Où que l’on se tourne dans la ville de Constantine, il existe des repères qui permettent d’entretenir pour l’éternité la mémoire.
De notre correspondant à Constantine
A. Lemili
Où que l’on se tourne dans la ville de Constantine, il existe des repères qui permettent d’entretenir pour l’éternité la mémoire. Parmi ses habitants les plus jaloux de leur appartenance à la ville, ils s’en trouvent dont l’orgueil est d’être né dans la vieille ville, et encore, pas dans n’importe quel endroit. Il existe également une sélection de quartiers, places qui hiérarchisent entre qui ergotent l’exclusivité d’avoir vu le jour dans ce qu’ils considèrent comme les entrailles de la ville en l’occurrence et toujours la vieille ville, épicentre de tout le reste.
De Zankat laâmamra à Drouj erramah en passant forcément par Rahbat Essouf - Sidi Djeliss et Arbaïne Sharif, ils sont dénombrables par grappes places et quartiers historiques ante et post-colonisation. Au-delà de ces espaces, tout un chacun parmi les Constantinois entretient sa nostalgie selon son propre affect et il serait pour le moins réducteur de limiter, toutes appréciations gardées, des lieux mémoriels aux seuls lieux évoqués. D’autres personnes ne retiendront sans doute qu’une ou des salles de cinéma qui auront jalonné leurs souvenirs, des cafés, une école, une classe, la silhouette d’un enseignant français, du plus turbulent des chahuteurs de camarades d’école sinon le plus effacé ou plus réservé avec lequel était partagé un banc, un endroit spécifique sous le préau.
Pourtant si tout ce que l’on peut citer en ce sens est encore là, debout, quoiqu’en grande partie la vieille ville s’en va à vau-l’eau, malgré toutes les pompeuses déclarations politiques faites pour sa préservation et les engagements jamais tenus sinon superficiellement, il y a des espaces qui ont été sciemment rongés par des choix fallacieusement argumentés par l’utilité publique, comme est en général cité la nécessité d’une urbanisation, ré-urbanisation ou réhabilitation pour conférer un cachet moral à ce qui est un gommage d’une partie de la mémoire de la ville.
C’est quelque part le cas des boulodromes parmi les plus populaires de la ville. Ingénieusement répartis aux quatre coins de la ville, les boulodromes faisaient l’histoire de la ville, de ses hommes mais également d’un mode de vie, certes
presqu’imposé parce qu’importé par le colonisateur, mais qui, pour le moins, ne peut être évacué d’un revers de main, ne serait-ce que ce lien historique qu’il faut entretenir au besoin pour les générations qui ont suivi et celles qui inévitablement suivront.
Au-delà de leur aspect festif et convivial, n’importe quel boulodrome de la ville avait son histoire, sa réputation, ses anecdotes, ses picaresques habitués. Qu’il s’agisse de celui des Cheminots, des Hospitaliers, des Mocistes, des Clubistes, de monsieur tout-le-monde et de Sidi Mabrouk au boulevard de l’abîme en passant par Bab-El-Kantara et l’inévitable square Panis, ces espaces constituaient sans conteste les plus animés des rendez-vous hebdomadaires, autres jours de fête et meublaient forcément l’été et ses vespérales tranches de vie.
Il ne subsiste plus qu’un seul boulodrome à l’heure actuelle, et encore aurait-il fallu l’opiniâtreté et l’action volontaire de quelques anciens fonctionnaires du CHU dont les œuvres sociales gèrent celui de Bab-El-Kantara (photo) pour qu’il résiste à l’usure du temps et au laisser-aller des responsables locaux comme cela a été le cas pour les espaces du square Panis définitivement ensevelis ou celui du boulevard de l’abîme cédé à l’exploitant d’une salle des fêtes qu’il a annexé pour d’autres activités… plus lucratives celles-là.
Paradoxalement, l’administration locale et plus particulièrement la direction de la jeunesse et des sports de la wilaya se sont découverts, dans le cadre de la vulgarisation de l’activité sportive, une passion pour ce qui semble plus être un moyen de détente et surtout d’une pratique populaire qu’une discipline sportive au sens académique et se sont mis à multiplier la réalisation de boulodromes ici et là, notamment dans les cours ou à la périphérie immédiate de cités populeuses, avec l’idée, effective d’ailleurs, d’occuper les jeunes d’abord, pour intégrer ensuite l’action dans leurs rapports mensuels et bilan de fin d’année.
Or, ces boulodromes sont impersonnels, froids… un peu comme ceux qui y pratiquent sur leurs pistes alors qu’ils (les espaces) ont pour raison d’être la joie, le rire dans la démesure, la solidarité, la solidification de liens conviviaux, la perpétuation d’un mode de vie et une infaillible éducation.
A. L.
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Posté Le : 03/12/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: latribune ; texte: A. Lemili
Source : latribune-dz.com publié le 27.11.2013