El-Tarèf - Revue de Presse


Le tourisme éducatif

Publié le 08.01.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie


Par Ahmed Tessa, pédagogue-auteur

A trois jours de la fin de l’année 2023 (du 28 au 31 décembre), la coquette ville d’El- Kala, dans la wilaya d’El-Tarf, a abrité un événement culturel sous le thème «Le tourisme, culture et éducation». Le choix de cette thématique est judicieux en ces temps de pollution planétaire et de dérèglement climatique.

La main de l’homme est forcément pointée du doigt devant cette situation. Un peu partout dans le monde, la période des vacances est faste pour la société de consommation : l’industrie du tourisme carbure à fond, hiver comme été. Une situation qui inquiète les spécialistes. Selon eux, un tourisme de ce genre produit une lourde empreinte carbone, source de pollution et de désagréments.

Y a-t-il une alternative à ce tourisme polluant ? En d’autres termes : le tourisme peut-il s’accorder avec les valeurs et les exigences d’un développement durable ? C’est à cette problématique qu’ont tenté de répondre les communicants et les participants au séminaire «Tourisme, culture et éducation», organisé par l’Office local du tourisme de la ville d’El-Kala. En provenance d’une quinzaine de wilayas, les participants ont assisté à un événement inédit de par sa thématique.

En effet, il s’agit là d’une première en Algérie que de parler de tourisme éducatif ! Le ton est donné et les objectifs se lisent en filigrane dans l’intitulé même de cette importante manifestation : sensibiliser au tourisme durable, local et national, par le biais de l’éducation. Toutes les communications ont visé cet objectif majeur. Qu’on en juge par les thèmes abordés par les pédagogues présents à ce séminaire riche en échange d’informations, d’idées et d’expériences : «l’Éducation durable & préventive (l’EDP) au service du tourisme local et national» a inauguré la première journée du séminaire. Ce concept vise à ancrer auprès du public scolaire les attitudes et comportements conformes au respect de l’environnement et de la biodiversité.

En application de cette présentation théorique, un groupe de collégiens ont animé un masterclass.

Avec aisance dans la langue française et sans complexe dans la traduction vers l’arabe algérien ou l’arabe scolaire, Antar Mansri, élève en 2e A. moyenne, et ses camarades sont venus délivrer un message d’espoir. Ils ont offert à l’assistance le fruit de plusieurs jours d’investigations et de prises de notes à travers des reportages vidéo et photographiques effectués sur les sites naturels et historiques de leur ville natale.

Mieux encore ! Antar a invité l’auditoire à lui poser des questions. Sans gêne aucune, il a essayé d’y répondre. Ce masterclass a épaté des adultes admiratifs devant un tel niveau de conscience éco-citoyenne de la part de préadolescents.

Les autres communications ont abordé des points importants relevant d’une pratique pédagogique dédiée au tourisme éducatif. En pédagogues chevronné(es), les conférencier(e)s ont déroulé le contenu de véritables boîtes à outils (mode d’emploi) destinées à l’enseignement/apprentissage. Qu’on en juge :

«Apprentissages scolaires : Comment concevoir une brochure mettant en valeur les sites touristiques» par M. Fadel Abdenour (inspecteur pédagogique) ; «Montage de projets pédagogiques autour des lieux touristiques et du patrimoine national» par M. Boumendjel Saïd (inspecteur pédagogique à la retraite) ;

«L’intégration du tourisme dans les séances d’enseignement/apprentissage en classe de langue» par M. Chiter Abdelhakim (inspecteur pédagogique à la retraite) ;
«L’émulation et l’auto-émulation en classe de langue» par Mme Khelfa Ouarda (PES formatrice à la retraite).

Ces conférences-débats ont été données en matinée et suivies avec assiduité par les participants. Les après-midis ont été consacrées à des sorties pédagogiques guidées et encadrées par M. Grira Abdeslam, spécialiste de la flore et de la faune au Parc national d’El-Kala.(*)

Les participants, accompagnés par le groupe d’élèves du masterclass, ont eu le bonheur de visiter des sites emblématiques d’El-Kala : les lagunes et lacs(*), la plage de la Vieille Calle, la Maison cantonnière située sur le circuit pédestre de Hedada, le Bastion de France, le Fort Moulin. Des sorties qui resteront gravées dans les mémoires. Toutes et tous ont ressenti une double satisfaction : avoir eu un plaisir à contempler la beauté des sites et avoir engrangé de précieuses informations sur El-Kala, sa faune et sa flore, ainsi que son histoire millénaire.

La randonnée pédestre a été une occasion offerte à M. Matouk Bachir, phytothérapeute venu de Bordj-Menaïel. Il a régalé l’assistance par le concept de tourisme médical qui pourrait être une source de revenus grâce à l’exploitation des plantes médicinales très répandues en Algérie (essences de plantes et huiles essentielles). Ses explications et ses renvois à des références scientifiques sont une véritable leçon de choses avec photos à l’appui.

Durant les trois journées, le hall de l’hôtel «Les Sables d’or» a abrité une exposition, elle aussi insolite : les richesses sous-marines d’El-Kala, la capitale algérienne du corail.
M. Harbi Abdelaziz, artisan-pêcheur, nous a invité à admirer une partie de sa collection, fruit de quelques décennies de recherches passionnées sous les eaux cristallines d’El-Kala : crustacés, coquillages et étoiles de mer de différentes formes, oursins bizarroïdes, etc.

La clôture de ce séminaire a vu la présence du président d’APC, présence saluée par les participants. Des recommandations ont été avancées ; parmi elles, la mise en place de jumelages d’établissements scolaires entre les wilayas du pays et les échanges de séjours entre élèves. La découverte du pays, ses atouts touristiques et historiques sont autant d’éléments qui renforcent leur identification au pays et à son histoire. N’est-ce pas là un des nobles objectifs du tourisme éducatif ?

Quelle leçon tirer de ce séminaire ? Les programmes scolaires gagneraient à intégrer, en pratique et en théorie, des modules de formation bien ficelés consacrés à la préservation de la nature. Notre pays regorge de richesses inestimables en la matière. La belle ville d'El-Kala en est l’exemple vivant.
A. T.

(*) Le 17/12/1990, le Parc national d’El- Kala est déclaré Reserve de biosphère par l’Unesco.
(*) Le lac Tonga, le lac Oubira et la lagune d’El Mellah sont inscrits au site mondial dit «Ramsar» relatif à la Convention internationale sur les zones humides protégées.



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