"Enfin un rêve des mille et une nuits!", résumera, émerveillé par tant de splendeur, l'artiste peintre Horace Vernet. El Hadj Ahmed Ben Mohamed Chérif (1784-1848), né d’un ancien calife ottoman et d'une mère algérienne, dernier de la lignée des beys ottomans qui ont gouverné Constantine, est l’initiateur de la construction, entamée en 1825, de ce prestigieux palais.
Entièrement achevée en 1835, cette sublime construction à laquelle le colonialisme a apporté, après la chute de Constantine en 1837, des modifications pour en faire le siège de sa division armée, n’a cependant profité à Ahmed Bey qu’une seule année...
Le palais est composé d’un rez-de-chaussée avec jardins et cours, d’un sous-sol, de 27 galeries qui distinguent l’édifice par la fraîcheur qu’elles produisent et font circuler l’air en période de grandes chaleurs, ainsi que de 250 colonnes de marbre de diverses provenances méditerranéennes, structurant les 121 salles et les 500 portes et fenêtres en bois de cèdre sculptés et richement colorés en rouge, vert et jaune à l’instar de tous les faux plafonds.
Une inestimable polychromie orne les murs du palais sur 1.600 m2 et permet la datation et la lecture des différents événements historiques telles les batailles auxquelles a pris part le Bey aux côtés du Dey d’Alger, ainsi que ses différents voyages au Moyen-Orient et à la Mecque.
L’impression de magnificence est accentuée par ce que fut la "cour principale", ce patio qui défie son âge et résiste stoïquement aux assauts répétés de l’érosion et de la lente dégradation aggravée par l’indifférence des hommes.
Entourée d'une péristyle de cinq arcades que l’on trouve sur chaque côté, cette cour témoigne que cette partie du bâtiment était autrefois une maison isolée, annexée au palais par la suppression de l'un des murs de séparation remplacé ensuite par une colonnade.
La bâtisse n’est donc autre que "Dar Oum Ennoune", la maison de la mère de Hadj-Ahmed Bey qui voulait, comme l’a précisé Abdelaziz Badjadja, un architecte restaurateur chargé de diriger le projet de réhabilitation, un nouveau palais où il pourrait maîtriser tous les aspects plutôt que de gouverner au niveau de Dar El Bey, lieu de destitutions et autre mésaventures des précédents Beys de Constantine.
Dar Oum Ennoune a été ainsi été transformée, au fil des années, en un somptueux complexe formé de jardins et de patios dont les différents corps sont ouverts pour l’essentiel vers l’intérieur, créant ainsi un endroit enchanteur où il faisait bon vivre.
Honneur à ces dames
Selon un document d’archives, la cour de cette maison fut transformée en "un vaste bassin où les femmes pouvaient prendre des bains froids". L'eau jaillissante s'élevait à une grande hauteur et retombait en cascades dans de vastes coupes superposées et d'inégales dimensions, sur le bord desquelles un artiste avait sculpté d'élégantes rosaces et de gracieuses sinuosités.
"Dans les eaux du réservoir vivaient en grand nombre de petits poissons rouges, dont les femmes prenaient soin", raconte le même document. Sur l'un des côtés de la cour, un escalier permet l’accès à de vastes chambres voûtées qui s'étendent sous le palais, le long de la rue adjacente, l'ex-rue "Caraman", où se trouvait un bain maure exclusivement affecté à l'usage du bey et de son personnel féminin.
Au-dessus de ce bain maure, dans l’une des chambres de repos des baigneuses, se trouvait une immense oisellerie où rossignols, chardonnerets et autres canaris étaient entretenus et "choyés". Le premier étage de cette cour, entouré également d’une galerie à arcades, abrite toujours une série d'appartements, jadis élégamment meublés, tandis qu’une autre cour, entièrement pavée de marbre et ornée de belles colonnes, confère un surcroît de caractère au palais où s’incrustaient deux magnifiques jardins d’orangers, de roses et de plantes joliment entretenues.
On travaille à la résurrection rapide de la merveille
Une opération "Renaissance" bienvenue devrait être menée à son terme dans moins d’une année, et si aucune contrainte de dernière minute ne vient contrarier le projet, ce chef-d’oeuvre pourra rouvrir ses imposantes portes magnifiquement sculptées aux amateurs de l’art architectural ottoman, impatients de se plonger (ou de redécouvrir) la beauté des lieux.
Cela reste aussi tributaire de l'aménagement de l'esplanade de la place publique qui lui sert de prolongement naturel et qui faisant actuellement office de parking.
Le délai de dix à douze mois nécessaire pour l’achèvement de l’opération "Renaissance" du palais peut paraître long, mais il se justifie, selon les responsables de la restauration, par la nature et la délicatesse des travaux que dirige le chef de projet, Abdelaziz Badjadja, un architecte versé dans la reconstitution du vieux bâti, assisté par une jeune et dynamique architecte de la nouvelle génération, Asma Bouaballou.
Cette £uvre architecturale inspirée des contes d’Orient fut longtemps abandonnée à son triste sort, soumise aux caprices des vents et à la lente usure du temps avant d’être l’objet de cette salutaire décision de réhabilitation. Une décision difficile, cependant, à mettre sur rails en raison des ravages causés à la bâtisse.
Cela a déjà occasionné de fréquents arrêts de travaux et de volumineuses enveloppes financières pour conduire une réhabilitation ainsi mise à mal en dépit d’une étude d’expertise, de restauration et de mise en valeur (jugée pourtant satisfaisante) réalisée par un bureau d’études polonais spécialisé, entre 1983 et 1986, comme l’a souligné Abdelali Matmat, un membre de l’association des Amis du palais du Bey.
Cette première opération d’expertise élaborée par l’équipe pluridisciplinaire étrangère consistait à reconstituer le palais tel qu’il fut avant les transformations introduites par les Français pour l’adapter à leurs besoins de l’époque. L’architecte Asma Bouaballou.
Pour l'authenticité, éliminer du palais toute trace coloniale
Le concept retenu pour ce projet de restauration était donc de récupérer ce joyau jusqu’à la période ottomane et d’éliminer toute trace de la présence coloniale française. La restauration proprement dite a été entamée au lendemain de l’achèvement de l’expertise, en 1986. S’ensuivirent de nombreuses embûches qui contrarièrent la bonne volonté des uns et des autres, que ce soit lors de la première phase des travaux, commencée en 1991 par de gros travaux de consolidation en béton armé, suivie, deux ans plus tard, d’une seconde opération qui sera interrompue en 1996, puis d’une autre en 1998, et enfin une dernière, entamée en 2002.
L’ultime phase de la restauration du palais du Bey semble, cette fois, être la bonne puisqu’il s’agit en fait, d’un "engagement" et d’une "implication" de tout un ensemble de petits artisans de différentes spécialités pour la lustrerie artisanale, la céramique historique et la menuiserie ancienne à reproduire en copie ou à restaurer, a en croire M. Badjadja.
L’objectif final d’un tel projet de restauration est de faire du palais du bey, selon le chef du projet, un "haut lieu historique, témoin de l’histoire de l’Algérie, ainsi qu’un musée vivant des arts et des traditions populaires du Constantinois pouvant perpétuer nos valeurs culturelles par leur transmission ordonnée aux générations futures".
Une fois le futur musée ethnographique restauré, plusieurs dépendances devraient voir le jour, selon l’association concernée qui cite en particulier une salle de conférences, une bibliothèque, un club de rencontres, des ateliers et une salle d’exposition permanente pour les créations culturelles de la ville et de sa région.
Posté Le : 03/05/2011
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Algérie Presse Service
Source : www.dziriya.net