M'sila - HISTOIRE

Un bout d'histoire sur la résistance oasienne



Un bout d’histoire sur la résistance oasienne
par farouk Zahi


Sous l’égide de l’association « Mechaâl’ Chahid » l’Institut des techniques hôtelières de Bou Saada a été, pendant la journée du 15 mai courant le théâtre de joutes historiennes animées par des universitaires et des moudjahidine de la wilaya VI historique. Rehaussé par la présence de deux grandes figures du mouvement national, en l’occurrence Ahmed Mahsas et Arezki Basta, le premier colloque national sur la résistance à l’occupation coloniale de Bou Saada et de sa région se voulait être le premier jalon d’une prospection historienne à l’effet d’apporter des éclairages à des pans entiers de l’histoire contemporaine du pays en général et de la région en particulier. De part sa position centrale, cette zone a constitué l’axe stratégique sur lequel l’Armée d’Afrique a buté au cours de ces multiples campagnes. Le maréchal de Bourmont ne disait il pas à son ministre de la guerre que le pays des Barbaresques sera conquis en 15 jours ; il aura fallu près d’un siècle pour que ses colonnes motorisées atteignent Tindouf et Tamanrasset. La bataille de Tit au pied du Hoggar n’a pu avoir lieu qu’en 1905. Qui mieux que le professeur d’histoire Aissa Djanit et proviseur du lycée qui porte le nom du Chérif Mohamed ben Ali ben Chabira chef maraboutique de Bou Saada parler de ce résistant dont la révolte ne fut réduite qu’en novembre 1849. Il faisait la jonction avec Mohamed Bouziane des Zaatcha qui tombait à son tour sous le feu des canons en dépit de sa farouche résistance. Le feu de la résistance oasienne qui s’inscrivait ainsi en lettre d’or sur le fronton du l’histoire, ne fut temporairement éteint qu’après la révolte de Cheikh Amoud au Tassili N’Ajjer, dans le Hoggar et au Tidikelt à l’orée du 20è siècle. Le premier novembre 1954 ne fit que raviver la flamme.

La révolte du Chérif Mohamed ben Ali Benchabira d’apparence localisée faisait partie d’un ensemble intitulé par l’armée coloniale d’insurrection des Zaatcha. Prise en étau entre les cercles militaires de Bou Saada, Biskra, Médèa et de Batna ne fut réduite qu’après le monstrueux génocide de femmes, d’enfants et de personnes âgées. La force d’occupation ne s’arrêtait pas en si bon chemin, elle affamait les populations par le séquestre des biens, bien après leur reddition, elle ne se cachait pas de la volonté de spolier. Le maréchal Pélissier Duc de Malakoff et Gouverneur Général, rendu célèbre par les enfumades du Dahra, rendait un arrêt de séquestre daté du 13 novembre 1861.
Le baron Aucapitaine Salvador dans « Notice sur Bou Saada » (province de Constantine)-Revue Africaine vol 6-18626 rapporte ce qui suit :
« En 1845, une autre colonne, composée de cavalerie et ayant pour chef le général d'Arbouville, visita Bou-Saada. Depuis ce moment, les expéditions qui battaient le Sud, à la poursuite de l'Emir ou de ses lieutenants, passaient par M'sila et Bou-Saada. En 1849, un marabout très influent, Moh'ammed ben Ali ben Chabira, réunissait souvent les Khouan de Bou-Saada (1) dans une mosquée qu'il avait faite construire, et y prêcha le Djeh'ad ou la guerre sainte. La puissante tribu des Oulad Nail y comptait de nombreux adeptes et, lorsque Ben Chabira se joignit au fameux Bouzian (2), il entraîna plusieurs fractions à la révolte. C'était en 1849 : Nos troupes se rendaient à Zaatcha; le général Charon, alors Gouverneur Général, résolut d'occuper Bou-Saada, et de fonder un établissement sur ce point, intermédiaire important entre Bisk'ra et EI-Ar'ouat. Le colonel de Barral (3) y laissa une garnison de 150 hommes, affaiblis par les marches, et commandés par le Sous-lieutenant Lapeire (4). A peine le gros de la colonne fut-il parti, que la petite troupe française se trouva obligée de se réfugier dans la grande mosquée, et la ville se divisa en deux
partis, dont l'un voulait l'extermination des étrangers et l'autre acceptait notre domination. La Djêma se réunit, et, à la suite d'une discussion fort animée, on prit les armes. Les Oulad Nail accoururent sous les murs de la ville, et les Achache, les Oulad Si Harkat commencèrent le feu par la porte qui va de chez ces derniers au quartier des Mohamin. La garnison se trouva obligée de se défendre. La nouvelle de cette insurrection ne tarda pas à arriver à Bordj Bou-Areridj, poste important de la Medjana. Le capitaine Pein (1) qui commandait le fort, réunit précipitamment une cinquantaine de fantassins disponibles et se dirigea sur M'sila, pour gagner en toute hâte Bou-Saada. C'était une tâche difficile et périlleuse, car on disait les Oulad Mahdi en pleine révolte. Il fallut au capitaine Pein une rare énergie pour surmonter les difficultés et triompher de l'hostile mauvais vouloir des indigènes; il parvint cependant à rassembler quelques cavaliers; et, laissant l'infanterie derrière, il prit au galop la route de Bou-Saada. La petite troupe contourna la ville et, malgré une vive fusillade, pénétra, par Bab El Dzair. La garnison française occupait toujours la mosquée et fut renforcée, pendant la nuit, par l'arrivée du petit détachement de Bordj Bou-Areridj. Deux jours après, le Khalifa de la Medjana, Sid EI-Mokrani, arrivait avec un nombreux contingent, et le capitaine Pein put prendre l'offensive. A quelques jours de là, survint la colonne commandée par le Colonel Canrobert; depuis et avant Ain-Akherman, sa marche n'avait été qu'un lugubre convoi; le choléra sévissait parmi ses soldats, obligés de repousser l'ennemi pour ensevelir leurs camarades. C'est là, qu'à un moment, harcelé par des forces considérables et voyant tomber les siens, le Colonel Canrobert, dont le nom était déjà populaire dans l'armée d'Afrique, s'avança vers les Arabes et, leur montrant les cadavres, leur dit: «Fuyez .. j'apporte la peste avec moi! ). Les tribus, épouvantées par ce désastre, se retirèrent. M. Canrobert continua sa marche vers Zaatcha, sur la brèche duquel il devait s'illustrer, lorsque, le 11 novembre, le Colonel Daumas, arriva devant Bou-Saada avec des troupes de cavalerie: lui aussi avait eu sa colonne rudement éprouvée par le fléau. A son apparition devant la ville, les bruits les plus sinistres circulaient parmi les populations Arabes. De Tunis au Maroc, on parlait de nos prétendus échecs devant Zaatcha et des succès de Bouzian ; la situation pouvait se compliquer d'un moment à l'autre. Le Colonel Daumas dont les troupes étaient décimées, jugea qu'il fallait en finir d'un seul coup; le 14 novembre, il reçut la soumission solennelle des habitants de Bou-Saada, imposant la ville d'une amende de 8000 FR (1) payable sous trois jours, outre des objets de valeur locale: burnous, haïks, tapis, etc.
Après de rudes épreuves, Zaatcha tomba devant le courage persévérant de nos soldats. Bou-Saada était soumis; on s'occupa sérieusement de l'occupation »



Le mouvement réformiste de l’école badisienne ne fut pas en reste. L’association des Ouléma inscrivait la cité parmi ses places fortes, le défunt Abdelkader Bisker utilisait sa plume en guise d’arme effilée. Le mouvement national constitué de toutes les tendances partisanes, PPA, MTLD, UDMA et PCA regroupés plus tard sous la bannière du FLN a eu de nombreux militants et on ne sait par quel hasard, les plus actifs d’entre eux se prénommaient tous Abdelkader, de Bisker à Hamida, de Zelouf à Delaoui, de Amrane à Okka. Au déclenchement de la révolution de novembre 1954, la population était fin prête, selon le commandant Omar Sakhri, membre du commandement de la Wilaya VI ancienne Zone 3 de la wilaya 1. L’opinion locale était préparée à l’insurrection de par l’incessante activité de ses militants et militantes.
Les chefs locaux de la révolution ont choisi, le mont de Zaafrania dans le djebel Messaad pour élire domicile et ce jusqu’au recouvrement de l’Indépendance. Ce lieu historique a été le théâtre de 12 batailles menées contre les armes les plus redoutables de l’arsenal colonial dont l’aviation de combat. Il dira que Abdeldjebbar ben Madani que Dieu lui prête vie encore, a eu à mener avec 11de ses hommes un combat inégal contre une escadrille d’avions. Il n’a été déploré que la perte d’une victime civile. En hommage à ce haut lieu de la lutte armée, le défunt président Boudiaf s’apprêtait à commémorer le 30è anniversaire de l’Indépendance près de ce bastion inexpugnable. Les jeunes de la région ont participé ici et ailleurs à cette lutte sans merci menée contre l’oppresseur ; de Badèche qui fut derrière la liquidation physique d’Amédée Froggée, selon Ahmed Basta et qui fut parmi les premiers guillotinés de Serkadji, à Mokhtar Abdelatif, à Lamouri Fakani à Baghdad Guéouièche. Les filles de la région dont Hafsa Bisker membre de l’Union Générale de Etudiants Algériens (UGMA) et officier de l’ALN, Louisa Bouziane et d’autres ont marqué leur génération par leur engagement révolutionnaire. Le commandant Si Cherif Kheiredine responsable des services de santé au maquis a eu à évoquer les moments de gloire de la médecine de guerre où de véritables miracles chirurgicaux on été réalisés dans les cinq hôpitaux de campagnes. Il parlera aussi de ses femmes handicapées à vie des deux mains pour avoir pétri le pain pour des compagnies entières. La moyenne journalière de galettes préparées dépassée les 200 unités. Quant au capitaine Tahar Laadjel, il évoquera le rôle déterminant de la communication au maquis, il parlera du bulletin quotidien et de la revue mensuelle « Sada’El Djanoub » éditée en ….couleur ! Il rappelera à l’assistance que ce sont les fortes colonies de M’Doukal et de Bou Saada installées à Alger qui pourvoyaient le maquis en moyens d’impression. La première ronéo était subtilisée du Palais du gouvernement siège du Gouvernorat Général d’Algérie.
L’Armée Nationale de Libération qui a investi sous sa conduite en Juin 1962 la cité, a eu à gérer la transition sociale et économique. Il rappellera à ce titre que la ville a été l’une des rares qui a assuré une année scolaire sans interruption.

Après une visite le lendemain à la zaouia Rahmania d’ El Hamel, les séminaristes se sont donné rendez vous pour le deuxième colloque qui abordera probablement le Mouvement National Algérien.

le 20 mai 2008






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