Guelma - Revue de Presse


Pour tous ceux qui l'ont connu, cela a été un grand choc. J'ai fait sa connaissance en 1985, lors d'une exposition de ses peintures tenue au syndicat d'initiative de Guelma. Installée avec mon mari dans la ville depuis 1963, j'avais beaucoup de connaissances locales, mais il me manquait — hormis des échanges de points de vue avec le peintre et poète Boucenna — un contact régulier avec des artistes sur place. En tant qu'artiste peintre, je me sentais donc un peu seule. Dans la recherche artistique, tous les artistes sont liés par une quête commune. Nous avons tous le même but, seule la voie pour y arriver diffère. La quête personnelle d'un artiste peut se répercuter de manière «fructifiante» sur ses confrères ; je ne fus donc que plus ravie de rencontrer, à  cette occasion, non seulement Himeur qui venait de sortir de l'Ecole des beaux-arts d'Alger, mais aussi tout un groupe de jeunes talents, tels que Khaled-Khodja, Benabda, Fnides, Dafri et plus tard Khalfallah. Tout de suite, je me sentie attirée par l´extraordinaire capacité de dessin de Hocine Himeur et par la qualité de son travail artistique. Des œuvres qui sont restées, tout au long de son cheminement, d'une grande concentration et d'une expressivité compacte. J'eus tout de suite eu envie d'en acquérir une. Je lui ai donc commandé un portrait, celui de mon jeune fils Haroun. Un dessin au fusain qui orne toujours ma maison. Depuis cette date, nous avons pris l'habitude de nous voir régulièrement, et plusieurs de ses œuvres ont été réalisées dans mon atelier. Il m'a montré presque chaque travail qu'il faisait, et nous avons souvent discuté de son art. Toute son inspiration venait du portrait et de la représentation de l'être humain. Il fut un fin observateur ; il possédait la faculté d'accaparer les traits typiques de ses modèles. Il ne se trompait pas dans les proportions et avait une forte sensibilité dans le choix de ses thèmes.
Il fut une époque où je craignis qu'il ne puisse plus quitter le dessin et qu'il reste loin de la couleur. Lorsqu'il fit le premier pas vers la peinture proprement dit, il vécut la couleur d'abord comme un complément au dessin, cela se voyait par son amour du blanc en tant que couleur. Plus tard, sa couleur déploya une vie propre. Je n'arrivais pas à  susciter son intérêt pour la peinture de paysages, il lui fallait le dialogue avec ses modèles. Il aurait eu un talent de sculpteur s'il avait eu la chance de poursuivre dans cette voie. Plusieurs de ses grands dessins donnent, d'ailleurs, l'impression d'être les œuvres d'un sculpteur. Les portraits de Himeur se caractérisent souvent par un reflet de la souffrance de ses modèles.
Ainsi, le point culminant de son cheminement artistique est certainement la série de représentations de sa défunte mère. Tout ce qu'il désirait exprimer se retrouvait dans ses tableaux. Le sujet est représenté, la main devant le visage, une attitude qui montre à  la fois la gêne et le refus d'être peint. Il renonce délibérément à  personnaliser les traits de sa mère en en faisant le symbole de la mère à  tous. Certains de ses tableaux de femmes m'ont fait penser à  l'œuvre de M'hamed Issiakhem. La peinture la plus impressionnante pour moi est la double représentation d'une vieille femme ; une fois, elle semble allongée dans une tombe, les pieds étendus, une autre fois, sur la même toile, elle gît, les genoux fléchis à  la manière d'enterrer des peuples anciens. Le visage ne paraît pas àªtre celui d'une morte.
Cela évoque pour moi la représentation d'une vieille mère interpellant son fils d'outre-tombe. C'est un travail d'une grande expression qui n'a rien de mélancolique pour moi, mais il reste extrêmement pesant. Au printemps 2009, j'ai exécuté un grand portrait de Hocine Himeur que j'ai placé en arrière-plan, et que j'ai appelé «Himeur et ses morts». Son caractère était serein et solide, et il était d'une gentillesse extraordinaire. Himeur fut un homme dévoué pour autrui. Il voulait profondément promouvoir la peinture à  Guelma ; il créa avec des amis peintres l'association «Bassamette» des beaux-arts, dont il fut le principal initiateur. En 1997, il fonda le Salon des arts plastiques de Guelma, qui sera organisé annuellement ; il drainait de nombreux jeunes artistes de toute l'Algérie.Il a organisé plusieurs expositions individuelles en Algérie et a participé à  d'autres en France, en Tunisie et en Allemagne. Sa dernière grande exposition a été la rétrospective qu'il fit, parallèlement avec moi, en avril 2010, à  la maison de la culture de Guelma.  Hocine Himeur est un grand talent ravi à  la fleur de l´âge. Son impressionnante personnalité reste inoubliable.

 


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