Constantine - Revue de Presse


Le monde du livre est en principe celui du savoir, de l’imagination et du rêve. C’est aussi un monde ouvert 24 h sur 24, toute l’année que Dieu fait, comme une station-service permanente de l’esprit. Pas chez nous où il n’apparaît vraiment que lors du SILA, à croire que le reste du temps, il hiberne quelque part, tel un ours de papier en une discrète caverne. Si l’on doit enregistrer comme un bienfait ce rendez-vous annuel, qui reste, volens nolens, le premier évènement culturel national, il est permis (et même recommandé) de s’interroger sur son paradoxe de fond : destiné à mettre la lumière sur l’édition et le livre dans notre pays et dans le monde, il a fini, à sa quinzième édition, par prendre le-devant de la scène. C’est un peu, si vous voulez, comme si un metteur en scène prenait la place de l’acteur principal (le livre) ou encore qu’une vitrine empéchait d’accéder au magasin (la bibliothèque, la librairie…). Car, au vu des dernières éditions et de celle-ci, on constate que le débat se focalise de plus en plus sur le salon au détriment de son objet. Le SILA devient ainsi, littéralement, la couverture du livre !
Il y a eu, dans un récent passé, ces interdictions d’ouvrages, toutes intervenues à la veille de l’inauguration, belles coïncidences qui, pour le coup, ont même fait oublier la manifestation. Cette année, nous avons eu droit à l’épisode d’un dictionnaire français-hébreu, anglais-hébreu ou hébreu-hébreu, chacun y allant de sa version. Dérisoire débat, quand on sait que l’université de Tel-Aviv enseigne largement l’arabe et les études islamiques (il existe même un Centre d’études iraniennes à sa Faculté des humanités) et surtout que l’université islamique Emir Abdelkader de Constantine doit l’enseigner prochainement (si ce n’est déjà fait) pour renforcer ses études en religions comparées. La météo aussi est régulièrement invoquée depuis la mise en place de l’option chapiteau avec des réflexions savantes sur les BMS (bulletins météo spéciaux) et l’opportunité de retourner au béton ou de déplacer le salon en été, etc. Ainsi, le livre se retrouve perdu quelque part dans l’anticyclone des Açores ! Là-dessus, nous avons eu en prime une sortie égypto-footballistique avec un remake passablement houmiste de l’épopée de la bibliothèque d’Alexandrie. Exit le savoir, l’imagination et le rêve ! Bonjour l’épicerie, encore que mon épicier, aâmi Tahar, me procure plus de joies spirituelles avec un fond sonore de chaâbi, ce qu’il y a de meilleur, et des discussions passionnantes.
Aussi, on peut proposer ce mode d’emploi minimaliste du SILA, très simple à mettre en œuvre : allez au salon mais oubliez-le, car son véritable rôle est de se faire oublier, tel le doigt qui montre la lune. Intéressez-vous aux livres sans regarder autour de vous, assistez aux rencontres intéressantes, faites-en vous-mêmes, achetez si vous pouvez, résistez surtout à la tentation de voler ! Tout cela en espérant un jour où le livre regagnerait notre quotidien.


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