Le : 04/02/2013
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Publié par Khalloufi Youness
Source : figuig-genealogie.blogspot.com