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Un joyau nommé Tassili N’Ajjer



Un joyau nommé Tassili N’Ajjer
C’est le Mois du patrimoine et nous ne sommes pas en panne de sujets, tant celui de notre pays, qu’il soit naturel ou culturel, est riche et diversifié.

Qu’il soit immatériel ou matériel, il nous est venu du passé, il fait partie intégrante de notre vie quotidienne, et il est de notre devoir de le faire vivre et de le transmettre. Un proverbe africain ne dit-il pas : «La culture est la possibilité même de créer, de renouveler et de partager des valeurs, le souffle qui accroît la vitalité de l’humanité.»

A travers ces quelques lignes, je voudrais débattre de certains volets du patrimoine naturel et culturel de la région du Tassili N’Ajjer et en particulier du Parc culturel du Tassili N’Ajjer. Situé près de Djanet, et d’une superficie de pas moins de 138 000 km2, cela fait de lui le premier parc d’Algérie de par sa superficie.

La richesse extraordinaire de son patrimoine culturel (œuvres d’art rupestre préhistoriques et vestiges archéologiques) ainsi que la diversité naturelle et la biodiversité (paysages, écosystèmes), font que l’Unesco décide de donner à ce vaste parc une dimension universelle en l’élevant au rang de Patrimoine mondial de l’humanité, en 1982. Quatre ans plus tard, le programme MAB-Unesco le classe réserve de la biosphère, lui conférant par là même le statut de première réserve de la biosphère saharienne au monde. C’est dire toute l’importance du Parc culturel du Tassili.

C’est dans ces immensités que j’ai eu le privilège de marcher, flâner, méditer, écrire… Et aujourd’hui, ce qui me pousse à rédiger cet article, c’est non pas la magie du Sahara (je pourrais noircir plusieurs pages) mais plutôt le constat amer de ce qui me contrarie profondément.

Je commencerais par la taxe d’accès au Parc culturel du Tassili, d’un montant dérisoire de 100,00 DA par personne et par séjour, censée être versée par les touristes aux agences de voyages, puis reversée par ces dernières au Trésor public.

Ce n’est ni plus ni moins qu’une aberration ! Il est grand temps que les ministères de tutelle réajustent cette taxe en lui donnant la valeur réelle de ticket d’accès au plus grand musée de la préhistoire à ciel ouvert du monde, avec tout ce que cela sous-entend. A titre de comparaison, le ticket d’entrée au site de Pétra (Jordanie), infiniment plus petit que le parc du Tassili, coûte 50 euros par personne et pour une seule journée.

Le ticket en poche, l’agence devrait se charger de distribuer la charte de l’éco-touriste à chaque touriste, et ce, afin qu’il prenne connaissance, avant d’entamer son circuit, des règles imposées et à respecter dans une aire protégée de cette envergure.

En effet, les esprits ne sont pas tous bienveillants puisque j’ai pu constater des graffitis sur les peintures rupestres, des dessins ajoutés à la peinture, et plus grave, des fragments de parois rocheuses peintes carrément enlevées (y compris dans les sites les plus reculés du plateau). De tels actes de vandalisme sont irréparables et malheureusement irréversibles ! C’est pourquoi ils devraient être punis de la manière la plus sévère qui soit.

Ceci, sans parler de certains touristes qui iront jusqu’à mouiller les peintures ou les asperger d’insecticide pour obtenir plus de contrastes sur les photos, sans se soucier le moins du monde de leur devenir après leur passage, ou de ceux qui se permettront de se baigner dans les «gueltas» (retenues d’eau), écosystèmes aquatiques très riches et très fragiles n’ayant pas encore livré tous leurs secrets. Pour les ordures, j’ai été étonnée d’en trouver sur le plateau du Tassili. Nos premiers ancêtres nous laissèrent des œuvres d’art monumentales, nous, nous laisserons les déchets de notre «civilisation».

Une autre constatation, c’est l’absence de panneaux d’information. Je n’en ai pas rencontré un seul, ne serait-ce que pour avertir le touriste qu’il se trouve dans un parc culturel, et donc dans une aire naturelle protégée régie par des lois.

Je conçois que le parc du Tassili soit immense, mais il est primordial de placer des panneaux, au moins sur les sites les plus importants, afin d’informer, mais aussi de sensibiliser, les visiteurs quant à la fragilité des écosystèmes, au respect des peintures et gravures, ainsi qu’au comportement à adopter en ces lieux.

Sans aller chercher ce qui se fait sous d’autres cieux, ces panneaux existent dans les parcs nationaux du nord de l’Algérie, même si les consignes ne sont pas respectées… ce qui est un autre débat. Faisons que le tourisme, dans les zones dites protégées, n’aille pas dans tous les sens…

Un autre volet que je voudrais aborder est celui du braconnage, un thème complexe et délicat. Au cours de conversations que j’ai pu avoir avec des Touareg, au sujet de la «chasse» au mouflon à manchettes et à la gazelle, j’ai vite compris que ceci représentait pour eux un acte tout à fait naturel, voire banal qui, selon eux, ne menace en rien la pérennité des espèces, tout en sachant pertinemment que la loi l’interdit. En fait, c’est une tradition ancrée dans leurs mœurs qui fait partie de leur culture.

La sensibilisation sera longue mais possible, à condition qu’elle s’adresse en premier lieu aux guides qui, eux, sont déjà sur le terrain, et en parallèle aux enfants, les adultes de demain, et ce, en adaptant les programmes pédagogiques aux spécificités de chaque région géographique. Exemple, le programme de sensibilisation à la protection de la nature de l’enfant de Tipasa ne devrait pas être tout à fait le même que celui de l’enfant de Djanet.

Pour en revenir au guide, c’est la personne la plus proche des touristes. Par conséquent, très grande est la responsabilité qui lui incombe, car c’est lui qui les encadrera tout au long de leur séjour dans le désert. Aussi, au vu de la relation de proximité et de confiance qui s’établira avec eux, une opportunité en or lui est offerte de faire de la sensibilisation in situ, et par la même, de faire la promotion de ses produits.

La sensibilisation ne pourra passer que par une réelle volonté politique. La sensibilisation des enfants se fera par des programmes pédagogiques adaptés, et celle des adultes par les mass media, entre autres.

Quant aux guides, seule une politique de formation sérieuse (par spécificité et /ou par région géographique) tirera la profession vers le haut, faisant en sorte que ces derniers prennent véritablement conscience de leur rôle dans la protection du patrimoine (autant naturel que culturel), ainsi que de l’impact à double tranchant qu’ils peuvent exercer, non seulement sur les touristes, mais également sur la population autochtone.

En fait, c’est le regard qu’ils portent sur leur environnement et l’appréciation qu’ils se font de leur profession qu’ils doivent changer. A partir de là, ils seront les ambassadeurs d’une cause, et peut être que nous constaterons moins de déchets, que les peintures et gravures ne seront pas détériorées, que les gueltas ne seront pas prises pour des piscines, que moins de mouflons et gazelles finiront en méchoui… Ceci pour ne parler que de ces méfaits et que de la région du Tassili.

Il ne faut pas oublier que le tourisme est un vecteur de développement économique et un facteur de stabilité sociale non négligeable, dont les retombées peuvent être colossales s’il est bien planifié et s’il intègre la population locale. Nous avons pu constater les conséquences désastreuses qu’ont eu à subir les agences de voyages de Djanet lorsque la Libye, pays frontalier, fut déstabilisé et que le tourisme était devenu quasi inexistant.

Un autre proverbe africain dit : «La culture est l’un des leviers les plus importants à actionner pour réhabiliter et relancer l’économie tout en produisant du sens.»

Enfin, et pour conclure, le parc culturel du Tassili est un joyau unique au monde, aux multiples facettes, étincelant de mille feux dans un grand écrin nommé Algérie. Il est de notre devoir de le protéger jalousement, afin de le faire découvrir et d’en partager les beautés avec l’humanité tout entière, le plus longtemps possible.


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