Ahmed Bey El Memlouk (janvier 1818 - juillet 1818)

Il ne régna que six mois environ, juste le temps d'organiser son makhzen et de remettre de l'ordre dans ses finances. Il choisit Hadj Ahmed Ben Mohamed Chérif (petit fils de Ahmed El Kolli) au poste de Khalifa ; Mostefa Ben Labied, kaïd dar ; El Hadj Abderrahmane Ben Naâmoun, bach kateb ; Bouzian Ben El Eulmi, agha deïra ; Abdallah Ben Zekri, bach seiyar ; Belkacem Ben Zekri, bach serradj. Au moment où il prenait fonction à la tête du beylik, certains événements d'une grande importance pour l'autorité turque se déroulaient à Touggourt. Il fut obligé d'y intervenir (1). Quand Mohamed Ben Ahmed Ben Djellab s'empara du trône de Touggourt en faisant décapiter le sultan en place El Khazen et sa mère Lalla Mira, il eut immédiatement tous ses frères contre lui. L'ancien sultan Brahim qui avait été détrôné par le défunt El Khazen se mit aussi de la partie en obtenant l'appui de cheikh Abderrahmane et cheikh Ali de Oued Souf. Ils tinrent Touggourt bloquée pendant huit mois, et les hostilités ne cessèrent qu'à la suite de l'intervention de Si Hadj Ali Tidjani qui les obligea à signer une trêve. Mohamed eut recours alors à la ruse et au crime pour éliminer ses frères. Il attira Brahim et Abderrahmane dans un guet-à-pens où ils furent assassinés. L'affaire semblait terminée quand Ferhat Ben Saïd, son cousin, ami d'enfance de El Khazen et son beau frère pour avoir épousé sa soeur Tata, prit les armes pour venger à la fois son ami et son parent. Après s'être assuré de l'alliance des Troud de Souf, il s'adressa à Ahmed El Mamlouk pour solliciter son appui militaire moyennant cinquante mille pesetas. Le bey accepta l'offre et chargea Abdallah Khodja Ben Zekri et cheikh el Arab Bou Okkaz, oncle paternel de Ferhat Ben Saïd qui collectaient les impôts à Lichama, de se porter sur Touggourt pour soutenir les prétentions de Ferhat Ben Saïd. Mohamed Ben Djellab, averti de cette marche, adressa aux deux chefs des émissaires pourvus de nombreux cadeaux en nature et une grosse somme d'argent, chargés de les détourner de leur projet. L'opération réussit pleinement ; les deux chefs invoquèrent plusieurs prétextes pour ne point poursuivre leur route : la saison mal choisie, les fatigues des soldats qui venaient de passer deux mois dans le désert, le manque de provisions, etc... Ferhat Ben Saïd crut à toutes ces allégations et admit la remise de cette campagne à l'année prochaine... Un mois après l'armée turque rentra à Qacentina. A Alger, Ali Pacha, emporté par la peste en mars 1818, avait été remplacé par Hussein dey. Dès qu'il prit fonction, averti de ce qui se passait à l'Est, ce dernier donna ordre à Ahmed Bey El Mamlouk de destituer les Ben Zekri et de les chasser de Qacentina pour avoir, entre autres, trompé la bonne foi du bey et de Ferhat Ben Saïd. On ne sait pour quelles raisons Bou Regaâ, Brahim Ben Touati et Bou Guerba furent exécutés par le bey, à la même époque. De ce fait le makhzen fut remanié de la manière suivante Ahmed Ben Mohamed Chérif, Khalifa, Amar Ben Aoun, agha deïra ; Mostefa Kutchuk Ali, bach kateb ; Hadj Abdelkrim El Mamlouk, kaïd dar ; Ali El Mamlouk, kaïd el azib el djemel Mohamed El Mili, kaïd el ouassi ; El Larbi Ben El Eulmi, bach serradj ; El Hayouni, kaïd Téleghma ; Slimane, kaïd Ouled Abdenour. Hussein Dey, qui avait exercé précédemment les fonctions de khodjet el kheïl dans le diwan, connaissait parfaitement Ahmed El Mamlouk, et leurs rapports n'avaient jamais été des plus amicaux. Aussi décida t il, dans le cadre de la réorganisation de son administration de ne faire appel qu'à des hommes dont il avait pleinement confiance, ce qui n'était pas le cas pour Ahmed El Mamlouk. Celui ci était dans son camp et se préparait à partir en campagne contre les Beni àmeur de Sétif, quand deux chaouchs se présentèrent à l'agha, porteurs des ordres du dey, l'invitant à procéder à l'arrestation de Ahmed El Mamlouk. Pris, les mains liées derrière le dos, le bey fut transporté à Alger d'où il fut exilé à Mazouna. Il fut remplacé par M'Hamed Ben Daoud El Mili, kaïd el ouassi, membre de l'ancien makhzen. Note (1) Touggourt avait à sa tête le sultan Ibrahim Ben Djellab. Il avait trois frères, et, chacun voulait s’emparer du pouvoir. Les beys qui avaient succédé à Salah Bey les laissèrent, et les encouragèrent dans leurs prétentions. Le sultan Ibrahim les combattit avec succès jusqu'au jour où son beau frère cheikh el Arab, Debbah Bou Okkaz ne le soutint plus. Les Plus entreprenant parmi les prétendants, El Khazen son cousin, soutenu par Ferhat Ben Saïd, neveu de Cheikh al Arab, et Mohamed Ben Djellab frère aîné de Ibrahim. « El Khazen pénétra, un jour les armes à la main dans les états de Touggourt et se montra devant la capitale avec des goums nombreux. Comme Il n’en voulait point à la personne du sultan Ibrahim et que son ambition n'avait pour objet que le trône qui avait appartenu à son père, Il fit offrir au sultan la vie sauve et une escorte S'il consentait à abdiquer. Pour toute réponse Ibrahim se sauva à Sidi Khaled. « Dès son élection au titre de sultan par l'assemblée de notables, il offrit à la mosquée de Touggourt des livres saints et entre autres un magnifique exemplaire du Bokhari qui avait été payé 200 réaux à Tunis. Il créa, en outre des avantages pour les talebs et les marabouts auxquels il supposait quelque influence dans le pays. Mais Mohamed, l'aîné des fils de cheikh Ahmed Ben Djellab, encouragé par ses frères et par quelques grandes familles, d'autant plus dévouées à sa cause que depuis la mort de son père, elles avaient été dépouillées de leurs privilèges, entraîna dans la rébellion la tribu des Ouled Moulat. De ce fait, la jeune El Khazen eut à faire face à une dure épreuve d'autant plus que ses adversaires n'employèrent pas tous les moyens de faire acte de bravoure et d’honneur. « Mohamed affecta sournoisement d'accepter avec résignation le fait accompli et de se tenir calme. Ses paroles n’étaient que des louanges à l'adresse du souverain et des protestations d’affection, pendant que ses frères, au contraire, travaillaient séparément à se créer un parti. Lorsqu’il vit que le sultan croyait à sa sincérité, il lui écrivit en ces termes : Vous êtes jeune et entouré d’ennemis qui complotent votre perte. Un conseillé dévoué vous est indispensable ; vous savez quels sont mes sentiments pour vous et quelle a été ma conduite respectueuse depuis que vous êtes monté sur le trône de nos pères. D'ambition personnelle je n’en ai plus, j’abdique tous mes droits. Prenez moi pour Khalifa. Nous sommes déjà unis par la même origine, resserrons encore davantage ces liens en me donnant votre mère Lalla Mira en mariage. Ce sera entre nous un gage de fidélité réciproque. La mère et le fils acceptèrent cette proposition. Ils furent tous deux tués par Mohamed qui prit la place de sultan. Notes Histoire. Féraud - R.A. (1880).