M'sila - 01- Généralités


Les conditions naturelles

Bou-saâda appartient à une zone semi-aride caractérisée par une sécheresse toujours préoccupante pour les hommes qui y vivent sédentaires ou nomades, la relation écologique qui les lie au milieu naturel est une loi d'airain : elle appelle une adaptation sans cesse coûteuse en efforts pour gagner la bataille de la survie. Pâturages insuffisants, chaleur torride la moitié de l'année, faune dangereuse (vipères et scorpions encore aujourd’hui), cours d'eau à sec...

Et pourtant la chance de Bou-saâda tient précisément à sa position géographique. Croisement d'axes fondamentaux faisant communiquer le Zab. le M'zab et le Tell et pavoisant du même coup le commerce florissant, naguère caravanier, aujourd'hui motorisé, site entouré de montagnes susceptibles d'arrêter les nuages du nord et de l'ouest, et par conséquent, de favoriser une pluviométrie précieuse ; contrée enfin bénéficiant d'une hydraulique exceptionnelle pour ces confins du Sahara avec la rivière de Bou-saâda et les nombreuses sources qui y sourdent. L'eau : le maître mot du désert. C'est elle qui déterminera toute l'histoire de la ville.

L'oasis, c'est-à-dire la palmeraie, ses dizaines de milliers d'arbres fruitiers et ses jardins sont le produit de la rivière, alimentée par les sources pérennes, produites elles-mêmes par les pluies, lesquelles sont dues essentiellement aux montagnes du sud et du sud-ouest. Ainsi s'établit un phénomène à la limite du paradoxe qui veut que Bou-saâda reçoive sa fraîcheur et son eau du sud, alors que la Méditerranée est au nord. Le Hodna, steppe sèche et désolée qui n'est même plus aujourd'hui alfatière, ne lui apporte pas les précipitations que l'on pouvait espérer des vents marins (el-behri). Ainsi, le "bonheur" qui meuble son toponyme, "Bou-saâda", lui vient plus du coté du Sahara que de celui du littoral. Avec un bilan hydrique malgré tout déficitaire , Bou-saâda et son aire appartiennent bien à ce que M. Pouget appelle "les steppes sud-algéroises (qui) offrent un bel exemple de dégradation du climat méditerranéen et de son passage progressif à un climat franchement désertique, quoiqu'encore de type méditerranéen".

Le site de Bou-saâda est bien un trait d'union entre la mer et le désert. l'agriculture et le pastoralisme, la sédentarité et la transhumance. C'est pourquoi il fut habité de longue date. N'était-il pas déjà peuplé dans les temps préhistorique ?


Bou-Saâda dans sa préhistoire

Nous trouvons dans le périmètre Immédiat de Bou-saâda une aire de vie néolithique qui vit l'aube d'une ère nouvelle pour la région. Non seulement des outils s'y rabrouèrent et s'y perfectionnèrent, marquant par là le sens de l'adaptation aux nécessités et l'ingéniosité de l'homo-faber, mais des peintures pariétales s'y fixèrent en témoins de l'esprit de créativité intellectuelle et artistique des premiers habitants de la contrée . Nul doute que, comme leurs contemporains du Tassili, ces hommes-là connurent une forme d'interrogation religieuse. Ils mirent au point une industrie rudimentaire, certes, au regard de notre technologie mais non moins porteuse d'une perfectibilité constante. Ils créèrent et améliorèrent leurs propres Instruments de chasse et de fabulation Ils fondèrent une loi biologique qui ne s'est jamais démentie : la domestication de la nature. Pour la survie, les techniques ultérieures contenues en germe dans leur ivre refus de la mort, et d'abord l'agriculture ne sont qu'une conséquence de leur lutte acharnée et instinctive pour sauver l'espèce. Entre le pasteur du Hodna d'aujourd'hui et le chasseur néolithique de l'oued Bou-saâda - ancêtre insondable - une préoccupation commune peut être identifiée: vaincre la nature et braver le péril non seulement par la puissance des muscles, mais aussi par l'imagination. Le couteau bou-saâdi qui tient son nom même de la ville qui le produit, n'est-il pas le descendant très perfectionné du biface effilé de l'époque bovidienne ? Sans celui-ci on n'eût pas produit celui-là. Précisément, c'est le rapport de l'un à l'autre qui éclaire l'intérêt des études préhistoriques.

" Dans la culture matérielle, écrit Leroi-Gourhan, beaucoup d'objets ont peu varié depuis la préhistoire: un couteau est fait pour trancher, une herminette pour creuser le bois, une hache pour couper. Les outils ont donc un stéréotype fonctionnel et fixe".

Les périodes chronologiques ne sont pas autonomes dans l'histoire d'un pays. Ce que chaque étape doit à la précédente ne peut être occulté, même si la relation de l'un à l'autre n'est pas nécessairement patente, les données historiques manquant souvent, qui permettent de reconstituer le cheminement intégral d'une culture.

A l'évidence, l'évolution est un attribut des civilisations. Celle du néolithique, fût-elle grossière, demeura une base sur laquelle auront éclos les autres grands moments de l'odyssée humaine. A Bou-Saâda, les premières populations du lieu nous ont laissé, somme toute, une oeuvre inachevée: des pointes de silex, armes dégrossies, des peaux, des ossements d'animaux chassés ou apprivoisés, des dessins exprimant leurs états d'ame. Autant d'actions culturelles qui demeurent des paramètres de la vie rurale moderne: la chasse, l'élevage, l'art, l'artisanat, la religion. Les millénaires ont permis à l'homme d'enrichir progressivement la nomenclature primaire des produits industriels, de les rendre plus fiables et opérationnels, et de sublimer son action en l'élevant au niveau de la conception théorique et intellectualisée. C'est l'homo-faber: l'assiette de Bou-Saâda est un des innombrables laboratoires où s'est opérée cette grandiose mutation. Voyons ce que l'Histoire, quand à elle, y a enregistré.



Les Gétules dans le Hodna

Bou-Saâda n'était ni une cité, ni même un village berbère; d'après ce que l'on sait à ce jour, aucune trace de peuplement antique stable n'a été relevé sur les lieux. Aucune découverte d'édifices ou de mobilier ne permet d'infirmer cela et d'affirmer une sédentarisation pré ou post-romaine de nomades autochtone sur l'emplacement de la ville actuelle. Cependant, il est maintenant établi que toute la région steppique centrale, y compris le Hodna et les couloirs qui le font communiquer avec les zones limitrophes, dont la trouée sud-ouest de Bou-Saâda qui ouvre la dépression sur les Ouled Nail, le M'zab et le Djebel Amour, toute la steppe numide donc, fut peuplée jusqu'à la colonisation romaine de nomades et, selon le mot de Planhol, de "montagnards sédentaires ou semi-nomades à courtes migrations", adversaires des Romains; Bou-Saâda fut sans aucun doute pour les autochtones une terre de parcours longtemps fréquentée. Trois facteurs au moins militent en faveur de cette position:

1. Bou-Saâda fut et demeure un carrefour idéal pour les nomades et transhumants des zones arides remontant vers les pâturages du Tell central ou les Hautes Plaines de l'est et descendant en sens inverse.

2. Les sols des environs bou-saâdis, nous l'avons vu, se prêtent particulièrement au développement de l'élevage: terre de parcours recherchée par les ovins et camelins.

3. Bou-Saâda, située dans un environnement aride était un site aquifère: sa rivière et ses sources attiraient certainement les nomades Gétules à la recherche d'eau pour la consommation humaine et l'abreuvement des troupeaux.

N'y eut-il pas là des atouts susceptibles d'attirer aussi dans le sud du Hodna les légions romaines qui occupaient le littoral méridional de la Méditerranée occidentale ?



Des romains à Bou-Saâda ?

Bien que le Corpus des inscriptions latines (t.8 consacré à la Numidie et à la Mauritanie Sétifienne) ne comporte aucune trace épigraphique latine sur l'oasis du Hodna, il est établi qu'un poste militaire romain a été édifié à Bou-Saâda: aucun document scripturaire ne permet de le dater. Il constituait un relais important au regard de son emplacement dans l'ensemble colonial et défensif du limes. La carte des troupes placées par Rome en Maurétanie césarienne établie par N. Benseddik fait mention de Bou-saâda comme point de stationnement de soldats romains. Par ailleurs, des pièces de monnaie et, selon Salama, une statue romaine ont été retrouvées à Bou-Saâda. La statue a disparu, confisquée vraisemblablement par un archéologue amateur... Le fait est que les Bou-Saâdis interrogés à propos du précieux objets sont perplexes: ils en connaissent pour la plupart l'existence, mais en ignorent tous le sort. Quand aux pièces de monnaie, P.Salama les a identifiées avec précision: un sesterce de Trajan, deux sesterces de Sévère Alexandre (IIIe s.) et de nombreuses menues monnaies du IVe siècle. Ce qui signifie que l'érection du fort romain de Bou-Saâda dut etre assez tardive et se prolongea, tout au moins, durant le IVe siècle. Au total, on peut admettre que les Romains sont bien passés à Bou-Saâda plus d'une fois, et qu'ils y ont construit un jalon militaire qui fonctionnait certainement en liaison étroite avec son voisin immédiat le fort d'El-Goléa. Despois pense que "les centres crées dans les steppes berbères par les Romains ont été habités par quelques militaires, de rares fonctionnaires et quelques familles originaires des diverses parties du monde méditerranéen". Dans le cas de Bou-Saâda, on peut affirmer qu'il s'agissait d'un relai modeste de l'armée impériale et qu'il fut seulement habité par des militaires-sentinelles du limes.



La geste hilalienne à Bou-Saâda

L'enjeu qui se disputait dans le Hodna ne fut que la réplique en miniature de cette singulière mutation civilisationnelle qui eut pour champ l'Afrique du Nord. Les Hilaliens atteignirent l'océan un siècle à peine après avoir foulé le sol du Jerid. La métaphore de J. Berque mérite d'être citée tant elle situe la métamorphose pour ne pas dire la rupture du paysage culturel vécue alors par le Maghreb. "On croirait, écrit-il, voir jouer sur cette aire immense une ondulation dont les tribus nomades ou transhumantes seraient les ondes; des ondes, toutefois, qui se brisent sur des îlots de sédentarité citadine ou campagnarde et sur ces gigantesques pôles de conservation: les Kabylies, les Aurès, les Atlas". En l'occurrence, la sédentarité qui émergeait de la steppe hodnéenne parce que repliée sur les monts alentours ne regagnera les basses terres qu'une fois la crainte du bédouin dissipée. Mais la jonction devait ultérieurement s'effectuer aux pris de remarquables concessions du sédentaire: acquisition par lui de la langue, cession de produits agricoles, rétrocession des maquis et emprunt quasi systématique des comportements. Mais ce fut l'Islam qui allait rapprocher et cimenter définitivement deux groupes, qui progressivement, devaient mettre en exergue leurs convergences politico-religieuses et placer au second plan leurs disparités culturelles et culturales.



La steppe malekite

Les soufis, présentés toujours par la légende, comme des hommes pieux, sages et humbles, furent dès leur apparition, vénérés au Maghreb. L'émergence de leur mouvement allait entraîner une mutation socio-religieuse remarquable: bientôt, on confondit mystique et marabout, le "wali" incarnant l'un et l'autre. A telle enseigne que l'Islam maghrébin, dans ses ressorts populaires et ruraux, édifia avec ferveur des mausolées en guise de sépultures à tous ses saints. Ceux-ci furent si respectés que leurs tombeaux devinrent très vite des foyers de pèlerinage et les sièges d'établissements d'enseignements religieux: les zaouias. L'une des plus célèbre d'Algérie fut érigée aux portes de Bou-Saâda à la mémoire du saint local Sidi Mohamed ben Belkacem: El-Hamel. La montée du phénomène maraboutique maghrébin allait avoir une incidence sur la fondation des cités. Voyons la part des "awliya" dans l'édification de notre oasis hodnéenne.


L'émergence de Bou-Saâda

Il convient d'écarter les éléments caducs et "merveilleux" de la légende : le chacal séduit par le saint et qui décide du lieu de Bou-saâda; l'attribution d'un toponyme déterminé par un hasard douteux: le passage d'une chienne... Mais il semble correct d'admettre l'émergence de Bou-Saâda sur la fin du XVe siècle ou au début du XVIe siècle, sur l'initiative d'un saint homme, Sidi Slimane. Le wali édifia d'abord Djemaâ-el-Atik, la plus ancienne mosquée de la cité, encore bien conservée aujourd'hui.

Que pouvait-il bâtir d'autre sinon un lieu de culte et de rencontre ? Car la fonction sociale du temple n'est pas moins patente que sa mission spirituelle. Il s'agissait aussi de rassembler, d'unifier, d'éduquer, de faire converger des énergies fougueuses et volontiers chaotiques vers la construction d'une communauté sédentaire organisée. L'embryon sacré de la médina se devait d'être tout à la fois un oratoire, une école, une mairie et un poste de commandement. Sidi Slimane incarna simultanément les chefs des quatre institutions. Il ne fut pas isolé dans son genre. Nombre de thaumaturges à son image fondèrent ainsi telle zaouia ou telle cité du Maghreb: les manuscrits abondent qui l'attestent. Son mausolée aujourd'hui, ayant franchi quatre siècles, est vénéré par un groupe qui fut longtemps analphabète ou ne possédant que des rudiments de langue coranique. La légende fut sa mémoire historique. Pourquoi alors la société bou-saâdie aurait-elle décidé, durant plus de dix générations de se mentir à elle-même et sur sa propre identité ? Ce qui est certain, et on recoupe la légende, c'est que l'oasis a plus de deux siècles et demi puisque le Dr Shaw qui a séjourné à Alger pendant douze ans en qualité de chapelain de la factorie anglaise, écrivait: " ... Herman, dachekra remarquable que l'on rencontre en allant à Boussaâdah. Boussaâdah est le nom de plusieurs dachekras dont les habitants subsistent en grande partie de leurs dattes. Ils campent sous le mont Gibel-Seilat". L'orthographe rectifiée, nous obtenons Ain-Kherman (au bord de l'oasis sur la route d'Alger) (Bou-Saâda, dachra (village) et Djebel Selat (nord-nord-ouest de la ville).

L'évolution de la période écoulée depuis l'existence attestée de la palmeraie; la localisation dans le temps, que les légendes permettent de cerner, de l'avènement de Sidi Slimane parmi les Bedarna; l'existence confirmée par les historiens de cette vigoureuse branche hilalienne du Hodna-Ouled-Nail; l'inexistence de constructions pouvant etre antérieures à la renaissance, à l'exception du fort romain aujourd'hui disparu; le silence d'Ibn Battouta et d'Ibn Khaldoun sur la ville de Bou-Saâda; tout cela permet d'affirmer que le village primitif qui devait devenir l'oasis actuelle date de la fin du Moyen Age ou du début du XVIe siècle. Dès lors sa cràtion aurait pu coincider avec l'avènement du beylicat d'Alger. Dans cette hypothèse, on peut s'interroger sur les rapports entre la jeune bourgade et le gouvernement des Janissaires.



Bou-Saâda sous la Régence

Les forces ottomanes passaient en un siècle de 20 000 à 4 000 hommes. Le prestige de la Porte en Algérie était à son déclin: ses représentants tombaient dans la décadence. Le débarquement français de 1830 fit le reste. Bou-Mezrag, le dernier bey du Titteri, regagna Alger, puis revint à Médéa et, pour finir fit sa soumission au Maréchal Clauzel. Dans les tourments de l'invasion coloniale, Bou-saâda se mit en marge de l'autorité du bey de Médéa et passa sous la mouvance de celui de Constantine, Hadj Ahmed. Ainsi, la plainte que celui-ci adressa au Parlement britannique pour dénoncer la répression française et appeler à l'aide fut-elle signée par 2 307 protestataires dont 52 cheikhs et caïds de tribus: le document mesure 3m sur 0,24m. Parmi ses signataires, figure Ali ben Khalil, caïd des Ouled Derradj: or, écrit A.Temmini: "Les Ouled Derradj... sont établis au delà de Hodna, au sud de la Medjana; du coté de M'sila, la ville de Bou-Saâda est une ville très industrieuse dans cette région". Ahmed Bey fut donc un irréductible résistant. L'armée coloniale eut à redouter ses coups jusque dans le sud du Hodna, puisque l'un de ses officiers commandant du cercle de Bou-Saâda écrit: "Cependant, dans la province de Constantine, nous avions un ennemi qui se débattait, se remuait, n'épargnait ni ses pas ni ses démarches pour ameuter les populations contre nous. C'était le bey Ahmed; il nous avait voué une de ces haines marquées au bon coin...". Cependant, la lutte patriotique ne s'appuyait pas suffisamment sur une coordination méthodique des énergies trop dispersées et des moyens matériels conséquents. Aussi, l'oasis de Bou-Saâda, subira-t-elle les coups de boutoir de l'Armée d'Afrique pour se soumettre un temps à ses canons.


La colonisation: L'oasis investie

Au total, l'occupation militaire de Bou-Saâda fut achevée en novembre 1849. Mais l'on peut affirmer sans conteste que les populations urbaines et nomades, dans un combat à armes égales, étaient à meme de tenir la place qui, au demeurant se prêtait au siège. Les croquis du sergent-major Chazotte et les descriptions de la cité faites par les militaires des "affaires arabes" montrent à l'évidence que Bou-Saâda avait les moyens de se transformer en citadelle. Les cultures de sa palmeraie (dattes, céréales, légumes, fruits variés), le mur qui ceinturait la ville et en délimitait le périmètre, la configuration de la médina avec ses impasses et venelles inextricables au regard de l'étranger, la foi ardente des citadins dont les rangs étaient grossis par les nomades de tous les environs, tout cela en principe lui laissait les instruments de sa défense et le maintien d'un éventuel siège de longue haleine. Cependant, la réalité fut que la lutte n'opposa pas 2 000 Bou-Saâdis à 2 000 soldats d'Afrique équitablement équipés. On peut dire que les deux facteurs qui décidèrent du sort des combats fut le matériel et le goum. Les soldats d'Afrique disposaient d'une artillerie redoutable dont les pièces menacaient directement non pas les seuls insurgés eux-mêmes, mais leurs femmes, enfants et demeures. En face des résistants, il n'y avait que des soldats. Face à ceux-ci, une population civile de milliers d'ames était exposée les mains nues. Résister plus longtemps revenait à assassiner l'oasis. Par ailleurs, le goum de Ben-Yahya fut terriblement efficace pour l'armée d'Afrique. Composé de centaines de cavaliers et de fantassins, il offrait à Daumas la connaissance immédiate des hommes, de leur cité et de leur culture, L'obstacle linguistique par exemple, sans le goum, eut été redoutable pour les officiers. Les hommes de Ben Yahya traduisaient les ordres, frayaient le passage, signalaient les périls et ne manquaient pas de scrupule devant toutes les besognes. Les harkis d'alors, pour les forces coloniales, furent de précieux auxiliaires.

Au demeurant, la fonction de médiateurs dociles, que durent exercer un temps les parvenus de service, n'apporta pas aux officiers la connaissance intime de la culture bédouine. Ainsi lorsque le capitaine Pein et le lieutenant Boutet entreprirent de dresser la carte topographique des tribus du cercle de Bou-Saâda, ils furent déroutés par la configuration géo-ethnique du territoire placé sous leurs ordres. Les fractions nommées "ghraba" (occidentales) devaient, pour les deux officiers, habiter vers l'ouest du cercle et les "chraga" (orientales) vers l'est. Or ils découvraient des "ouestiens" à l'est et des "estiens" à l'ouest. Bien entendu, les relations inter-tribales, la mobilité nomade, le statut des terres de parcours n'avaient rien à voir avec le découpage des cantons, l'agronomie normande ou la propriété foncière en Beauce. Il était également difficile aux commandants de Laghouat et de Bou-Saâda de s'attribuer les Ouled-Nail:ils étaient partout. En un mot, la résistance à la pénétration coloniale fut armée, mais de courte durée, et culturelle, mais de longue haleine.

Famille de marabouts et de patriotes, les Ben Chebira furent maintenus en liberté surveillée à Bou-Saâda.


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