Ville de ZEBOUDJA-HANOTEAU ( Période Coloniale, pendant les Années de Guerre de Libération Nationale ) '' Témoignages et Souvenirs d'un Sous-lieutenant au 2/22éme régiment d'infanterie à HANOTEAU .
( Embuscade du pont de l'Oued Guelta-Zerga le 09 Décembre 1858)
Maurice CAMUS ... SOUS LIEUTENANT AU 2/22ème R.I.
On est évidemment frappé par la disproportion des moyens mis en oeuvre ainsi que par le déséquilibre entre l'armement des fellaghas et l'importance de ce bombardement. Le témoin a pu juger sur pièce de cette situation. L'armée Française peut ainsi être économe de vies humaines. Quant à l'ennemi, elle l'anéantit si elle le repère. N'oublions pas qu'à cette époque, la philosophie du Café du Commerce à propos de l' ALGERIE était simple: ' Y a qu'à mettre le paquet ! ' Que fallait-il de plus?
Toutefois, certains récits de militaires stationnés en ALGERIE font état de la supériorité des fellaghas dans d'autres domaines: science du terrain, sens de l'opportunité, organisation des embuscades, etc.... Et dans ces cas-là, les soldats Français se sentent en situation d'infériorité tactique comme nous le rapportent les témoins suivants.
Maurice CAMUS est Sous-Lieutenant appelé au 2/22ème Régiment d'infanterie. Dans le secteur de TENES, il encadre une harka:
Le 13 mai 1958 venait d'éclater.....
Avec ses manifestations que je me garderai bien de juger, les avis là-dessus étant tellement contradictoires. Tout ce que je puis dire, en toute honnêteté, c'est qu'elles m'avaient laissé à l'époque plutôt sceptique.... J'allais à TENES rejoindre une unité bien combattante, le 22ème RI. Reconstitué en mai 1956 dans la région de CLERMONT-FERRAND avec des rappelés, il fut affecté aux secteurs de TENES ( 2 bataillons ) et de CHERCHELL( 1 bataillon, PC à GOURAYA ). Cette unité comme tant d'autres formées à la hâte, avait connu bien des vicissitudes et des coups durs dès son arrivée. En 1958, la barre était un peu redressée mais le secteur n'était pas sain. Les anciens avaient des souvenirs à raconter. Le Djebel BISSA notamment, dans la chaîne côtière entre FRANCIS-GARNIER, BREIRA, HANOTEAU, FLATTERS, avait une triste réputation: ses sommets dépassant mille mètres, ses zones boisées constituaient des sanctuaires pour les katibas. Son placement en zone interdite n'avait pas réglé le problème. Nous applaudissions quand les T6 venaient straffer par ici et nous appréciions en connaisseurs quand les roquettes éclataient à tous les échos. Affecté à la 7ème Cie du 2ème Bataillon, j'allais tout d'abord seconder un sous-lieutenant du contingent dans un poste très éloigné.... Oued HAMELIL, déjà utilisé par les ROMAINS. En creusant pour établir des soutes à munitions, nous trouvions des vestiges importants. Je me souviens de l'intérêt qu'avait porté le Lieutenant-Colonel commandant en second le régiment, pour ces vestiges du passé.... Malheureux homme, nous apprenions avec tristesse, une huitaine de jours après, qu'il venait de sauter sur une mine et qu'il avait trouvé la mort......
Rappelé à la compagnie pour remplacer un officier d'active nommé ailleurs, j'étais promu chef de la 5ème section. J'allais connaître pendant plusieurs mois toutes les opérations à l'échelon sous-quartier, quartier, secteur, voire zone. J'étais aidé dans mes responsabilités par un sous-officier d'active, un vieux briscard, mais tout le reste de ma section faisait partie du contingent ou peu s'en fallait. J'allais également bénéficier de l'appoint de quelques harkis dont j'eus à louer les qualités.
Je tiens à dire ce qu'était un officier de réserve en AFN à cette époque: un appelé effectuant son service militaire, qui avait quelque ascendant sur ses hommes, des copains appelés comme lui bien souvent, non seulement par sa barrette qu'il ne portait d'ailleurs pas toujours, mais souvent par les quelques années supplémentaires qu'il avait sur eux. Ce jeune officier se devait de commander pour ' le bien du service ' évidemment, mais aussi, il se devait de prendre les précautions indispensables pour veiller au maximum de sécurité de son petit monde. Combien de fois il a fallu adapter les ordres d'en haut, combien de fois le chef de poste ou de section a dû, chez ses hommes, secouer quelques négligents ou lutter contre certaines routines sachant que l'ennemi guettait dans l'ombre et se tenait prêt à exploiter la moindre défaillance. Mais l'officier de réserve restait près de la troupe et je pense que la plupart du temps, les sous officiers et les soldats l'estimaient. Que l'on sache que durant ma vie de chef opérationnel, j'ai longtemps collaboré avec un sous lieutenant d'active frais émoulu de COETQUIDAN, qui commandait la section voisine et que nos rapports furent excellents. Peut-être est-il haut placé dans la hiérarchie maintenant.
9 décembre 1958:
Par un matin pluvieux, le capitaine FRANCES de la 7ème compagnie allait visiter et ravitailler le poste de OUED HAMELIL situé à une douzaine de kilomètres de HANOTEAU en empruntant la seule route praticable, de surcroît peu sûre car souvent défoncée et encaissée. Une section à pied était partie devant, se placer sur une hauteur, et ma section prenait place sur les véhicules pour faire escorte. A mi-chemin, près du pont de l'oued ZERGA, la fusillade éclatait. Heureusement une vive riposte devait nous sauver la vie. Hommage ici aux petits soldats qui ne s'en laissèrent pas compter. Hommage à TIDJERMINE qui fut blessé à sa mitrailleuse, au petit TORMO qui, sous un feu nourri, prit sa place et de ce fait en imposa à l'ennemi, hommage aussi à LIEFOG qui, à mes côtés, vida chargeur sur chargeur avec son PM. D'autres seraient à citer, le grand DUTEAU avec son FM. MAINTIER, mon tireur d'élite avec son fusil Mas 49.
Honneur aussi au T6, qui, bien que peu efficace, car seul et gêné par le plafond bas fit baisser la tête à l'adversaire et contribua à assurer le relais radio avant de rentrer car touché, à sa base. Cette embuscade qui laissait nos camions criblés aurait pu être meurtrière; heureusement, elle ne s'était soldée de notre côté que par 4 blessés. Les fellaghas avaient eu des pertes mais les blessés ou les morts purent être emmenés car le terrain en bordure du Djebel BISSA leur était favorable et nous étions trop faible pour poursuivre.... La pluie tombait drue, l'aviation appelée à la rescousse arrivait avec des moyens accrus, mais un plafond de plus en plus bas, empêchait tout staffing. La nouvelle de cet accrochage lancée dans l'éther ayant été captée un peu partout, nous avons vu arriver successivement, le chef de bataillon, le général GRACIEUX commandant la ZOA. Nous faisions figure de vainqueurs, des Croix de la Valeur Militaire Furent distribuées sur place. Ce sont des souvenirs qui ne s'oublient pas. Que l'on me permette de citer aussi le médecin aspirant ALIFF qui était avec nous dans l'intention de dispenser l' AMG au poste et qui se comporta courageusement sous le feu. Il pansa et réconforta les blessés.
28 décembre 1958:
Je me trouvais ce jour-là dans le Djebel BISSA lors d'une action à l'échelon bataillon. Après des accrochages infructueux de jour, les rebelles harcelaient à la tombée de la nuit, des éléments du dit bataillon. Au cours de cette affaire, le lieutenant qui commandait la CCAS 2 trouva la mort.
27 janvier 1959:
Je connus avec mes soldats une journée très dure dans la région de FROMENTIN où nous allâmes avec les artilleurs du 18ème RA et le 3ème bataillon de mon régiment aux prises avec la redoutable Katiba MENOUAR. Dans l'après midi, le combat faisait rage sur tous les pitons, dans le lit des oueds. Dans ma sphère je ne comprenais pas bien ce qui se passait. Ce n'était que canonnades, héliportages, rafales. Ma compagnie tuait un chef rebelle mort héroïquement mais elle perdait un homme. C'est ce jour-là que je vis tout un groupe de fellaghas ( sans doute fuyant devant nous ) qui avaient été abattus par une section héliportée de légionnaires. J'ai entendu dire par la suite que les corps des rebelles avaient été lapidés par les harkis. Je ne l'ai pas vu faire mais c'est possible. La guerre n'est pas toujours chevaleresque. Au cours de cette opération, la katiba MENOUAR avait été très éprouvée, son chef devait être tué un mois plus tard au cours d'une opération à laquelle je ne participais pas. Mon temps de service tirait à sa fin, j'avais aussi, il faut le dire, participé aux propagandes électorales et protégé le vote des autochtones.
CHALLES avait remplacé SALAN, la guerre se devait de prendre une autre forme. L'Etat-Major misait sur les commandos de chasse qui devaient surprendre les katibas au gîte. Ma compagnie voyait ses effectifs fondre un peu plus à cause de cela.
Le chef de bataillon me destina à la protection du phare du CAP TENES.... au bord de la mer, sur un rocher déchiqueté, j'allais avec mes compagnons de solitude, subir les tempêtes de printemps tout en demeurant sur un qui-vive de bon aloi. En effet, l'éloignement de toute troupe amie, le souvenir d'une embuscade meurtrière subie par les aviateurs quelques mois auparavant dans le coin, la faiblesse de mes moyens, la difficulté pour des renforts de parvenir en cas de coup dur, m'imposaient une vigilance non négligeable. Heureusement, ici, tout se passa bien.... Je me souviens d'un petit soldat arrivé à ma section après seulement 4 mois de classe. Quatre semaines après son arrivée, il avait déjà participé à deux actions de feu sérieuses. Je l'entends encore me dire:
' Si je dois faire deux ans comme cela, je ne suis pas sorti de l'auberge! '......... il n'y avait même pas de révolte dans sa voix.
Ce document est extrait du livre ' Témoignages ' édité par la FNACA en 1986, il est reproduit avec leur aimable autorisation.
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Posté Le : 11/12/2011
Posté par : Fadhel222
Source : http://www.22eme-ri-tenes-1956-1962.com/article-