Mila - Pisciculture, Aquaculture

Barrage de Beni Haroun (Mila) - Mort violente pour nos poissons d'eau douce



Barrage de Beni Haroun (Mila) - Mort violente pour nos poissons d'eau douce




Le phénomène n'est pas particulier à l'Algérie. En Allemagne et en Suisse aussi, des poissons sont retrouvés morts. Mais qu'est-ce qui tue ces poissons? El Watan Week-end tente d'y répondre.

La presse nationale a rapporté à différentes reprises la découverte de poissons morts flottants à la surface des eaux ou sur les berges des retenues de barrages ou celles des plans d’eau. La semaine dernière, au barrage de Beni Haroun (Mila) et avant lui, celui de Grouz (Constantine). Avertis par une association, les citoyens ont pris peur et une véritable «psychose» se serait emparée de la population, selon certains commentateurs sur les réseaux sociaux. Des appels ont été lancés pour ne pas toucher aux poissons morts et surtout ne pas consommer l’eau dans laquelle ils se trouvaient.

Ce phénomène a aussi été observé avant cela dans à peu près tous les plans d’eau de barrages ou de lacs naturels. Chaque année, dès les premières grosses chaleurs, à Guelma, Relizane, Biskra, El Tarf, Skikda et ailleurs, des dizaines de poissons sont retrouvés morts flottants ou échoués sur les berges. Ce n’est pas particulier à l’Algérie, ni au Maghreb, ni aux seuls pays réputés. Au début du mois de mai, des poissons morts ont été découverts dans un parc national suisse, et en Allemagne, plus de 25 tonnes de poissons morts ont été retrouvés dans la retenue d’un barrage dans la région de Thuringe. Le 19 juin dernier, à Beni Haroun, tout au plus, une centaine de poissons morts ont été dénombrés. Seulement une vingtaine au Grouz la veille.

Pollution

La mortalité n’a été observée que pendant deux jours, a précisé Ahmed Bendjedou de l’antenne de la direction des pêches de Jijel au barrage de Beni Haroun. Il s’agit de carassins, des cyprinidés comme la carpe qui se reproduisent en abondance. Ils sont de petite taille, des juvéniles, donc plus vulnérables. Les spécialistes expliquent ce phénomène par la raréfaction de l’oxygène dissous dans l’eau causée par l’augmentation de la température. Les températures ont, en effet, grimpé jusqu’à 40°C les 15, 16 et 17 juin dernier dans la région de Constantine-Mila. Mais ce n’est pas tout, la pollution joue un rôle prépondérant dans la teneur en oxygène dissous. La dégradation de la matière organique consomme aussi de l’oxygène, celle apportée par les eaux usées apportées par les cours d’eau qui se jettent dans la retenue du barrage et la matière organique, essentiellement des végétaux, qui se développe rapidement dans les eaux avec l’apport de nutriments, ceux des herbicides, des fongicides, des pesticides et des engrais utilisés dans l’agriculture.

Et ce sont précisément eux qui sont incriminés, car tout autour, s’étendent des cultures copieusement arrosées où domine la pomme de terre abondamment amendée, selon le président de l’association de protection de l’environnement Ecologia de Chelghoum Laïd. Le fait est nouveau, car jusqu’à présent, seules les eaux usées étaient mises en cause dans ce genre de problèmes. Aujourd’hui, on pointe du doigt les composés chimiques employés par les agriculteurs, trop souvent de manière immodérée, et on parle aussi de plancton récolté qui contiendrait des pesticides. C’est donc nouveau chez nous de parler de la pollution de l’environnement et des milieux naturels par les composés chimiques. Ils viennent s’ajouter dans les réceptacles qui forment les plans d’eau à la menace des eaux usées. Sauf que pour ce qui les concerne, ils ne sont pas biodégradables et s’accumulent dans les organismes vivants.



Les poissons oubliés par la loi :

Le décret exécutif n° 12-235 du 24 mai 2012 fixant la liste des espèces animales non domestiques protégées ne cite pas les poissons. On y trouve les mammifères, les oiseaux, les reptiles, les amphibiens, tous les groupes d’invertébrés, mais pas les poissons. Pas un seul poisson sur une liste de 370 animaux.

Cette anomalie a été portée à notre connaissance par le professeur Hichem Kara, directeur du laboratoire bioressources marines de l’université de Annaba et expert international auprès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Dans un travail qu’il vient de publier dans le journal européen de la vie sauvage, il dresse un tableau exhaustif de l’état de la faune ichtyologique nationale (les poissons), notamment celle qui peuple les eaux continentales.

Cette mise à jour était nécessaire après le programme de repeuplement des barrages mené par le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques depuis une vingtaine d’années qui s’est accompagné de l’introduction de nouvelles espèces de poissons exotiques.

Selon ce rapport, il existe en Algérie 48 espèces de poissons d’eau douce, parmi lesquelles 21 sont autochtones, dont 3 sont endémiques (Haplochromis desfontainii, Aphanius saourensis, Aphanius apodus), deux sont en danger (Haplochromis desfontainii, Aphanius iberus) et une est en danger critique d’extinction (Anguilla anguilla), selon les critères de l’UICN qui font autorité en la matière.

En Algérie, les travaux menés par les chercheurs du laboratoire bioressources marines de Annaba démontrent nettement qu’il y a en cours une réorganisation des communautés de poissons dans les milieux étudiés avec une modification du régime alimentaire de certaines espèces et l’apparition dans plusieurs plans d’eau d’un petit poisson qualifié par les spécialistes de «peste», en raison de sa prolifération très rapide et de sa forte compétition avec les alevins d’autres espèces locales.

La liste rouge des poissons de la Méditerranée, donc marins, considère que 12,5% des espèces sont menacées à des degrés différents. Parmi elles, certaines sont bien présentes en Algérie, comme le gobie tacheté (Pomatoschistus microps) qui est en danger critique d’extinction, le mérou brun qui est en danger, le corb (Sciaena umbra), l’ombrine (Umbrina cirrosa) et le denté (Dentex dentex).

S. Sadki

Slim Sadki, Mahmoud Boumelih



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