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J'ai lu dans un journal local cette affirmation péremptoire selon laquelle il n'y aurait pas de vague de chaleur durant ce Ramadhan. J'espère que le monsieur qui a tenu ces propos lénifiants dispose de la climatisation intra-muros et embarquée, ou qu'il est, au moins, un surfeur accompli. La vague de chaleur qui submerge les Algériens, dès le premier jour du Ramadhan, n'a jamais attendu l'autorisation de la météo pour se manifester et sévir. Dès qu'il est l'heure de mettre le nez dehors (de préférence vers la fin de la matinée), les crânes entrent en ébullition. Pas besoin de motif pour une querelle, les effets de l'astre lunaire expliquant tout, et malheur à vous si vous n'utilisez pas la bonne formule, avec le pompiste ou le marchand de «zalabias»(1). Même lorsque le fond de l'air est frais, les cerveaux refusent de s'aérer, et se mettent en état de siège, voire en posture d'attaque pour contrer l'ennemi saisonnier qui vous dispute un morceau de trottoir, ou une place dans une file. Pris dans la nasse communautaire et dans une période aussi exaltante et tonifiante que celle-ci, je ne pouvais que m'adapter, en veillant à m'assurer, au moins pour quelques heures, le contrèle de la télécommande. Après cette victoire sans fanfare et littéralement à l'arraché, sur le totalitarisme conjugal et le rétablissement d'une certaine égalité devant le petit écran, je me suis improvisé téléphage.
Avant de m'attaquer à des choses moins sérieuses, je me suis efforcé de suivre, sur une de ces nouvelles chaînes privées, une production religieuse, Youssef Essidiq, qui raconte l'histoire de Sidna Youssef, ou Joseph. Le feuilleton iranien, achevé en 2008, a d'abord soulevé une polémique, parce que les théologiens sunnites refusaient l'apparition de Youssef sous les traits d'un acteur. Sans compter que la production iranienne était de rite chiite(2), et donc suspecte et rejetable. Un stakhanoviste de la fatwa a même excommunié, par avance, tous les téléspectateurs qui se laissent griser par les feuilletons, qu'ils soient arabes ou occidentaux. Malgré ces mises en garde, le feuilleton, diffusé pour la première fois par la chaîne du Hezbollah, Al-Manar, a connu un succès énorme. Du coup, les chaînes sunnites se sont affranchies, à leur tour, des interdictions et des imprécations. Comme quoi, en y mettant les formes et en conjuguant l'art et la manière, on peut faire avaler la pilule chiite en milieu sunnite. Cependant, certaines chaînes, par conviction ou pour ne pas encourir la réprobation des autorités, religieuses ou assimilées, ont eu recours à la censure, en dissimulant la tête de l'acteur sous un cercle blanc. Au début, ça fait rire de voir un cercle blanc, muni de vraies gambettes (Youssef enfant), et courir sur l'écran ou se faire laver, mais à la longue, ça fatigue les yeux. à suivre ces cercles blancs, il y a de quoi avoir la berlue et ce n'est jamais bon, dans ce genre de circonstances où les procès en apostasie sont vite actionnés.
Toutefois, si les chiites et les sunnites empruntent un jour le chemin de la paix, ils marcheront sur le corps de la femme, car c'est bien le seul sujet sur lequel ils s'entendent. Je soumets à votre jugement cette dernière sortie d'un cheikh iranien sur ce qui devrait être le rèle de la femme musulmane : «Ces dames sont tenues de satisfaire les désirs sexuels de leurs époux, à n'importe quel moment, et en n'importe quel endroit, y compris si elles sont chez leurs parents.» Hussein Denhafi, un nom à retenir, a déploré également que la femme s'oublie au point de faire des études poussées et d'obtenir des diplèmes supérieurs à ceux de son mari. Ce qui constitue pour lui une humiliation insupportable. Des injonctions que vous n'êtes pas tenues de suivre, Mesdames, à moins que vous ne pensiez qu'un quart de mari orgueilleux et insatiable vaut mieux que pas de mari du tout ! Tenez, pendant que j'ai encore la télécommande, laissez-moi vous parler de l'actrice Ilham Chahine, la cible préférée des obscurantistes d'Egypte. Jeudi dernier sur Dream TV, où elle était l'invitée de la sulfureuse Hala Sarhane, elle a clairement laissé éclater sa joie, après la destitution de Morsi, et en chantant. Elle a ainsi improvisé un duo avec l'animatrice, et interprété la dernière chanson en vogue qui invite Morsi à «partir sans se retourner». Auparavant, elle a montré aussi qu'elle savait parler en revenant sur l'appel au djihad en Syrie lancé par les islamistes et par le président déchu lui-même. «Au lieu de parler de djihad en Syrie, allez plutèt le pratiquer contre l'Ethiopie qui est en train d'assoiffer l'Egypte», a lancé l'actrice qui a été l'une des opposantes les plus résolues au pouvoir des Frères musulmans. De fait, le plus grand défi auquel l'Egypte doit faire face, c'est celui du détournement du cours du Nil qui constitue 90% des ressources en eau du pays. Or, le partage des eaux du Nil a fait l'objet d'un nouvel accord en mai dernier à Entebbe (Kenya), entre l'Ethiopie, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. L'accord a été rejeté par l'Egypte et le Soudan, principaux consommateurs des eaux du fleuve, mais aucun des deux pays n'a aujourd'hui la capacité de s'opposer à ce nouveau partage. La mise en chantier du projet de barrage éthiopien réduirait du quart l'approvisionnement en eau des Égyptiens, les obligeant à acheter de l'eau ; en plus des denrées alimentaires de première nécessité que le pays importe. Ce qui représenterait une facture annuelle de 50 milliards de livres égyptiennes. Plus grave encore, le barrage d'Assouan verrait ses capacités hydroélectriques réduites de 40%.
Un véritable coup de massue sur la tête des habitants de l'Egypte, «Don du Nil», longtemps bercés par les promesses de paradis des Frères musulmans. Ils s'aperçoivent aujourd'hui qu'en rêvant trop longtemps au «Kawthar», le mythique fleuve du paradis, ils risquent de perdre le Nil, après avoir égaré la boussole.
A. H.
(1) Il y a, en moyenne, une altercation tous les quarts d'heure, d'après des estimations personnelles, et la moitié d'entre elles oppose des automobilistes. Jeûner ou conduire, that is the question. D'aucuns peuvent penser qu'un quart d'heure de répit, c'est trop long, en cette période.
(2) Le réalisateur du feuilleton s'est même assuré les conseils d'experts religieux sunnites, avant de s'engager dans le tournage. Mais je suis sûr qu'il doit s'arracher les cheveux en essayant de suivre les cercles blancs qui voilent les têtes de ses acteurs.
Posté Le : 15/07/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ahmed Halli
Source : www.lesoirdalgerie.com