Les JERAWA étaient de grands nomades chameliers, établis dans l'est et l'ouest des Aurès : Chelia, Mehmel, le haut Oued Abdi. Elle était la plus importante des tribus qui formaient la puissante confédération des Zenata de l'Aurès oriental.
Vers le milieu de VII eme siècle les Jerawa étaient gouvernes par un seigneur du nom de thabet, qui avait une fille en touts remarquable qui s'appelait Dihia. Le père, qui avait ardemment souhaité un héritier mâle pour perpétuer son nom, avait tristement accueilli la venue au monde de la petite gamine. Cependant, avec le temps, celle-ci s'était mise a faire reculer, un à un, tous ses préjuger. Excellente cavalière, elle surclassait les gamins de son age dans tous les exercices physique. Aussi alerte de son corps que d'esprit. Elle saisissait tout ce qui se racontait sur l'histoire de son pays. Avide d'exploits, elle ne se lassait pas d'écouter et de se faire répéter les gloires de ses ancêtres. Comme le disaient à Thebet ses conseillers, pour le consoler. Avec cela, d'une beauté éclatante qu'on lui pardonnait volontiers tous ses tords, et notamment celui de n'être qu'une fille.
Douée, d'une vive intelligence et d'un esprit pénétrant, son regard perçait le secret des âmes et pénétrait au fond des cœurs. Elle avait le pouvoir de prévoir l'avenir et d'élucider les mystères. Depuis le jour où elle démasqua des espions et dévoila leurs véritables intentions devant tout le monde, elle fut surnommée LA KAHINA, c'est-à-dire la devineresse et ne fut plus connue que sous ce nom.
Très attachée à son père qu'elle admirait énormément, elle le suivait partout où il allait. Devenue grande, elle l'accompagnait dans ses razzias et ses expéditions militaires où elle faisait preuve d'une bravoure et d'un courage remarquables. Ainsi, elle part à l'une des batailles que mena Koceila contre les musulmans, et durant laquelle son père, ainsi qu'un grand nombre de chefs berbères trouvèrent la mort.
Privés de leur chef, les JERAWA se réunirent pour lui choisit un successeur, ce qui s'avéra très ardu, étant donné que THABET n'avait pas laissé de descendant mâle, et qu'ils hésitaient à remettre le destin de leur tribu entre les mains d'une femme. Mais LA KAHINA n'était pas n'importe qu'elle femme et il fallait compter avec elle. Depuis de longues générations sa famille se transmettait le pouvoir de père en fils et elle n'était pas disposée à se laisser confisquer ses droits héréditaires.
Finalement .les JERAWA durent se rendre au fait que personne ne possédait au même degré qu'elle, la connaissance de peuple et l'amour de la terre qui lui permettrait de mener à bien la rude tâche qui l'attendait de restaurer le prestige entamer des siens.
Elle fut donc élue unanimement à la tête de la tribu et par là de toute la confédération des ZENATA. C'était le plus haut poste jamais atteint par une femme dans toute l'histoire de l'Afrique du nord et fait que la KAHINA y soit arrivée prouve la valeur et l'immense prestige de cette femme hors du commun.
Elle s'attela immédiatement à remettre sur pied ses troupes démobilisées, et lors de la dernière bataille que livra KOCEILA contre les force musulmanes, elle lui prêta main forte;et après la débâcle berbère, elle manoeuvra habilement pour limiter les dégâts.
Apres la mort de KOCEILA, les Awraba perdirent la primauté sur les autres tribus, qui passa aux JERAWA avec leur chef la KAHINA, qui devint de ce fait reine de tous les Aurès.
Pendant ce temps, les musulmans, qui avaient également beaucoup souffert dans cette bataille, désignèrent un nouveau chef en remplacement de Zoheir Ibn Qais tué à Barca. Ce nouveau chef, Hassan Ibn Noaman El Ghassani était un homme énergique et plain de détermination. Il commença par s'emparer de Carthage (695) et par Chasser les Byzantins au-delà de la mer. Ensuite il continua jusqu'aux Aurès où il s'arrêta pour s'enquérir du chef qui dirigeait la forteresse. Ayant appris que c'était une femme, il ne put cacher son ironie et sa déception.
Quoi ! Les berbères n'avaient donc plus d'hommes qu'ils se laissaient mener par une femme ! Pour lui qui voulait terminer sa carrière contre un adversaire à sa taille, il n'y avait aucune gloire à vaincre une femme. On eut beau lui dire que cette femme là était peu commune et qu'elle était capable à elle seule de mettre en fuite tout un bataillon, il regrettait de ne pas tomber sur un homme à sa mesure.
Convaincu qu'il ne ferait qu'une bouchée de ses adversaire, il s'ébranla avec son armée et vint camper aux abords de Meskiana, une rivière entre Tébessa et Ain-Beida. La Kahina, qui avait mobilisé toutes ses troupes marcha à sa rencontre et s'établit en aval de la même rivière. Le choc entre les deux armées fut terrible. Les musulmans, qui ne s'attendaient pas à une aussi grande résistance furent taillés en pièces. Hassan fut contraint de battre en retraite dans la déroute de son armée. Il se mordait les doigts d'avoir sous estimé cette maîtresse femme qui venait de lui donner une leçon qu'il n'oublierait pas de sitôt. Elle le pourchassa au-delà de Gabès et de toute l'Ifriqiya (Tunisie).
Auréolée de gloire, elle regagna sa base plus puissante que jamais. Plusieurs tribus rallièrent ses rangs et elle fut, pour un temps le chef le plus puissant de la région et de toute l'Afrique du nord. Elle gouverna sans partage pendant quelques années. Son peuple avait pour elle une véritable adoration. Mais elle n'était pas tranquille et vivait dans la hantise d'un retour des musulmans. Elle savait grâce à sa puissance divinatoire qu'ils reviendraient et qu'ils seraient bientôt les maîtres du pays, mais elle voulait avec l'énergie du désespoir retarder ce moment. Elle aimait passionnément ce pays et cette terre et l'idée qu'ils seraient bientôt la possession de quelqu'un d'autre lui était insupportable. Faute de pouvoir les défendre, elle décida de les ruiner.
Elle fit brûler les champs, couper les arbres, démolir les châteaux, les maisons etc.
Bientôt il ne resta plus un arbre debout et plus un mur en place. Partout où se portait le regard, sur l'immensité étendue, on ne rencontrait que ruine et désolation.
Une sourde hostilité commençait à monter du fond du peuple. Les gens ne voyaient pas d'un bon œil leurs maisons démolies et leurs champs calcinés. L'amour qu'ils vouaient à leur reine ne résista pas à de tels ravages.
La haine remplit bientôt les cœurs avec l'irrésistible désir de vengeance.
Tout ce qui se passait dans le camp berbère était fidèlement transmis à Hassan Ibn Noaman grâce à son neveu Yazid qui vivait dans l'antre même de la reine. En effet, lors de la dernière bataille, la KAHINA avait capturé le jeune homme, puis séduite par son charme et sa délicatesse, elle l'avait adopté et considéré comme ses deux fils. Mais Yazid ne se laissa pas émouvoir par l'amour filial, et dés le début s'employa à faire parvenir à son oncle toutes les nouvelles qui pouvaient l'intéresser.
Ainsi un jour Hassan reçut le message suivant, bien dissimulé dans un morceau de pain :>
Tout heureux des nouvelles qui lui arrivaient, Hassan décida de se mettre en route sans plus tarder, d'autant plus que des renforts considérables lui étaient parvenus. Il envahit de nouveau l'Ifriqiya et reprit Carthage (698). Il continua ensuit vers l'Aurès où il était sûr que cette fois, la désunion des berbères lui faciliterait la tâche.
En effet, à mesure qu'il avançait, des délégations entières de berbères lui arrivaient à sa rencontre pour implorer son secours contre leur reine.
La KAHINA savait que c'était la fin. Elle fit venir ses deux fils et leurs demanda d'aller rejoindre le chef musulman qui les accueillera avec les égards dus à leur rang. Elle laissa également partir tous ceux d'entre les siens qui le désiraient. Quant à elle, il était hors de question pour elle de se rendre. Elle avait sur les épaules de sa charge à défendre et saurait mourir comme une reine, la tète toujours haute.
A la tète d'un petit bataillon d'irréductibles, elle livra son ultime bataille prés de Tabarqa (ville de Tunisie). Ecrasés par le nombre, ils périrent tous après un héroïque combat,et elle-même, tomba dans ses Aurès qu'elle avait éperdument aimés, prés d'un puits qui porte désormais le nom de "Bir El KAHINA".(702)
Autant de courage ne manqua pas d'impressionner les musulmans qui rendirent un vibrant hommage à cette femme qui a su forcer leur respect et leur admiration.
L'histoire a retenu le nom de la KAHINA comme celui d'une femme qui n'a reculé devant rien pour faire valoir les idéaux suprêmes de son peuple.
Posté Le : 02/10/2007
Posté par : nassima-v
Source : www.khenchela.info