Mostaganem - Al Alawi

Cheikh El Alaoui : Un grand maître de l'illumination Soufie



Cheikh Ahmed Al Alawi
Cœur vivant de l'Islam, au sein duquel le lien entre maître et disciple réactualise, par le contrat de deux volontés, le pacte remontant au Prophète (que le salut et la paix soient sur lui), par la Silsila (chaîne initiatique), elle­-même symbole de la dépendance de l'âme vassale envers son seigneur, Intériorisation vécue d'un donné révélé conjointement à l'observance fidèle des pratiques rituelles : Certes, le Tassaouf (le Soufisme) c'est cela.

(Eva de Vîtry Meyarovitch).

La Zaouïa où l'enseignement soufi est en vigueur constitue un centre d'études ou' le savoir n'est plus dans les livres, et il ne suffit pas d'en­traîner les facultés mentales pour le conquérir.

Les initiés peuvent accéder à la forme la plus élevée de la connaissance par la purification du cœur et la purification de l'esprit.

'Le livre des Soufis n'est pas composé de lettres et de mots, il n’est rien d'autre qu'un cœur blanc comme la neige’ (Djellel Din Rumi).

Ils (les Initiés) apprennent à renoncer à la parole et à la discussion (el quil oua el qual) et à découvrir l'extase de la contemplation (el-hal) et ce, au pied du maître.

Au début de ce siècle, l'Algérie a découvert un grand maître en la per­sonne du Cheikh Al-ALAWI. Né à Mostaganem en 1871, il s’était affilié tout Jeune aux Aïssaouas, Il eut parvenu à dompter les serpents et à exécuter d'autres actions surnaturelles. Un jour, il fit la connaissance du grand maître soufi Sidi Mohamed lbn El-Habib El-Bouzidi, connu sous le nom de Sidi Hamou Cheikh, de la confrérie des « Derquauas » qui lui dit «il en existe un véritable monstre dont tu aurais moins facilement raison». Veux-tu que je te le nomme?' C'est ton Nafs, la nature intérieure. C'est elle que tu dois dompter! Ce sont tes passions que tu dois vaincre.

A partir de ce jour disait Cheikh Al-ALAWI, Sidi Hamou me prit comme disciple, et voici ce qu'il m'enseigne. 'L’infini ou monde de l'absolu que nous croyons extérieur à nous-mêmes, est, au contraire, universel et existe tel aussi bien en nous-mêmes qu'au dehors. Il n'y a qu'un monde. C'est celui-là, ce que nous considérons comme le monde sensible, le monde du fini ou temporel n'est qu'un ensemble de voiles cachant le monde réel.

Ces voiles sont nos propres sens, qui ne nous donnent pas la vision exacte des choses, mais qu'au contraire an empêchent et limitent la pleine perception. Nos yeux sont les voiles de la vue, nos oreilles le voile de l'ouie et ainsi des autres sens. Pour se rendre compte de l'exactitude du monde réel, il faut faire tomber ces voiles qui sont les sens. Il faut en supprimer tout fonctionnement, fermer les yeux, se boucher les oreilles, s'abstraire du goût, de l'odorat, du toucher.

Que reste-il alors de l'homme? Il reste une lueur légère qui lui apparaît comme la lucidité de sa conscience. Cette lueur est très faible à cause des civiles qui l'entourent mais il y e continuité parfaite antre elles elle grande lumière du monde Infini. C'est dans cette lueur que se concentre alors la perception du cœur, de l'âme, de l'esprit et de la pensée.

Le Dikhr du nom Divin, de l'infini 'Allah - Allah' est comme le va-et-vient qui affirme la communi­cation de plus en plus complète, jusqu'à l'identité entre la lumière de la conscience et les éblouissantes fulgurations de l'Infini. Cette continuité s'étant constatée. Notre conscience peut par le dikhr couler en quelque sorte, se répandre dans l’infini et fusionner avec lui au point que l'homme arrive à se rendre compte que seul l’infini est, et que lui, l’homme conscient n'existe que comme voile. Une fois cet état réalisé, toutes les lumières de la vie infinie peuvent pénétrer l'âme du Soufi, et le faire participer à la vie divine. 'Nous leur montrerons bientôt nos signes ; dans l'univers un eux-mêmes, jusqu'à ce qu'ils voient claire­ment que ceci est la vérité' (Coran). En effet, quand quelqu'un est suffisamment avancé sur la voie spirituelle, il lui reste alors d'obtenir l'illumination, c'est-à-dire l'élargissement conscience qui lui permettre de réaliser par le cœur ce qu'il a appris cérébrale ment et ce, sous la conduite d'un maître (le mourid, l'aspirant au soufisme) doit toujours agir sous la conduite d'un maître pour ne pas se précipiter dans les abîmes de la métaphysique. Dans l'un de ses poèmes, le Cheikh Al-ALAWI, s'adressant à l'aspi­rant au soufisme, dit : 'Pour toi, Il (le maître) aplanira le chemin de la Vérité, par lequel tu pourras rechercher la lace de Dieu. Dès la première rencontre, sur-le-champ, il s'emparera de toi et sur le sentier du Saigneur, il placera ton pied. Fixe dans l’œil de ton âme les lettres du nom Divin. Par la grâce du maître sur les horizons, tu verras resplendir des lettres qui ne sont ailleurs que dans ton cœur. Aussi, fais-lui confiance pour t'enlever aux liens qui t'emprisonnent. T’em­menant vers les libertés des libertés, vers le pre­mier, vers celui qui précède tous les commence­ment, en l'essence duquel, comme rien, tu vois l'univers tout entier, mais que rien dans l'infini du Seigneur. (Un grand soufi a dit : 'L'ignorance de l'homme vient donc de l'impureté de sa nature, qu’on retire cet écran elle vérité des choses apparaît dans son évidence.)

Après la mort de son maître survenue en 1909, le Cheikh Al-ALAWI a déclaré 'Le Prophète m'a dit d'un langage clair, je te fais triompher'. Les contradicteurs lui avaient demandé la preu­ve de cette interpellation. Cette preuve, c'est la naissance, le développement et l'extension spontanée de la Tarika. La Tarika, c'est n’est pas proprement parler, une voie plus ou moins longue et pénible. C'est une succession d'états de conscience de plus en plus élevés. Le maître, lui, est arrivé au summum de cette série d'états de conscience. Il fait participer ses disciples à des acquisitions spirituelles. En effet, en un laps de temps, sa Tarika a étendu son prestige à toutes les contrées (les pays musulmans). L'Europe elles Amériques). Sa Tarika a séduit des intellectuels européens comme Abdelkrim JOSSOT - MARTING LINGS Izard Abdellah, etc. Ces intellectuels peinés par une civilisation mécanisée qui, oublieuse du cœur, a réduit le monde a une froide géométrie, et le Cheikh Al-ALAWI a su, par sa véritable science spirituelle, les décharger des lourds dossiers de l'intelligence en leur faisant atteindre d'un bond le Divin. Et il reste pour eux l'un de ces mages qui portent dans leur enseignement les Soufies lointains de l'Asie. On peut, écrit M. Frithojof-Schuon, comparer la rencontre d’un de ces mes­sagers à ce que serait par exemple, en plein vingtième siècle, celle d'un Saint du Moyen-Age ou d'un patriarche sémitique, telle était aussi l'impression que nous a donnée celui qui fut à notre époque un des plus grands maîtres du Soufisme, le Cheikh Al Hadj Ahmed Abul Abbas Ben Mustafa Ben Alloua, connu ainsi sous le nom de 'Cheikh Al-ALAWI'.

Il est à indiquer que le Cheikh Al-ALAWI qui avait fixé sa Zaouias centrale à Mostaganem a, par sa grande science et ses grandes vertus, Obtenu en un temps très court des résultats tels que beaucoup de ses disciples ont atteint cet état de béatitude qu'on nomme 'El ouessoul'. Son enseignement a également attiré vers lui un nombre important de savant (Ouléma) des uni­versités - 'Zîtouna' de Tunisie, 'El Karaouïne' du Maroc et d'autres pays. Ces Ouléma impré­gnés de l'enseignement Soufi Inculqué par le Cheikh, le propageaient à travers la monde. Des milliers y adhéraient et des Zaouias étaient créées un peu partout.

Le Cheikh Al-ALAWI allait au-delà du littéralis­me, et trouvait aux livres Sacrés toute une hiér­archie de sens. (A noter que le Cheikh possédait une connaissance approfondie du Coran, de la Bible, et de l'Evangile). Son exégèse habile, ondoyante, aventureuse parfois, tournait à mer­veille l’obstacle de la lettre. Elle an faisait jaillir l'esprit. C'est ainsi qu'il rejoignit Ibn Rochd, Ibn Thofall et Ghazali. En 1921, il publiait son diwan (recueil de poème) dans lequel, il célèbre la présence pro­phétique et l'ivresse du diwan dans un style poé­tique flamboyant. Il est à indiquer que depuis quelques années des chanteurs du genre 'chaâbi' puisent des 'quaçaïde' de ce diwan. (Pour ce qui est de la musique, le Cheikh disait qu'elle n'a pas les arêtes sèches du mot, et que fluide et coulante comme un ruisseau. Elle porte l'homme à Dieu). Le Cheikh avait écrit plusieurs ouvrages de Théologie et de mystique musulmane. Ils constituent un élément précieux pour celui qui est enquête de la vérité. Dans son livre, Recherche Alawia dans la philosophie isla­mique, le Cheikh met en lumière à l'honneur celle du 'aql' an montrant son affinité avec les don­nées révélées, avec la parole divine, avec le Coran sublime et généreux. Et qu'est ce-que ce 'aql' ? C'est cette lumière de l'intelligence proprement humaine, proprement humaine, pensée et tous ses attributs. Dans cet ouvrage, Il fait appel à notre réflexion et nous guide dans l'examen de l'univers qui nous entoure. Il nous amène à nous questionner sur son origine et sa finalité qui est l'homme.

Le Cheikh Al-ALAWI avait même fondé un jour­nal El Balagh El Diazaïri qui portait son message non seulement en l'Algérie, mais également a toute l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, la France, l'Angleterre et les Amériques. La lecture de nombreux Articles qu'il publia dans ce jour­nal, fait apparaître que le Cheikh Al-ALAWI accor­dait ave importance particulière à tout les sec­teurs de l'activité humaine en son temps. Il y relevait les lacunes, les faiblesses, les défaillances et les déviations et suggérait des solutions adéquates à chaque cas. A. Barque le désigne comme l'évangéliste moderne qui a su combiner la culture musulmane avec la discipline européenne. Pour Al-Alawi, les livres Sacrés sont de sens multiples, les interprétations doivent varier de génération en génération et les dogmes évoluent comme les hommes tout en restant identiques à leur substance naturelle. Nous sommes en plein modernisme. Le mysticisme, au surplus, répugne à s'enfermer dans des concepts rigides, il les gonfle de sa vie bouillonnante les déborde (débarde) et, à la fin, les brise en éclats. Son ascèse brûlante allait de pair avec ce que nous appelons le prophétisme évolutif 'l’auto perfectionnement de la révélation divine'. Le docteur Marcel Carret, devenu l'ami intime du Cheikh raconte dans 'ses souvenirs' en le voyant pour la première fois : 'Ce qui me frappa de suite fut Sa ressemblance avec le visage sous lequel On a coutume de représenter le Christ. Ses vêtements, si voisins sinon identiques de ceux que devait porter Jésus. Le voile de très fin tissu blanc qui encadrait ses traits, son attitude, enfin tout concourait pour renforcer encore cette ressemblance. L’idée me vint à l'esprit que tel devait être le Christ recevant ses disciples lorsqu'il habitait chez Marthe et Marie... D'autre part, à la réflexion, je me demandais si je n'avais pas été victime de mon imagination. Cette figure de Christ, ce ton de voix paisible et douces, ses manières affables pouvaient avoir exercé sur moi une influence favorable propre à me laisser supposer une spiritualité qui n'existait peut-être pas. Son attitude pouvant n'être qu'une 'pose' voulu et calculée, et sous cette apparence qui semblait recouvrir quelque Chose, peut-être n'y avait-il rien. Cependant, il m’avait paru tellement simple et naturel Cependant, que ma première impression persistait ! Elle devait se confirmer par la suite. (Il est à pré­ciser que la station (maquam) du Prophète est supérieur celle du saint (Quali). L'un des admirateurs du cheikh, M. Frithojof-Schuon, en a tracé un tableau oubliable.

'Vêtu d'une djellaba brune et coiffé d'un turban blanc, avec une barbe argentée, ses yeux de visionnaire et ses longues mains dont les gestes semblaient alourdis par le flux de la baraka, exaltait quelque chose de l'ambiance archaïque et pure du temps de Sidna Ibrahim El-Khalil. Il parlait d'une voix affaiblie, douce, une voix de cristal tiré laissant tomber goutte à goutte ses paroles, il y avait un ton résigné et détaché dans cette voix, et il semblait que les pensées qu'elle transmettait n'étaient pas plus que l'extériorisa­tion très fragile, très transparente d'une intelli­gence trop consciente d'elle-même, pour se disperser dans le courant des contingences. Ses yeux, deux lampes sépulcrales, ne paraissaient voir, sans s'arrêter à rien, qu'une seule et même réalité, celle de l'infini à travers les objets ou peut-être un seul et même néant dans l'écorce des choses.

Regard droit, presque dur par son énigma­tique immobilité et pourtant plein de bonté. Souvent, les longues fentes des yeux s'élargis­sent subitement comme par étonnement ou comme captées par un spectacle merveilleux. La cadence des chants, des danses, des incantations rituelles semblait se perpétuer en lui, par des vibrations sans fin.

Sa tête se mouvait parfois dans un bercement mystique, pendant que Son âme était plongée dans les inépuisables mystères des noms divins, cachés dans le dikhr (le souvenir). Une impres­sion d'irréalité se dégageait de sa personne, tant Il était lointain, fermé, insaisissable dans sa sim­plicité tout abstraite'. On l'entourait de la vénération que l'on devait à la fois ou Saint, au chef, au vieillard, au mourant, tel était l'homme, le Cheikh Al-ALAWI.

Sur le plan national, il était certes un panislamiste mais dans un cadre algérien. il attaquait le projet de naturalisation des Algériens envisagé par la France et prêchait an faveur de la nationalité algérienne.­

Pour mieux saisir le cheminement de la pensée du Cheikh, il est intéressant de rapporter les déclarations importantes qu'il ait faites à un jour­naliste qui lui demandait : 'La religion musulmane est-elle hostile a la civilisation et au progrès ? Pas du tout, répondu le Cheikh.

La religion musulmane est très libérale et recommande l'instruction et la science. Elle met la science au-dessus des pratiques religieuses.' En lisant notre histoire, on verra que les musulmans avaient eu des architectes, des docteurs, des ingénieurs, des ingénieurs, des géographes et aussi des philosophes. Ils se sont intéressés aux civilisations anciennes, notamment à la civilisations grecque. En effet, des auteurs grecs ont été traduits et leurs livres existent encore. Pourquoi voulez-vous que nous, qui sommes contempo­rains de la civilisation européenne, ne nous inté­ressions pas à cette merveilleuse civilisation ? La religion n'empêche pas l'homme d'atteindre les hautes cimes de la science. La religion n'est qu'un guide. Elle s'efforce à rendre l'homme meilleur en détruisant chez lui les mauvais instincts.

Le Cheikh Al-ALAWI, considéré à juste titre comme Un grand maître de l’illumination du XXe siècle, a consacré sa vie entière à revivifier l'islam en lui faisant retrouver sa vigueur spirituelle et intellectuelle. Son oeuvre gigantesque se situe essentiellement dans le cadre d'un Islam authentique, compris dans son triple secret de loi (Charia), de voie (Tarika), et de réalisation de la vérité (Haquiqua). Ayant accompli Sa mission universelle, le Cheikh Al-ALAWI quittait ce monde pour l'éternel le 14 juillet 1934, laissant derrière lui un enseignement simple, mais sûr une voie brève pour la réalisation de la vérité.

Les Zaouïas Alawias implantées à travers le monde continuent à transmettre son enseigne­ment Soufi.

« Article écrit par, NEKROUF CHAREF, paru dans le quotidien Algérien El Watan édition du Lundi 4 Septembre 1995 »

« Lumière sur lumière !
Dieu guide vers Sa lumière, qui il veut ».
(Coran)


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