La victoire de François Fillon à la primaire de la droite et du centre, le désignant ainsi officiellement le candidat du parti Les Républicains à l'élection présidentielle française de 2017, inquiète une bonne partie de la société civile franco-algérienne.J'avoue que nous sommes assez déçus par cette élection de Fillon compte tenu de son discours et de ses opinions. Il s'inspire plutôt des idées d'une France de province, conservatrice et traditionaliste», regrette Madjid Si Hocine, médecin et militant associatif.En effet, les positions de l'ancien Premier ministre, jugées trop conservatrices, voire situées à la droite-extrême, risquent notamment de relancer le débat autour de l'identité nationale initié dans le passé par Nicolas Sarkozy. Farid Yaker, président du Forum France Algérie (FFA) craint «un durcissement identitaire», car Fillon a tendance à être «assimilationniste, quand Alain Juppé était plutôt dans une approche pluriculturelle. Cela signifie qu'on peut s'attendre à une approche plus fermée et exclusive de la laïcité qui ne manquera pas d'exacerber les tensions avec les musulmans sur les questions de repas scolaires, de gestion de l'islam, etc.».De son côté, Nabil Mati, responsable associatif dans la Seine-Saint-Denis où réside une forte communauté algérienne, exprime son anxiété par rapport au «virage à droite voire à l'extrême-droite de Fillon». «Il nie le multiculturalisme de la France, évoque une identité judéo-chrétienne et dit vouloir réécrire l'histoire coloniale».M. Mati rappelle qu'il a voté avec ses proches durant ces primaires uniquement pour propulser le candidat le moins pire, en l'occurrence Juppé. «Nous ne sommes ni de gauche ni de droite, nous avons fait un vote de conscience plutôt qu'un vote de confiance», a-t-il expliqué.Au-delà de sa politique libérale qui compliquera davantage la situation des classes populaires, et logiquement donc la quasi-totalité de la communauté algérienne et franco-algérienne, Fillon évoque la préférence nationale dans les secteurs de l'éducation, la santé et l'emploi, thème jusqu'ici défendu par le Front national (FN). Comme Marine Le Pen, et certainement pour lui soustraire le maximum d'électeurs dans six mois, il se présente comme un candidat «patriote» qui veut défendre l'identité et l'histoire de France contre le multiculturalisme et le «danger islamiste».Celui qui est considéré par plusieurs observateurs comme le «candidat catholique» ne cesse de parler de «valeurs françaises» et de «la fierté d'être français». M. Si Hocine souligne, à raison, que Fillon veut imposer «un certain comportement que devront avoir les invités de la France sur le territoire français. J'espère qu'il ne fait pas référence aux Français issus de l'immigration notamment maghrébine, installés en France depuis trois ou quatre générations car ceux-là sont bien chez eux.»Ce genre de propos n'augure rien de bon sur sa politique d'immigration puisqu'il annonce une réduction drastique des quotas d'entrées sur le territoire français et souhaite bloquer les aides sociales allouées aux sans-papiers.Pour M. Yaker, cela «se traduira également par une limitation encore plus grande du regroupement familial et des expulsions encore plus massives d'Algériens en situation illégale.» Alors que le maire de Bordeaux, chiraquien convaincu, représentait jusqu'ici un espoir de renaissance pour le projet du traité d'amitié entre la France et l'Algérie, lancé par Jacques Chirac en 2003, l'arrivée de Fillon à l'Elysée risquerait, selon M. Mati, de «jeter un nouveau coup de froid sur les relations entre Paris et Alger, notamment à cause de ses déclarations sur la colonisation.»Madjid Si Hocine est du même avis, précisant que le député de Paris «a fait savoir clairement qu'il ne pourra pas y avoir de repentance de la France par rapport à la colonisation car elle ne faisait, selon lui, qu'exporter ses valeurs.»Selon quelques sondages d'opinion parus dimanche soir et lundi matin, François Fillon ne veut pas non plus reconnaître les crimes d'Etat de la période coloniale comme le 17 octobre 1961. Se gardant d'émettre une opinion sur une élection française, Chafia Mentalecheta, députée algérienne à l'étranger, espère toutefois que «Fillon révise sa vision réductrice de la colonisation et réfléchisse à regarder l'Algérie comme un partenaire et pas comme un pays qui aurait joui de l'?uvre bienfaitrice de la colonisation française.» Elle rappelle que la France a intérêt à garder de bonnes relations avec l'Algérie, notamment sur le plan des coopérations économique et sécuritaire. La parlementaire a dénoncé, par ailleurs, l'utilisation du drapeau algérien dans «la propagande puante de l'extrême droite et de la droite extrême durant cette primaire».Il importe de rappeler, dans ce sillage, que Juppé a été taxé de «candidat salafiste» et surnommé «Ali Juppé». Certaines affiches ironiques, partagées notamment sur les réseaux sociaux et des sites électroniques identitaires, utilisaient l'emblème algérien accompagné de portraits ou de déclarations du maire de Bordeaux en faveur du multiculturalisme.
Posté Le : 29/11/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghezlaoui Samir
Source : www.elwatan.com