Annoncer un nouveau découpage administratif, même indispensable au moment où le gouvernement appelle à l'austérité, peut surprendre.Le timing choisi suscite quelques interrogations quant à cette réponse aux relents politiques aux revendications socio-économiques des populations, notamment celles du Sud.Car il faudra trouver le budget nécessaire pour financer ce projet qui doit s'étaler de 2015 à 2017. «Il aura un coût financier considérable et conduira à l'aggravation du déficit budgétaire», estime Youghourta Bellache, économiste.Ce coût, précise-t-il, concerne la mise en place de nouvelles entités administratives, les dépenses de fonctionnement qui leur sont liées comme les salaires des fonctionnaires, ce qui remettra au passage «en cause le gel des recrutements de la Fonction publique», ainsi que les dépenses d'investissement relevant des prérogatives des wilayas.La loi de finances 2015 n'a pour l'heure rien prévu à ce sujet, preuve s'il en est que le projet n'était pas prévu pour cette année. Safi Larabi, vice-président de la commission Finances et budget à l'assemblée populaire nationale, nous indique qu'il faudra compter à partir du printemps 2016 pour voir le projet adopté. «Nous ne sommes pas encore prêts, il faudra au moins un an pour préparer les ressources financières et les structures nécessaires à l'encadrement humain. Nous avons besoin de cadres supérieurs, de directeurs exécutifs.Il faudra d'importantes ressources financières pour ne pas faire un faux départ», dit-il Car l'on parle d'au moins «9 à 11 wilayas dans le Sud et entre 8 et 10 dans les Hauts-Plateaux». Et ce sont les régions connues pour être les moins bien dotées en termes d'investissements économiques et de structures administratives.Le recensement économique de 2011 réalisé par l'office national des statistiques (ONS) établissait que seulement 12% des entités administratives recensées (santé, enseignement, administrations publiques) sont installées dans le Sud du pays et 28% dans les Hauts-Plateaux. En matière économique, seulement 8,5% des entités existantes sont situées dans le sud du pays et un quart dans les Hauts-Plateaux.Autant dire que l'effort à entreprendre est considérable et aura besoin d'un peu plus que les simples dotations de l'Etat pour créer ces nouvelles wilayas. A défaut, c'est un pas de plus dans le creusement des inégalités dans le développement territorial qui risque de prévaloir.DéfisPour l'heure, il semble que le projet entérinant ce nouveau découpage pourrait être adopté lors de la session de printemps 2016 de l'APN et les ressources qui lui seront allouées incluses dans le budget de 2016, selon Safi Larabi.D'ici là, les cours du pétrole auront, selon les experts, repris des couleurs, mais il a déjà été établi qu'ils ne reviendront probablement jamais à des niveaux de 100 dollars le baril et l'on sait déjà que l'équilibre du budget dépend d'un baril d'au moins 120 dollars.La baisse des cours depuis janvier a déjà entraîné des pertes et ça va continuer encore cette année. Selon le FMI, le manque à gagner qui lui est imputé est estimé en 2015 à 10% du PIB, et il est de notoriété publique que le budget de fonctionnement de l'Etat doit être rationalisé, d'autant que la fiscalité ordinaire ne couvre que la moitié des dépenses de fonctionnement.Pour Youghourta Bellache, des expériences à travers le monde ont montré que «les processus de déconcentration induisent systématiquement un accroissement des dépenses publiques et des effectifs de la Fonction publique».Une hausse qui peut néanmoins être amortie par une réorientation «des effectifs centraux vers les échelons décentralisés, ainsi que par une révision de la répartition de la fiscalité entre l'Etat et les collectivités territoriales.» Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a tenu à préciser que le découpage se fera dans «la limite des moyens de l'Etat», qu'il sera graduel et touchera en premier lieu le Sud, région riche par ses ressources mais pauvre en développement.RattrapageCar, au-delà de la volonté de rapprocher le citoyen de l'administration, le nouveau découpage doit surtout permettre à certaines régions du pays «d'avoir leur part de développement», affirme Benlarbi Bayzid, membre de la commission de l'éducation et de l'enseignement supérieur au sein de l'Assemblée populaire de la wilaya de Djelfa. Pour cela, il faut que ces nouvelles wilayas déléguées bénéficient d'un «programme spécial qui les remette à niveau du point de vue des moyens humains et financiers et les dote des outils de travail».Une révision du cadre législatif régissant les collectivités locales, ainsi que de la fiscalité locale s'impose à ce titre, selon cet ancien député. La question des moyens financiers à mettre à disposition de ces nouvelles wilayas et la démarche à entreprendre pour leur permettre d'avoir leur part de développement est au c?ur de la problématique. «Si le découpage se fait sur une base politique et électorale, il sera préjudiciable», soutient Safi Larabi.Il faut aussi rechercher «une efficacité économique», car «si on crée de nouvelles wilayas pour les gérer comme des entreprises publiques qu'on maintient en vie en leur injectant des ressources, ce serait une grosse erreur». D'où la nécessité d'opérer un découpage sur la base de critères, parmi lesquels «les spécificités, les atouts et les ressources dont disposent les régions», mais aussi d'intégrer la dimension de la gouvernance qui a jusque-là fait défaut dans la conduite du développement local.
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Posté Le : 02/03/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Safia Berkouk
Source : www.elwatan.com