Mascara - Revue de Presse

Bouddha est partout présent : couché, assis, debout. Vénéré, sa philosophie forge et  rythme la vie des Birmans.  A Pagan, au centre de la Birmanie, à 500 km de Rangoon, on recense 5000 pagodes anciennes, dont 2500 ont été restaurées, voire reconstruites. Sur la route, à quelques kilomètres de Rangoon vers le Nord, des automobilistes s’arrêtent, ils se dirigent vers une bâtisse, sur le bord, c’est la maison du gardien de la route (un saint protecteur au pied duquel des offrandes (fleurs et fruits) sont déposées. Avant d’adopter le bouddhisme, les Birmans étaient animistes et c’est une survivance de cette croyance.
Mandalay, 1 million d’habitants. Ancienne ville royale et culturelle à l’artisanat bien conservé et diversifié. Il y a une trentaine d’années, la moitié de la ville a été détruite par un incendie accidentel (en Birmanie les maisons sont traditionnellement construites en bois), depuis, le bois est banni pour la construction de maisons dans cette région particulièrement sèche.
Fabriques de feuilles d’or
A Mandalay, les artisans sont regroupés par activité, occupant des rues entières. Il en est ainsi des fabriques de statues en marbre, en bronze ou en bois et de boutiques offrant ces objets à la vente. Mandalay abrite aussi 35 fabriques de feuilles d’or de toute la Birmanie. Tôt le matin, des files serrées de motos et de vélos transportant jeunes filles et garçons qui se rendent aux ateliers, où les attend une longue journée de labeur. Les voitures sont peu nombreuses. C’est aussi l’heure où les jeunes moines et novices bouddhistes, reconnaissables à leur crâne rasé (y compris les filles et femmes, ces dernières ne mendient pas leur nourriture, elles la préparent elles-mêmes), vont de maison en maison ou d’échoppe de restauration en auberge quémander leur nourriture pour la journée, selon un rituel aussi ancien que leur ordre religieux.   Mandalay accueille plus de la moitié de la communauté bouddhiste nationale
Sagaing compte 100 000 habitants, dont 20 000 moines et novices. La ville ne pouvant les nourrir tous, les religieux se déplacent à Mandalay, pour ce faire, à une vingtaine de kilomètres de distance. Les prisonniers travaillent dans les campagnes, sauf les détenus politiques.  A Pagan, nous passons à proximité d’un camp de prisonniers planteurs d’hévéas. Les prisonniers condamnés à de lourdes peines sont entravés par des chaînes aux pieds.
Produits de maquillage particulièrement recherchés
Les jeunes Birmanes demandent des produits de beauté (mascara, rouge à lèvres ou échantillons de parfum) en échange d’objets d’artisanat local, ou monnaient leurs objets en dollars ou en euros, en baragouinant quelques mots dans la langue des touristes («2 euros, Madame, pas cher, Madame»). Les apparatchiks et autres nouveaux riches attendent avec impatience que les sanctions internationales soient levées pour pouvoir sortir, voyager et que leurs affaires, qui ont prospéré à l’ombre de la dictature, prennent un nouvel essor. Les Birmans n’ont pas confiance dans les banques (peu performantes), ils gardent leur argent chez eux, y compris les commerçants et tout se paie cash. C’est comme cela qu’un changement de billets de banque, intervenu il y a quelques années, a ruiné les commerçants.  L’inflation vertigineuse a entraîné une paupérisation massive de la population. 75% des Birmans vivent au-dessous du seuil de pauvreté. En septembre 2007, un mouvement de contestation contre une inflation galopante,  mené par les moines bouddhistes, est violemment réprimé. L’essence est chère, c’est ce qui explique le développement de moyens de transport collectifs et l’abondante utilisation de motos et de vélos, sauf à Rangoon où les deux roues sont interdits. Les prix élevés de l’essence ont été à l’origine de manifestations populaires en 2009.
La protection sociale, privilège des fonctionnaires et des militaires
En Birmanie, les seuls salariés au mois sont les fonctionnaires et les militaires, les autres actifs sont rémunérés à la tâche et à la journée (1 à 2 euros en moyenne). Ces derniers ne peuvent prétendre ni à la retraite ni à la sécurité sociale. Le système sanitaire est médiocre et peu développé. Il en est de même pour le système éducatif, la scolarisation des enfants est garantie jusqu’à l’âge de 10 ans seulement. C’est pourquoi la grande majorité des enfants se tourne ensuite vers le marché du travail, parce que leurs familles sont démunies dans un pays qui regorge de richesses. A un Birman auquel nous demandions quel est le sport favori pratiqué en Birmanie et si les jeunes s’adonnaient à une pratique sportive quelconque, nous avons eu cette réponse : «En Birmanie, nous n’avons pas le temps d’avoir un loisir, il faut travailler pour se nourrir.» C’est ce qui explique aussi le nombre important d’enfants placés en noviciat dans les monastères, c’est une charge en moins pour les parents et cela évite aussi le développement de la délinquance. Les monastères accueillent les enfants dès l’âge de 8 ans, et même plus tôt quand il s’agit d’orphelins. On relève environ 160 000 novices et 120 000 moines. Un moine peut revenir à la vie civile au moment où il le souhaite.
40% du budget national à l’armée contre 2% à l’éducation ou à la santé
2% du budget national revient à la santé, 2% à l’éducation et 40% à l’armée (contre 50%, il n’y a pas longtemps). Le nombre de militaires est estimé à 400 000. Si les examens médicaux sont gratuits dans les quelques hôpitaux du pays, les médicaments sont payants. Des cliniques privées, des écoles privées accueillent les privilégiés du système et leurs enfants. Malgré la pauvreté et le dénuement de la majorité de la population, la mendicité est rare. Les Birmans que nous avons pu approcher disent que le nouveau Président est plus souple et a promis de faire baisser la pauvreté. Les propriétés agricoles sont limitées à 20 ha. Cette disposition sera-t-elle levée avec la libération engagée par le régime birman ' Les investisseurs occidentaux commencent à arriver. On les croise dans les grands hôtels de Rangoon. Les opportunités d’affaires sont nombreuses, notamment dans les secteurs du gaz, du pétrole, des télécommunications,  des biens de consommation, du tourisme. Ils attendent le changement de la loi sur la propriété foncière et l’investissement privé. Des hôtels sont construits et exploités par des étrangers liés à l’Etat birman, qui reste propriétaire de l’assiette foncière - par des contrats d’exploitation de 30 ans, non renouvelables. D’autres hôtels de Rangoon, Mandalay ou sur le lac Inlé appartiennent à des ex-militaires reconvertis dans les affaires.
Au travail dès l’âge de 10 ans
Toute la famille doit travailler. En Birmanie, le problème de l’emploi des femmes ne se pose pas : tous les Birmans n’appartenant pas à la  catégorie des fonctionnaires ou des protégés du système travaillent dès l’âge de 10 ans, jusqu’à n’en plus pouvoir, pour vivre au jour le jour.  Des travaux manuels, pénibles, sans protection, à main nue, la mécanisation industrielle ou agricole étant peu développée. Le recouvrement de la chaussée est lui aussi manuel. Des femmes, des enfants transportent, sous un soleil de plomb, gravier et goudron dans des sacs en osier, c’est là aussi un travail à la tâche et à la journée. Visite d’un atelier artisanal de transformation de résine d’hévéas : coupe de lamelles à partir des arbres, traitement et confection de bandelettes, autant de tâches auxquelles sont associés des enfants dans une atmosphère pestilentielle sous des abris de fortune. Plus loin, une petite fille nettoie de grandes bassines. Même décor dans une fabrique de poisson séché. Des conditions de travail aussi rudimentaires et insalubres.
Rangoon, l’ex-capitale
Rangoon compte 6 millions d’habitants. La ville de Rangoon est divisée en 19 arrondissements, dont un est réservé aux militaires avec leurs logements, les écoles pour leurs enfants, leurs hôpitaux… Le transport en commun est assuré par 5000 autobus (essentiellement des microbus vétustes dans lesquels s’entassent les usagers). Les motos y sont interdites. De nombreux bâtiments administratifs de Rangoon ont été transformés en hôtels, c’est le cas de l’hôtel de Ville. Dans le quartier des banques, des établissements publics et quelques banques privées, les militaires ont leur propre banque. Sur la soixantaine de cinémas de la ville, quarante ont été reconvertis en hôtels ou détruits, parce qu’il n’y aurait pas assez de clients.
Avenue de l’Université
C’est là que se trouve la maison de la Dame ou la Lady — libre de ses mouvements depuis le 3 mars 2011 — comme l’appellent les Birmans, n’est plus fermée à la circulation, nous avons pu prendre l’entrée du domicile en photo, mais depuis le car seulement. Ce même geste pouvait, il y a quelques mois, engendrer de sérieux ennuis, non pas au touriste étranger «fautif», mais au guide ou au chauffeur birman. Des portraits, des affiches, des tee-shirts de Aung San Suu Kyi, seule ou avec son père, le général Aung San -, assassiné en 1947, peu de temps avant l’indépendance de la Birmanie, dont il est le principal artisan –  sont visibles dans les commerces, sur les façades des rues. Non loin de la maison de la «Dame», l’université de Rangoon a été fermée pour prévenir de nouvelles manifestations d’étudiants et déplacée à l’extérieur de la ville. 5 km² de bâtiments vides, à l’exception de la faculté de médecine. Les parents sont contraints de signer une déposition par laquelle ils s’engagent, sous peine d’être poursuivis, que leurs enfants ne participeront pas à une quelconque manifestation. Le 8 août 1988, les étudiants lancent une manifestation d’envergure en faveur de la démocratie. Une manifestation qui a coûté 3000 à 5000 morts, selon les estimations, et autant de personnes emprisonnées. Au lendemain de cette violente répression, Aung San Suu Kyi prend la parole devant 500 000 personnes rassemblées à la pagode Shwedagon, pour réclamer un gouvernement démocratique. C’est la première sortie publique de celle qui deviendra la «Dame de Rangoon».
La «résidence des rois »
Rangoon reste la capitale économique du Myanmar depuis le transfert de la capitale politique et administrative à 400 km dans le nord du pays.
Fin 2005,  la capitale déménage vers Pyinmana, à quelque 400 km au nord de Rangoon, sur la route de Mandalay. La nouvelle ville prend le nom de  Naypyidaw, la «résidence des rois». En février 2006, Naypyidaw est officiellement la nouvelle capitale du Myanmar. La capitale officielle, totalement isolée du reste du pays, est habitée par 50 000 fonctionnaires.    
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