Jijel

Le paysage de nos villes dénaturé



Le paysage de nos villes dénaturé
L'Algérie du début du XXIe siècle est comme si elle a perdu le grand-père qui entretenait la beauté de son paysage urbain au point que son potager urbain, que nous avions pris l'habitude de traverser sans trop le regarder, est une charge pour nous, car pour mille bonnes raisons, nous ne pouvons plus lui consacrer autant de temps que notre grand-père. C'est parce que le paysage urbain de nos villes n'est pas un potager ou un jardin, même si l'homme l'a presque entièrement façonné à son avantage, qu'il faut donc le fabriquer et l'inventer en partie ou en totalité, car on ne peut pas continuer de manière fétichiste à reproduire comme identique ce que nous avons hérité de nos ancêtres et que nous n'avons même pas pu le maintenir dans son évolution.
Cette nécessité de création d'un nouveau paysage urbain pour les villes algériennes fait qu'on doit se tourner vers les paysagistes «de l'urbanisme moderne», car même s'ils ne sont pas les seuls à se mettre à la réalisation de ce défi, leur savoir-faire paysager est exemplaire.
On a toujours associé les paysagistes à l'idée des plantes, mais leur rôle consiste aujourd'hui à réintégrer la ville dans son histoire et sa géographie son ancienne architecture, car la ville n'est pas seulement l'ensemble de flux, de masse et de réseaux, mais une évolution des espaces dans le temps.
Le paysagiste peut être représenté comme un être polyvalent, coexistant en lui un jardinier, un artiste, un ingénieur car, quand il observe le paysage urbain d'une ville, c'est tout un débat intérieur qui se met en place pour trouver un pacte entre les trois voix, afin de trouver la démarche adéquate pour transformer nos villes à l'image des Jardins des Zibans à Biskra. (4)
Par le travail des paysagistes, le paysage urbain de nos villes deviendra le lieu du rationnel ou toutes ses composantes ne sont compréhensibles que par référence à un ensemble d'aménagement qui s'intègre par les éléments qui les composent, sans ignorer car elles sont liées par une même pensée paysagère.
Dans ce long processus de transformation de nos villes de demain, le paysagiste fera ressortir les divers changements de la ville pour savoir transposer et créer des nouvelles formes de paysage urbain, afin qu'elle ne soit pas celles de la rupture, car le paysage de nos villes doit se réconcilier avec sa culture et son histoire ainsi que son patrimoine architecturale qui lui ont donné la forme et le sens.
Avec ce nouveau paysage urbain, l'Algérie du XXIe siècle saura retrouver son civisme parce qu'il trouvera au seuil de sa maison, la sensation d'un ailleurs où toutes les commodités nécessaires pour un meilleur cadre de vie qui sont existantes semblables à celui qu'il voit à travers les chaînes de télévision satellitaires et cela parce que le spécialiste de l'architecture du paysage a su façonner un vocabulaire urbanistique par une recherche approfondie du fonctionnement de toutes choses dans la ville, tout en recomposant différemment des éléments souvent tirés de nos paysages quotidiens et seront la base de créations des nouveaux espaces paysagers de zones urbaines.
Si tout dans nos villes aujourd'hui se juxtaposent et que la violence du paysage urbain en est la conséquence, c'est parce que l'Algérie d'aujourd'hui ne se base pas sur la vraie fonction des ingénieurs ou architectes paysagistes, malgré qu'elle dispose des Ecoles ou Instituts spécialisés dans ce domaine et ses branches.
Si les paysagistes dont dispose l'Algérie sont souvent absents lors des lancement des projets urbains, c'est parce que nos responsables se souciaient moins des limites de l'art des paysagistes, malgré leurs capacités à requalifier le cadre de vie des citoyens et à fabriquer différemment le paysage de la ville, là où les pensées architecturales, urbanistes et environnementalistes sont défaillantes et que les paysagistes en Algérie se trouvent à l'écart de la pratique paysagère, malgré les budgets colossaux complémentaires alloués par l'Etat pour les villes afin de créer des espaces verts publics et améliorer le cadre de vie du citoyen.
En réalité, on ne voit aucune amélioration, mais le contraire qui s'instaure, c'est-à-dire : ?'La Dégradation .
A cet effet, je donne l'exemple de deux placettes situées au centre-ville de Jijel, complètement dénaturées par rapport à leur état initial. C'est un constat qui fait mal. La Placette du Chahid Khellaf Abdennour et celle du Chahid Abane Ramdane, on ne doit pas se réveiller uniquement que lorsqu'il y a catastrophe, c'est trop tard !
Car la planification et la prévention sont les meilleurs remèdes.
La demande urgente de mettre une politique d'aménagement du paysage urbain pour nos villes, fait qu'il est nécessaire de réinventer et mettre en valeur la profession du paysagiste en Algérie parmi l'ensemble des acteurs à part entière, pour une vraie instigation du nouveau paysage urbain, tout en lui redonnant son vrai rôle avec l'implication de la société toute entière et sans exception.
Donc on doit tout comprendre d'abord et agir ensuite. Et cela, c'est suivre la méthode de l'architecte égyptien Hassan Fathy.
Ce dernier après une étude de la société paysanne, de ses traditions, de ses activités, de ses conditions de vie, proposera des solutions révolutionnaires et construira un village touristique d'une grande beauté (Gourna, près de Louxor), un des plus grands lieux architecturaux du Tiers-monde moderne.
Il inventera une urbanisation humaine inspirée des traditions locales, utilisera le matériau millénaire : la brique de boue, formera sur le chantier des paysans-maçons, tout en luttant contre une bureaucratie sceptique et corrompue.
C'est aux paysans qu'il a dédié son livre, à ceux dont il dit : «Un paysan ne parle jamais d'art, il produit l'art.» (5) «Comment pouvons-nous aller de l'architecte-constructeur de système vers le système architecte auto-constructeur ? Un homme ne peut pas construire une maison, mais dix hommes peuvent construire dix maisons très facilement, même une centaine de maisons. Nous devons soumettre la technologie et la science à l'économie des pauvres et des sans-
argent. Nous devons ajouter le facteur esthétique.» (6)
Mais qui ne tente rien, n'a rien. «Dieu Est Beau Et Aime La Beauté». Suite et fin
Hadj Yacine Sources :
Journal Officiel du 3 août 2008.
Loi N° 08-15 du 20/07/2018 (1)
Kamel Louafi (Revue de Web Nouara) (2)
Dicton de Ferhat Abbas (3)
W. Churchill (4) Hassan Fathy : Construire avec le peuple. Histoire d'un village d'Egypte. Gourna traduit de l'anglais par Yana Kornel Liminaire de Pierre Bernard, 4e édition Sindbad ; Paris, 1985e (5) (6)


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