Jijel - Pour accueillir et fêter Achoura, les familles jijeliennes ont recours à une recette de "grand-mère" qui consiste à préparer un plat typiquement traditionnel, ancestral et dont les origines demeurent encore mystérieuses et obscures. Aucune source n'est disponible pour éclairer l'énigmatique "Bouicha", c'est dont ce mets qu'il s'agit. Les personnes âgées, plus particulièrement les femmes, se contenteront de dire qu'elles ont hérité cette recette des aïeux. Quoi qu'il en soit, le relais a été transmis et demeure encore, entre les mains, de la population jijelienne qui affûte ses papilles gustatives, au petit matin de cette fête religieuse, ancrée dans les moeurs en dépit des évolutions vécues çà et là. Ainsi, la préparation de ce plat traditionnel jijelien, à cent pour cent et communément appelé "Bouicha", persiste toujours dans cette ville côtière qui s'accroche, bec et ongles, aux us et coutumes léguées par les ancêtres. La célébration de la fête religieuse de Achoura qui a lieu 10 jours après Awal Mouharam (nouvel an musulman) est accueillie en "grandes pompes" par un plat populaire dont l'art de préparer exige minutie, "petits calculs" ainsi que des touches exceptionnelles pour plaire aux papilles gustatives.
"Bouicha", un terme pour le moins barbare et aux origines obscures, encore moins intraduisible dans d'autres langues, est, en fait, un amalgame de grosse semoule, de dattes sèches dénoyautées et coupées en deux, d'huile d'olive, le tout placé dans un seau métallique hermétiquement fermé et posé sur le feu pendant au moins...huit heures d'affilée, sinon plus, selon la quantité de la farce élaborée.
Cette recette ancestrale, qui s'apparente à un "plat de guerre", de par sa consistance et sa teneur énergétique, est consommée à froid le matin, au petit déjeuner par toute la famille, réunie autour de la maida ou de la table.
Certains se servent de la panse du mouton de l'Aïd El Kebir, séchée et jalousement conservée pour recevoir la farce hétéroclite de semoule, huile, dattes et un soupçon de sel de table, pour remplacer le récipient métallique.
Il arrive des fois qu'au cours de la cuisson, le bidon explose sous la force de la pression et de la chaleur emmagasinée pendant au moins huit heures.
Selon certaines sources, cette recette proviendrait de la à vieille Albion et introduite en Algérie, il y a plusieurs siècles, "pour gaver l'estomac des esclaves affectés aux travaux pénibles". Aucun écrit n'est cependant disponible pour vérifier de telles assertions.
"Bouicha", qui revient cette semaine sur les tables, à l'occasion de la fête de l' Achoura, ressemble, curieusement, au plum pudding anglais, dont la préparation nécessite elle aussi plusieurs heures dans les cuisines d'outre-manche!
Un parallèle entre la recette de Jijel et celles des Anglais montre qu'il y a une quasi-similitude dans les ingrédients, la façon de préparer et le temps de cuisson. Le pudding anglais requiert à sept heures et une certaine dextérité.
Certaines cuisinières vont jusqu'à le préparer de six mois à un an d'avance! Pas moins de vingt sept ingrédients entrent en lice pour faire un bloc, une sorte de moule qu'on rencontre dans les pâtisseries. Outre la préparation rapide de 7 heures, les femmes anglaises qui mettent la main à la pâte peuvent aussi faire ce gâteau en 216 heures avec 7 jours de macération pour bien réussir ces saveurs d'Angleterre et dont le service prend parfois des airs de gala.
Dans les deux cas de figure, "Bouicha", et le pudding très "british" sont entourés de rites dans leur préparation et dans leur service.
Recette de grand-mère, "Bouicha" donne toujours l'eau à la bouche tant son nom est chuchoté par les familles jijeliennes à quelques jours de la fête de l'Achoura. Economiquement, pour une famille de deux à trois personnes, il faut débourser environ quatre cent dinars, voire plus, compte tenu des augmentations de certains produits entrant dans la préparation de ce mets.
Posté Le : 10/08/2007
Posté par : mio
Ecrit par : jijelinfo
Source : www.jijel.info