Des Emiratis procèdent, depuis une année, au repeuplement de l’outarde houbara, une espèce menacée et massacrée depuis des années par les braconniers du Golfe. L’outarde n’est pas repeuplée pour sa préservation et sa protection, comme l’édictent les conventions internationales et les lois algériennes, mais pour faire durer… sa chasse.
El Bayadh.
De notre envoyé spécial
Une opération de lâcher de 200 échassiers de cette espèce a été menée dimanche dans la zone de Debbouche, sur le territoire de la commune de Brezina (wilaya d’El Bayadh), a-t-on constaté sur place. Ce lâcher sera suivi, durant les prochains jours, d’opérations similaires en différents endroits de la région, qui porteront sur un total de 800 à 1000 outardes.
Cette opération est la seconde du genre après celle entreprise en septembre 2011, dans la même wilaya, qui avait porté sur le lâcher de 495 outardes, 320 mâles et 175 femelles.
Elle s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre d’une convention de coopération concernant la préservation de l’espèce houbara, signée entre la direction générale des forêts (DGF) et le centre émirati de reproduction des oiseaux pour la conservation (EBBCC).
Ainsi, des représentants du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, de la direction générale des forêts, des personnalités et des cadres du centre émirati, les autorités locales et des chercheurs de l’USTHB et du Centre de recherche scientifique et technique des terres arides (CRSTRA) y ont assisté.
Selon le directeur général de la DGF, Mohamed Seghir Noual, présent à Brezina, «cette opération s’insère dans le cadre d’un projet de préservation de l’outarde houbara à travers un élevage mené dans la commune de Labiodh Sidi Cheikh dans le but de repeupler les zones sud de la wilaya steppique d’El Bayadh de cette espèce menacée de disparition».
«Il n’est pas question de chasse de cet oiseau, ni aujourd’hui ni demain, la zone sera sécurisée par les brigades forestières», car «l’outarde houbara est protégée en vertu de la loi 14/06 qui la classe parmi 23 espèces d’oiseaux menacées de disparition», a insisté le même responsable.
L’outarde, au même titre que 22 autres espèces, est protégée par des conventions internationales et en Algérie par le décret n°083-509 du 20 août 1983, renforcé par l’arrêté du 17 janvier 1995.
Officiellement, l’opération, financée à 100% par les Emiratis, s’inscrit dans le cadre d’un programme de la direction générale des forêts de réhabilitation des espèces animales en voie de disparition et en application de la convention de partenariat avec l’EBBCC. Il reste que «l’objectif de ce partenariat est de montrer et défendre une approche de modèle à la conservation de l’outarde houbara et la chasse durable», lit-on dans le prospectus de l’EBBCC.
«La chasse, pour les Emiratis, est un folklore qu il ne faut pas laisser tomber», a lâché un responsable du centre émirati lors de cette opération.
Autrement dit, ce repeuplement semble ainsi destiné à préparer les futures chasses des braconniers, mais de façon plus organisée.
Multiplier cette espèce pour pouvoir planifier, à l’avenir, des chasses durables, à long terme, en tenant compte des autorisations que pourraient fixer les autorités. Une sorte de chasse légalisée, avec le suivi des autorités, pour ne pas dépasser le nombre autorisé par saison.
Au final, cette espèce n’est pas repeuplée pour sa préservation et sa protection, comme l’édictent les conventions internationales et les lois algériennes, mais pour faire durer… sa chasse.
Cela même si M. Noual ne l’entend pas de cette oreille: «A ma connaissance, il n’y a pas eu de cas de braconnage dans la région. Parmi les causes de la disparition de cette espèce, il y a principalement la sécheresse.»
Pourtant, un peu plus au sud de Brezina, à Lebnoud, un campement de Qataris a été remarqué lors de notre passage. La réalité sur le terrain est tout autre. En effet, les émirs du Golfe affectionnent le pillage des nids d’outarde d’El Bayadh jusqu’au nord de Béchar, ne laissant aucun moyen à cette espèce de reconstituer sa population.
Et cet exercice, «sport favori», comme aiment à le nommer les braconniers du Golfe, se fait dans le plus grand secret, sans doute avec la bénédiction des autorités. Mais M. Noual ignore cet état de fait: «On ne nous a jamais sollicités pour organiser de telles chasses.»
Il est à noter qu’un nouveau procédé a été adopté «avec succès» lors de cette seconde opération et a porté sur l’utilisation de grandes et de petites cages, a affirmé l’ornithologue britannique K. Scotland, qui supervise le centre de reproduction de l’outarde situé à Labiodh Sidi Cheikh.
Ce centre, unique en son genre en Afrique, couvre une superficie de 400 hectares et est entré en activité en mars 2007, a-t-on indiqué.
Les opérations de collecte et d’éclosion des œufs d’outarde y ont débuté durant la saison 2007-2008, permettant l’obtention de 245 outardes, puis de 500 autres entre 2008 et 2011, a signalé le conservateur des forêts de la wilaya d’El Bayadh.
Le procédé de l’insémination artificielle a permis lui d’obtenir 300 outardes houbara entre 2009 et 2012, selon le même responsable.
Rabah Beldjenna
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Posté Le : 02/10/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Rabah Beldjenna
Source : El Watan.com du mardi 2 octobre 2012