Le Cheikh Al Alawi est à peu près inconnu en dehors du monde relativement restreint de l’Islam ésotérique. Il naquit en Algérie, à Mostaganem, en 1869. On raconte qu’un peu moins d’un an avant sa naissance, sa mère Fatimah vit dans son sommeil le prophète Mahomet tenant à la main une jonquille. Il lui sourit, jeta la fleur à ses pieds, et elle la ramassa avec humilité. Faisant part de ce songe à son mari, celui-ci l’interpréta comme l’avènement d’un fils pieux. Enfant, le futur cheikh n’alla jamais à l’école. Instruit par son père, il apprit le Coran et, en âge de s’orienter vers un métier, il choisit celui de savetier.
Par la suite il sera aussi commerçant, afin de nourrir sa famille. Mais les occupations profanes ne le détournèrent pas de la foi.
Par la " pure grâce de Dieu ", le chemin l’amena jusqu’au Cheikh Al Bouzidi de la confrérie Darquawiyah, qui l’initia à la voie soufie. Doué d’une intelligence vaste et pénétrante, Alawi pratiqua la méditation du Coran et l’étude de certains traités soufis parmi lesquels ceux d’Ibn Arabi. Le Cheikh Al Bouzidi lui transmit les litanies à réciter matin et soir. Il commença à l’entretenir du nom suprême d’Allah, de la méthode pour l’invoquer et du lieu favorable pour le faire : le cimetière. Un beau jour, cette ascèse conduisit cet " amant du mystère " à dire, comme plus d’un l’avaient fait avant lui : " Je suis Celui que j’aime et Celui que j’aime est moi. "
Après la mort du Cheikh Al Bouzidi en 1909, les membres de la confrérie désignèrent par serment Ahmad Al Alawi comme leur chef. Mais cinq ans après, il crée sa propre confrérie : la Tarika Al Alaouiah, Ad Darquaouiah, Ach Chadiliah caractérisée par la pratique de la " Khaliwah " ou retraite spirituelle. La voie du Cheikh Al Alawi conduit le disciple à se réaliser en Dieu, ou au moins à parvenir à la paix intérieure, en l’élevant à une plénitude de l’esprit où " l’œil de son cœur ", l’intellect au véritable sens du mot, organe de la vision transcendante et non de la raison discursive, lui révèle la vérité à laquelle il croyait. Selon le Cheikh, Allah est le thème fondamental du texte coranique, celui en fonction duquel tous les autres sont développés.
Quant à la doctrine de l’Unicité de l’Etre, qui tient une place centrale dans le soufisme, elle signifie que seul Allah est absolument réel. La richesse de sa poésie, il a écrit plus de trois mille vers, peut le faire figurer parmi les joyaux classiques de la grande tradition poétique du Soufisme. Mais il faut le préciser, à côté de ces envolées sublimes dans le domaine de la connaissance la plus inaccessible, et qui est la marque des élus, il n’était pas non plus éloigné de son temps. Il ne faut pas oublier le rôle essentiel qu’il a joué, dans son pays même, l’Algérie, pour relever la dignité de son peuple et renouveler l’authentique tradition de l’Islam, engoncée dans les coutumes et déformé par les interprétations limitatrices des Réformistes. Ceci ne l’empêcha pas d’ouvrir un dialogue d’une ampleur philosophique et d’une tolérance rare avec la civilisation occidentale, dont il savait juger les mérites comme les méfaits.
C’est dans cette optique extrêmement large, mais fondée sur des principes de pensée extrêmement rigoureux, que toute son œuvre s’est construite, souvent appelée par les circonstances. C’est ainsi qu’il fonda et dirigea deux revues, " Lisan ad-in " (Le langage Tradition) et " Al Balagh al-Jazairi " (Le message Algérien) dans lesquelles la vision d’un soufi se porte sur des problèmes qui sont plus que jamais les notres mais les solutions qu’il préconisait, avec quelle prescience, attendent toujours d’être appliqués. On doit également au Cheikh Al Alawi, de nombreux ouvrages traitant du tasawwuf (soufisme), qui n’est pas forcément celui dont on parle en Occident aujourd’hui, de théologie, de philosophie traditionnelle et de commentaires coraniques.
Quand on connaît le rôle essentiel que jouent les discrètes mais actives confréries soufies dans un monde musulman égaré, on peut mieux comprendre l’action du Cheikh Al Alawi. La doctrine du Cheikh Al Alawi a été combattue de son vivant par les autres confréries, ainsi que par l’association des Oulémas algériens. Il lui a été reproché de dépasser le Livre de Dieu et la Sunna du Prophète par la voie soufie et d’être à l’origine de plusieurs innovations. Mais il a toujours répondu dans son journal Al-Balagh aux critiques qu’on lui adressait pour démontrer le bien-fondé de sa doctrine et son orthodoxie.
On peut affirmer que le Cheikh Al Alawi fut. Sans doute possible, l’un de ces hommes universels qui à chaque époque témoignent avec clarté et avec force, et dans la paix, par leur sagesse et leur enseignement, par leur exemple surtout, de ce " Tawhid " (Unicité), de ce principe transcendant et immanent à la fois qui est la trame sous-jacente et réelle de toutes les traditions révélées.
Le maître soufi Cheikh Al Alawi est mort en 1933 à Mostaganem.
Posté Le : 12/09/2007
Posté par : nassima-v
Source : members.fortunecity.com