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Le Dahra, Une mise en valeur de grande envergure


Ayant longtemps survécu grâce à une agriculture de subsistance, la région du Dahra attend impatiemment la mise en application du fameux périmètre de mise en valeur. Un projet très ambitieux qui aura nécessité de longues études et la construction d’un barrage sur le cours du Kramis, le plus important oued de cette région au climat très particulier.

S’étalant depuis les monts de Ouillis jusqu’aux contreforts de la chaîne montagneuse du Dahra, la région se caractérise par un climat tempéré qui puise sa douceur dans la proximité immédiate de la mer. Cette bande côtière qui atteint par endroit jusqu’à 12 kilomètres à l’intérieur des terres, se voulait exclusivement agricole. Pratiquant une agriculture en sec avec quelques rares incursions de petites surfaces irriguées, réparties çà et là entre Sidi Lakhdar à l’Ouest et Ouled Boughalem à l’Est, elle sera progressivement entraînée vers les cultures protégées. Ses fellahs besogneux à l’extrême, abandonneront progressivement l’aridoculture faite de vignobles et d’arboriculture fruitière et s’appliqueront à cultiver essentiellement de la tomate sous serre, dont ils deviendront très rapidement des leaders incontestés. Mettant enfin en exergue une fertilité jusque-là insoupçonnée, y compris de la part du colonat qui s’appliquera à favoriser la viticulture et la production de vins de qualité irréprochable. Cette monoculture commencera à perdre du terrain une fois l’indépendance acquise et le départ des colons vers la métropole. La mévente des vins et la désorganisation des domaines autogérés finiront par plonger la région dans une longue et difficile récession. La restructuration des domaines socialistes agricoles en EAC et EAI participera au morcellement des terres des grands domaines. Les terres privées étant par ailleurs fortement morcelées, la région va se retrouver avec des centaines de petites exploitations que le projet de développement durable qui tend à se mettre en place devra inévitablement chercher à modeler. Une opération d’une grande complexité que des expertises confiées à un dynamique bureau d’études tunisien, accompagné d’un groupe portugais, aura tenté de cerner afin de tracer une voie qui devrait faire parvenir la modernité dans une région longtemps livrée à elle-même. Rendue à la direction de l’Hydraulique qui en était le commanditaire, la lourde expertise tuniso-portugaise devrait aider les pouvoirs publics à dessiner les contours d’un développement harmonieux et réfléchi de la zone considérée.

Accompagnement technique
Le gros rapport déposé en 2004 à la DHW tente, avec beaucoup de sérieux, de faire une ébauche de ce que sera la région lorsque les eaux du Kramis parviendront au niveau des parcelles éparses du futur périmètre. La principale ressource consiste en la disponibilité annuelle de 18 millions de M3 d’eau. Avec une capacité de stockage de 25 millions m3, l’eau du barrage servira à hauteur de 10 millions m3 à alimenter en eau potable les populations de la région. Une retenue construite sur l’oued Bakhreti, devant réguler entre 2 et 3 millions de m3. Par ailleurs, la stratégie envisagée consiste à faire parvenir l’eau au niveau des parcelles. Dans une première étape, c’est le passage de plus de 700 hectares d’une culture extensive à une culture intensive. Il ne s’agit pas seulement d’un simple transfert technique mais d’un véritable bouleversement dans les mentalités paysannes. Une action culturelle d’envergure qui devra accompagner ces fellahs durant une longue période d’adaptation. L’essentiel sera de parvenir à un usage raisonné et prolifique de la ressource hydrique. Même si l’étude ne fait qu’effleurer le problème, il est temps de rappeler que par le passé, la mise en valeur des terres a toujours bénéficié d’un accompagnement technique d’envergure, qui était assuré par des commissariats de mise en valeur. Une véritable administration technico-administrative qui avait la redoutable tâche de déterminer les plans de culture et de trouver les débouchés. Disposant d’un encadrement technique chevronné, cette structure avait le redoutable défi de faire aboutir le projet de développement. Après avoir mis sur rail les exploitations, cette structure se retirait au profit d’autres acteurs. Force est de constater que dans le projet du Kramis, rien de tel n’a été pensé.

Amorce avantageuse
Même l’office du périmètre irrigué, dont la tâche principale consiste à distribuer l’eau et à récupérer les redevances, n’a pas encore l’ombre d’un embryon. C’est ainsi que la mise en eau d’une première tranche de 700 hectares, qui devrait concerner plus de 400 exploitants, tarde à se concrétiser en raison de l’absence d’une structure de coordination de toute l’opération. Le morcellement des parcelles individuelles, dont la superficie moyenne est de 2 hectares, sera le principal écueil à franchir. L’absence d’association de producteurs, l’inexistence de structures de conseil et de vulgarisation, l’obsolescence des délégations agricoles de proximité et l’influence avérée des firmes privées sur les facteurs de production, sont les principaux paramètres qui pourraient entraver l’entrée en activité du périmètre. Le statut foncier des terres, dont la grande majorité est occupée par des fellahs sans titre, ne plaide nullement pour le montage de partenariat avec des bailleurs de fonds et des porteurs de schémas de développement. La fertilité des sols, la douceur du climat, la disponibilité de l’eau, l’existence d’un chômage endémique et la dextérité des habitants de la région plaideraient plutôt pour une amorce avantageuse de la mise en culture. Pourtant, l’expérience pourrait tourner court, pour la simple raison que sur le terrain vont apparaître des contraintes que la plus pointue des expertises ne peut prévoir. Reste l’inconnue du facteur humain. Les rudes montagnards du Dahra pourraient déjouer tous les pronostics, des plus pessimistes aux plus optimistes. Il demeure un grand regret, celui de voir les universitaires tourner le dos à cette expérience, parmi les plus exubérantes et les plus fécondes que la région ait jamais connues.




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