Ce jardin d'Eden, où les Beni Hilal ont trouvé les sources et la verdure dignes des jardins suspendus de Babylone, culmine à 1 376m d'altitude, au dessus du niveau de la mer. El Bayadh (de abiadh, qui veut dire blanc en arabe) tirerait son nom d'une matière blanche, extraite d'un lit d'oued, avec laquelle les autochtones lavaient, surtout, leur burnous mais, aussi, la laine de mouton. El Bayad renverrait, également, à la couleur de la neige dont les fortes précipitations caractérisaient la région jadis.
Ce bout de terre algérien, plus vaste que la Belgique et le Luxembourg réunis, rassemble une palette de couleurs qui suffirait à émerveiller le plus exigeant des visiteurs. Cette wilaya, qui s'étend sur une superficie de 71 967 km2, est constituée de 8 daïra et 22 communes. Elle s'étend du Chott Echergui à l'Erg occidental. Elle est dominée par les trois monts du Djebbel Ammour de la chaîne Atlas saharien, le Bouderga (1 873m) majestueux, par sa masse, avec ses vestiges du poste optique, et El Bayadh Ouastani (1 878m), petit frère du grand K'sel (2 008m).
Cette région est constituée de trois grandes zones : au Nord les hautes plaines (8 778 km2), au centre la Présaharienne (51 073 km2) et au Sud l'Atlas saharien(11 846 km2),
Des gravures témoins
De toute la chaîne de l'Atlas, la région d'El Byadh est celle qui regorge de gravures rupestres, qu'on désigne sous l'appellation d'El Hadjra el mektouba (la pierre écrite). Les spécialistes sont unanimes sur le fait qu'El Bayadh recèle un véritable trésor archéologique et qu'elle cache, notamment, des mystères, qui restent entiers. A l'image de cette gravure d'une déesse drapée d'un costume intemporel pour l'âge néolithique (10 000 ans)
Cette station de N'khila, à 20 km de Boussemghoun, renferme également la gravure d'un rhinocéros dont on dit qu'il est la plus belle représentation d'un animal jamais dessinée par les hommes de la préhistoire. Dans ce contexte on peut, également, citer le Bélier de Boualem, une gravure mondialement connue ou, encore, les illustrations de Tazina, le scorpion géant. Et il en est de même pour les traces de dinosaures. En 1999, 51 ossements d'un dinosaure ont été découverts suite à une fouille du musée de géologie et des hydrocarbures de la Sonatrach. Cette découverte, annoncée officiellement le 17 octobre 2000, sous le nom de «Géant des K'sour», a inauguré une ère de recherche qui a permis de localiser les ossements de pas moins de 50 dinosaures, en plus de ceux déjà localisés. Il s'agit de carnivores chasseurs, d'herbivores et de crocodiles. En sus de ces richesses archéologiques la région renferme, également, un cimetière de l'homme préhistorique, aux environs d'Oum Lardjem et de Krakda.
L'argile, la simplicité et la quiétude
Si les gravures rupestres témoignent d'un passé lointain, d'autres vestiges viennent, à leur tour, estampiller ces témoignages par les vestiges d'une civilisation et les différentes légendes qu'ils cachent jalousement. Ces constructions, édifiées généralement sur un monticule, afin de se protéger des agressions, reflètent le talent de leurs constructeurs, qui ont su exploiter les moindres matières premières se trouvant dans leur environnement immédiat. Ainsi, l'argile, le dattier, le laurier rose, la paille, et autres matériaux, ont été habilement accordés pour enfanter une œuvre d'art, à l'image d'une symphonie qu'un chef d'orchestre dirige en toute simplicité, en dépit de laquelle les maisons, bâties les unes sur les autres, constituent un véritable conglomérat. Parmi ces vestiges centenaires, citons le K'sar d'Arbaouet, K'sar de Chellala, K'sar Ghassoul, K'sar Bent El Khass, K'sar Brezina, K'sar Krakda, K'sar Sitten, et enfin, K'sar Boussemghoun.
Sur notre route, vers Boussemghoun, nous avons fait une courte halte à Tazina, près de Chellala. Selon M.Boutadjine Abdelkader, chercheur en histoire, ce lieu a observé le premier affrontement militaire entre Cheikh Bouâmama et les troupes françaises, le 19 mai 1881. Une bataille qui s'est achevée par la défaite de l'armée française et la mort, au champ d'honneur, de quelques hommes de Bouâmama, parmi lesquels le chef des Maâlif et le chef des Rézaynia.
A 20 km de la route nationale reliant El Bayadh à Aïn Sefra, et à 120 km du chef-lieu de wilaya, se situe la perle des K'sour de tout l'Atlas Saharien : Boussemghoun, ou Aghram en berbère. Sur les lieux, une forte délégation nous accueille chaleureusement. Tout le monde se plaît à vous relater l'histoire du K'sar, à vous guider à travers ses petites ruelles, dans la joie et la bonne humeur. Bref, une hospitalité propre aux gens du sud. Selon notre guide, M.Ahmed Feguigui, ex. professeur de lettres arabes, ce K'sar était composé de sept ksour : Ath Mousa, Ath Ali, Ath Ahmed, Ath Slimane, Ath N'kiat, Ath Aïssa et ath Boudou.. Edifiée au XVII siècle, la cité Aghram veut dire village. Boussemghoun abrite, environ, 4 500 habitants, parlant tous un dialecte berbère dérivé de la langue amazighe, parlée jadis par les peuples du Maghreb.
Ce K'sar renferme une multitude de ruelles (T'madla en berbère) reliant les quartiers et donnant naissance à un véritable labyrinthe. Certaines sont couvertes, pour protéger de la chaleur, d'autres sont découvertes, pour assurer l'aération. Outre cela, il regroupait tous les ateliers d'artisanat, les petits magasins d'alimentation générale, l'école coranique et, aussi, la fameuse place de «Ladjmaât» (ou le groupe et, par extension, le parlement) où les sages du village discutaient et étudiaient toutes les affaires générales du K'sar. Une véritable solidarité régnait.
Là, également, nous avons visité la zaouïa Tidjania. Un lieu où le Saint Sidi Ahmed Tidjani (1737-1814), fondateur de la tariqa Tidjania, avait laissé son empreinte. Sa notoriété couvre l'Afrique du nord, des pays d'Afrique subsaharienne et, même, le Proche-Orient.
Ce grand savant musulman, originaire de Aïn Madi (Laghouat), était très fasciné par cette oasis verte ,et ce village calme, qu'il avait appelé «village heureux», où il y vécut 17 années ( entre 1781 et 1798) et y fonda la Zaouïa Tidjania. C'est là, dit-on, qu'il eut la révélation et ce, dans sa célèbre Khalwa du K'sar.
Entre culture et artisanat
Terre d'El Hadra, ensemble d'incantations religieuses répandues chez les adeptes des Zaouïa. Terre des danses Alaoui et Saf, qui ressuscite l'esprit chevaleresque des ancêtres, et du vaillant et pieux guerrier Cheikh Bouamama, sans oublier les fameux festivals de Fantasia, rappelant l'épopée des Banou Hilal. Terre de poésie bédouine, qui recueille l'héritage littéraire légué de génération en génération, avec toutes ses essences de sagesse et de lucidité.
Terre des contes berbères, où on croise l'ogresse et loundja et des légendes héroïques, comme celle de l'éblouissante Bent Alkhas des ksour. Terre où l'art
artisanal brille par sa diversité et son riche panel. Dans ce contexte on peut citer les tapis, spécialement de Béni Ameur, avec les motifs berbères, et tapis Tiaffouri, El Frachia, tapis de laine tressé de points noués, avec des formes géométriques et florales, les couvertures, tissées sous différentes formes selon leurs usage, les tentes faites de poils de chameau et de chèvre, les burnous, en laine noire, qu'on nomme Kherdous, et en poils de chameaux, appelé Haddoune, les Djellabas, Chéchia et Gandoura, les robes traditionnelles pour femmes, les bijoux locaux en or et argent, tels que le fameux khôl, etc. Enfin, si la wilaya d'El Bayadh regorge de potentialités touristiques, il n'en demeure pas moins que ses carences infrastructurelles privent beaucoup de visiteurs de partager ses merveilles.
Selon, M. Lachouri Abdallah, directeur du Tourisme d'El Bayadh, la région semble renaître de ses cendres, notamment avec le désenclavement de certaines zones, la création de zones d'expansion touristique ainsi qu'un début d'investissement, quoique timide, en matière hôtelière.
Si de tels projets venaient à se concrétiser, cette région connaîtrait un meilleur essor en matière de développement économique, à même de résorber le chômage qui y sévit, de façon cruciale, au sein de la classe universitaire.
Posté Le : 01/04/2014
Posté par : gerryville
Ecrit par : Reportage Chérif Abdedaïm
Source : Publié dans La Nouvelle République le 29 - 10 - 2008