Guelma - PATRIMOINE

L'Aïd El-Adha: Des traditions bousculées à Guelma





Bien que les traditions de la société citadine de Guelma aient été frappées de plein fouet par le modernisme, des familles de cette ancienne cité gardent encore les «décors» de cette fête religieuse.

Les Guelmis, jadis, n'achetaient pas seulement le mouton mais aussi des vêtements neufs à leurs enfants. Et à quelques jours de l’Aïd, une ambiance fiévreuse s'emparait de la rue d'Anouna, des boulevards du 1er- Novembre, Souidani-Boudjemaâ..., des artères commerçantes qui abritent des magasins de prêt-à-porter, où les parents se précipitent pour faire leurs achats. Aujourd'hui, le mouton focalise l'attention des familles de Guelma. Cette tradition a été progressivement bousculée pour des raisons liées au phénomène du commerce de rue.

Les riverains sont confrontés ces dernières années, aux métiers informels qui prospèrent à l'approche de l'Aïd el-Adha, à travers tous les recoins de la ville. Ils se répartissent entre la vente de paille, des couteaux, des pompes à air, du charbon de bois pour le barbecue… en passant par l'égorgement du mouton et le découpage de la viande.

Des jeunes proposent ainsi du charbon au boulevard du volontariat, dans les cités périphériques de la ville, à la rue d'Anouna, ou à proximité du marché Harcha-Hacène du centre-ville. D'autres proposent aux passants une panoplie de couteaux et les accessoires pour les besoins du barbecue (méchoui et brochettes ).

L'Aïd el-Adha fait aussi le bonheur des aiguiseurs de couteaux qui sont en majorité des profanes. Ces derniers proposent aux riverains un petit «lifting à leurs couteaux afin d'égorger et de découper facilement le mouton», s'écrient-ils. L'Aïd el-Adha est donc devenu, principalement, l'occasion de faire de «bonnes affaires». C’est le cas de certains travailleurs qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ou ceux qui vivent au-dessus de leurs moyens, et qui se transforment en égorgeurs professionnels et découpeurs de viande, les jours de l'Aïd, pour boucler des fins de mois difficiles.

«C'est très fatiguant, mais je dois égorger le maximum de moutons pour soutenir mon pouvoir d'achat. Les prix varient entre 1.500 et 2.000 dinars, selon la taille du mouton, et si le nettoyage de la ”douara” est compris», déclare Redouane, agent de sécurité dans une entreprise publique.

Et de préciser: «je gagne entre 20 et 25.000 dinars la matinée de l'Aïd.»

Cette situation a encouragé des jeunes de plusieurs quartiers de la ville à s'adonner à cette activité. Mourad, qui habite au centre-ville, en fait partie.

«Je m'attaque rapidement au mouton de ma petite famille avant d'aller honorer mon engagement auprès de mes clients qui prennent rendez-vous une semaine avant l'Aïd», indique-t-il.

Et de préciser: «c'est un créneau porteur, pourquoi ne pas se faire un peu d'argent pendant cette fête religieuse?»

Selon des témoignages, «ces égorgeurs cèdent la place l'après-midi ou bien le deuxième jour de l'Aïd aux bouchers qui découperont plusieurs dizaines de moutons». Pour les nostalgiques, ce n'est plus l'Aïd el-Adha d'antan qui était marqué par le pardon, la solidarité et l'entraide.

«l'Aïd est devenu, aujourd'hui, une fête commerciale où tout se monnaye», déclare ammi Ali un septuagénaire qui habite dans un ancien quartier de la ville.


Noureddine Guergour


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