El-Oued - A la une

Les gens de Bab El Oued n'ont pas eu le temps de récupérer du traumatisme des années 1990 Dr Salah Belmekki. Psychiatre


Les gens de Bab El Oued n'ont pas eu le temps de récupérer du traumatisme des années 1990                                    Dr Salah Belmekki. Psychiatre
-Dix ans après, les habitants de Bab El Oued veulent oublier. Mais un devoir de mémoire s'impose. Comment vivent-ils cela exactement '
Le 10 novembre 2001 est vécu comme une catastrophe collective, un drame qui a endeuillé un nombre important de familles. Il était surtout inattendu. D'où cette nécessité de garder en mémoire ceux qui ont tragiquement disparu.
-Dès que la pluie se met à tomber, beaucoup ressentent une certaine peur. Comment expliquer cela '
Le fait que certains éprouvent une peur à chaque pluie est dû à des signes qui peuvent rappeler les événements directement ou indirectement. Il s'agit surtout d'une angoisse individuelle et nous assistons à ce que nous appelons un phénomène d'évocation ou de reviviscence, voire des cas de résurgence du trauma. Ce phénomène peut s'atténuer avec le temps, mais certains en garderont des traces, en l'occurrence ceux qui ont été directement exposés ou ont perdu un ou plusieurs proches.
-Pourquoi les témoignages canalisent-ils l'expression d'un mal-être qui n'est pas propre au traumatisme, mais commun à bien des Algériens '
Ce drame a été vécu, ne nous voilons pas la face, juste après le terrorisme. Dans le cas précis de Bab El Oued, il existe effectivement un lien de temporalité entre le 10 novembre 2001 et la décennie noire, je dirais même une proximité temporelle. Les gens n'ont pas eu le temps de récupérer de leur traumatisme précédent qui, dans le cas de Bab El Oued, se conjuguait alors au passé simple. Ce quartier d'Alger a vécu un drame surajouté sur une population fragilisée. N'oublions pas Octobre 88, n'oublions pas le terrorisme qui a frappé fort en cette partie de la capitale, n'oublions pas les inondations. Tout s'enchaîne.
-Le relogement des sinistrés à l'extérieur de Bab El Oued a été vécu comme un déracinement. Un nouveau traumatisme '
Oui, mais je préfère utiliser le terme de «transplantation» à celui de «déracinement». Il est vrai qu'il existe une période d'inadaptation par perte de repères, puisque beaucoup sont nés et ont grandi à Bab El Oued.
-De quelle manière cette catastrophe contribue-t-elle à construire davantage ce mythe de «Bab El Oued Chouhada» '
Depuis 1988, ce quartier a énormément donné, notamment, par le fait qu'il a sans doute été à l'origine des bouleversements politiques de notre pays. Cette expression exprime aussi un sentiment d'identité lié à Bab El Oued. La résurgence fantasmatique ou mythique du martyr est toujours présente. Tout cela entre dans l'ordre de la valorisation et de la revendication.
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)