Rencontrée dernièrement au palais de la culture Moufdi Zakaria, de Kouba, lors d’une exposition consacrée au burnous, la jeune artisane, Samira Guettouche, de M’Sila, revient sur sa passion pour les tenues traditionnelles en général et pour le burnous en particulier.
- Vous êtes, aujourd’hui, à la tête d’une importante entreprise spécialisée dans la réalisation de vêtements traditionnels. D’où vient cette passion?
J’ai commencé dans ce métier parce que mon père y était déjà. J’ai été élevée dans un univers où les fils et les tissus traînaient partout. Mon père était un commerçant ambulant. Il avait un associé qui était spécialisé dans le burnous. Mon père ramenait à la maison toutes les pièces que son associé avait réalisées pour une opération de finition et d’emballage. Et bien entendu, j’étais de la partie. Je me plaisais donc à aider mon père, à signaler les défauts, à coudre et à emballer les articles par taille. Il ne faut surtout pas oublier que j’ai suivi un stage de 18 mois dans un centre de formation professionnelle, à M’Sila. J’ai créé ma propre entreprise, en 2011, au prix de beaucoup de sacrifices et de labeur. Je me souviens que j’ai souffert les premières années. Je me levais à 4h du matin, pour terminer à des heures tardives la nuit.
Ma marque est spécialisée dans la réalisation de vêtements traditionnels, dont entre autres, le burnous, la kachabia et la gandoura. De même que nous réalisons de nouvelles créations dans l’air du temps.
- Vous avez donné, au sein de votre atelier, des formations en direction des jeunes?
J’ai effectivement décidé de lancer des formations en direction des jeunes voulant apprendre ou se perfectionner dans la couture, ou encore dans la confection des burnous, des kachabias et des gandouras. Ce sont généralement des groupes de douze élèves, comprenant trois garçons. Ces derniers sont très motivés par le travail.
- Mais le burnous reste-t-il un vêtement très prisé dans votre région?
Le burnous est un vêtement traditionnel connu dans plusieurs régions d’Algérie, en tant que patrimoine culturel transmis de génération en génération. Nous, habitants de M’Sila, tenons à ce vêtement traditionnel. Nos hommes continuent de le porter. Il est très prisé par la clientèle masculine. Personnellement, je fabrique des burnous en laine de mouton et de chameau. J’utilise également le tissu molletonné indistinct. La confection d’un burnous demande en moyenne cinq mois. Ce dernier passe par plusieurs étapes précises, dont la tonte des poils durant la saison chaude, la préparation des flocons avec le kardache, le filage, le tissage et la couture manuelle. Je dois avouer que je vais à la rencontre de femmes spécialisées dans la collecte et le triage de la laine. Je ne m’occupe que du tissage et de la couture dans mon atelier. Il est clair que les burnous artisanaux sont tissés surtout par des femmes rurales. Il faut savoir qu’un burnous tissé en laine de chameau, fait à la main, atteint facilement la barre des 160.000 DA. Pour le burnous tissé en laine de mouton, le prix commence à partir de 30.000 DA, pour atteindre la barre des 70.000 DA. Quand il s’agit de laine mélangée, le prix est de l’ordre de 100.000 DA. Je propose également des djellabas, bon marché, coûtant entre 3.000 et 7.000 DA.
- Arrivez-vous à trouver la matière première nécessaire sur le marché?
Dieu merci, nous n’avons aucun problème pour la matière première. Nous trouvons tout ce que nous voulons. Quand il nous arrive de ne pas trouver le tissu, les fils ou encore les cordons voulus, nous passons commande auprès du commerçant, et là nous sommes servis au bout d’un temps qui n’excède pas les vingt-quatre heures.
- A l’image des autres régions du pays, le problème de la main-d’œuvre qualifiée, pour le tissage des burnous, se pose-t-elle avec acuité à M’Sila?
Je voudrais d’abord préciser que le commerce n’est pas du tout lucratif. Nous n’avons pas tellement de rentrées d’argent. Notre objectif premier est d’essayer de préserver et de perpétuer ce patrimoine ancestral. Nous essayons de valoriser notre produit. Cette préservation ne peut se faire qu’avec l’aide des jeunes. Ces derniers doivent faire des efforts afin de s’intéresser à ces métiers artisanaux. Les tisseurs et les tisseuses maîtrisant le savoir-faire ancestral deviennent rares. C’est regrettable de constater que la relève, dans le tissage du burnous et de la kachabia traditionnels, n’est pas assurée dans le Hodna.
Nacima Chabani
Posté Le : 06/05/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: © Photo : M. Salim ; texte: Entretien par Nacima Chabani
Source : El Watan.com du samedi 4 mai 2013