Chlef - 05- La période Ottomane


Le Barberousse Kheir-Eddine, successeur de son frère Aroudj et fondateur de la Régence d’Alger organisa le pays en provinces (beyliks). La province d’Alger, dont nous ayons à nous occuper pour connaître un peu la situation de Ténès, à cette époque, s’étendait de l’Est à l’Ouest depuis Dellys jusqu’au territoire de ladite ville. Elle (la Province) comprenait généralement les villes côtières (Alger, Cherchell, Brechk, Ténès, Mazouna, Mostganem, et à l’intérieur, Blida, Koléa et Miliana.
Le territoire de Ténès constitua le poste oriental du royaume de Tlemcen (vassal d’Espagne) et de la limite occidentale de « Dar-Essaltane » d’Alger. La ville était commandée par un caïd turc qui recevait de la capitale une petite garnison pour répondre à l’administration des tribus des environs qui furent unies dans la longue série d’insurrections et de guerres contre l’occupant. Les principaux Cheikhs desOuled-Mohamed, Ouled-Boubaker et des Marabouts des Ouled-Sidi-Abou-Abdellah, qui ne devaient reconnaître que le district de Ténès, sympathisaient avec les Espagnols dans le but de récupérer leurs territoires dont ils ont été dépossédés.
Du côté Ouest, les Espagnols, pour attaquer Alger, cherchaient d’abord un allié parmi les rois de Tlemcen qui se disputaient la couronne. Abou-Abdellah-Ibn-Abderrahmane-Ben-Reddouane, étant devenu allié de l’Espagne, fut aidé à recouvrir son royaume par son aïeul Abderahmane-Ben-Reddouane avec l’intervention du gouverneur d’Oran, le comte d’Alcaudète. Ce dernier cherchait ensuite à faire rallier les principaux cheikhs du royaume aux côtés nouveau roi pour former des contingents et participer aux dépenses de l’expédition.
Du côté de Ténès, le cheikh le plus puissant était le Cheikh Hamida-El-Âbed qui a fait des offres de service à Charles-Quint.

ténès

Lettre du comte d’Alcaudète au cheikh Hamida qui avait fait des offres de service à l’Empereur Charles-Quint (Avril 1536) * :

« Très-honorable chevalier et renommé parmi les Maures, Kaïd Hamida, la réception de votre lettre et la venue de vos messagers m’ont rempli de joie. D’après ce qu’ils m’ont répété de votre part et ce que vous m’écrivez, j’ai compris que vous demandez le secours de l’Empereur contre vos ennemis, et que de votre côté vous ferez tout ce qu’il vous sera possible pour le service de Sa Majesté.
Afin que je sache bien ce que vous désirez et que vous soyez instruit de ce que nous attendons de vous, il convient que vous nous envoyiez ici quelques personnes de marque et de confiance, munies d’un pouvoir pour traiter en votre nom. Nous avons à conférer des choses suivantes : J’aurai besoin d’être renseigné au sujet des forces dont vous pouvez disposer pour l’entreprise d’Alger et des garanties que vous nous fournirez comme sûreté de votre parole. Je voudrais savoir aussi ce que vous demandez que Sa Majesté fasse pour vous, au cas où l’on se rendrait maître de cette place. Vous nous direz tout ce que vous avez appris par vos espions, si les habitants sont bien ou mal disposés pour Barberousse, si la ville est suffisamment approvisionnée, quel est le nombre exact des Turcs et des pièces d’artillerie, en un mot, tout ce qu’il vous paraîtra utile que nous sachions pour nous aider à chasser ce tyran du pays.
Vous pouvez être assuré que si, avec l’aide de Dieu, Sa Majesté s’empare d’Alger, elle fera la part que votre honorable personne mérite. En ce qui regarde le royaume de Tlemcen, je désire que vous deveniez l’ami et l’allié de Mouley Abdellah et de son aïeul Abd-Errahmane-Ben-Redouane, qui sont des bons serviteurs de Sa Majesté et ennemis de Barberousse. Je vous prie de vous rapprocher du territoire des Beni-Rachid, et, si cela est nécessaire, d’entrer dans le royaume et de vous joindre à Mouley Abdellah. Vous me ferez connaître, aussi brièvement que possible, ce que vous demandez pour nous rendre ce service. Je puis vous promettre que, Si Mouley Abdellah devient roi de Tlemcen, vous aurez en lui un bon fils et en moi un ami dévoué qui vous viendront en aide dans toutes les affaires du Levant et du Ponant.
*Archive de Simancas, revue africaine de 1875, pages 217 et 218.

En réponse à cette lettre, le caïd Hamida s’affirme en faveur de Ben-Redouane et de réaliser tout ce que lui demandait le comte. Il déclara en sus : « Si Sa Majesté se décide à faire l’expédition d’Alger, il promet, de donner 3.000 lances et de fournir aux troupes, à un prix raisonnable, tous les vivres dont elles pourraient avoir besoin. »
Une importante délégation fut envoyée également à Oran par le caïd auprès du comte d’Alcaudète en guise de témoignages de fidélité adressés à l’Empereur au sujet de l’expédition.

Contenu de la lettre * : »Louange à Dieu, Dieu seul est le plus fort. Au sultan élevé et puissant, le sublime et l’incomparable, le zélé et l’illustre ; digne d’action de grâce, le très-célèbre et le très-majestueux, notre conquérant et notre maître, le seigneur, le sultan, l’empereur, que Dieu lui accorde la victoire, et élève sa puissance et sa souveraineté au-dessus de tous les monarques de l’univers ; De la part de vos serviteurs qui baisent la terre sous vos pieds fortunés, vos domestiques, le Cheikh Mohamed Benyoucef essoudi et Âbed l’Algérien essoudi ;
Après avoir adressé le salut à votre sublime Altesse, ô notre maître, que Dieu vous accorde son appui (sachez que) nous sommes venus dans cette ville d’Oran auprès de votre serviteur le Kaïd Bedren Ou-Derga Dr’oudouï et de votre serviteur le corregidor (Le comte d’Alcaudète), députés de la part de nos frères le Cheikh Hamida-El-Âbed, de la totalité des Ouled-Mohamed et des Ouled-Boubaker.
Nous avons avec nous des chevaux et des cavaliers en nombre considérable s’élevant au chiffre de deux milles solides chevaux. Nous sommes vos serviteurs et votre armée (prête à marcher) soit vers l’occident soit vers l’Orient ; par Dieu nous voulons être vos troupes sur la frontière d’Alger et autres lieux ; oui par Dieu très haut.

Les Marabouts des Ouled-Si-Bou-Abdellah (Il s’agit ici de Sidi- Bouaâbida de Chleff), Sidi-Mohamed-Afghoul et Sidi-Amar (les deux fils de Sidi-Bouaâbida) ; sont également à votre service ; Dieu vous rende victorieux.
Nous tous mourrons pour vous servir, à nous mettre à votre disposition, nous avons devancé tout le monde. Mais nous désirons de Dieu et de vous (Dieu vous accorde la victoire) que vous nous donniez des ordres pour que nous soyons récompensés lorsque nous vous servons avec dévouement, ainsi que vous le feront connaître le Kaïd et le Kadi d’Oran, ainsi que le Cheikh. Ils n’ont pas écrit à Votre Haute Majesté, à notre sujet ; c’est nous qui le faisons ; mais, nous Arabes, nous n’avons personne qui (sachant bien écrire) nous empêche de rougir d’une lettre (mal écrite).
Nous n’avons rien d’autre à ajouter, si ce n’est que nous demandons à Dieu exalté de réduire sous votre autorité et à vos pieds le restant de l’univers. »
Salut à votre sublime Majesté.
D’Oran, le premier jour de l’Aïd le Béni.

*Archive de Simancas, revue africaine n° 17 de 1873 ; pages 316,317 et 318.
Pour rappel, les Marabouts des Ouled-Abou-Abdellah (Mohamed-Afghoul et Amar qu’on appelle aujourd’hui Sidi-Maâmar), indiqués dans la lettre ci-dessus, sont les fils de Sidi-Bouâbida de Chleff. Quant à Sidi-M’hamed-Ibn-Abderahmane dit « Sidi-M’hand Aklouche de Badhi » à Messelmoun, ses deux fils, Sidi-Aïssa-Ibn-M’hamed de Oued-Sebt et Aklouche-Ibn-M’hamed de Handla dit également « Sidi-M’hand-Aklouche-Ouahfir », sont tous les descendants de seconde noce du grand Marabout de Sidi-Bouaâbida.
Nous confirmons ce qui est susdit par la transcription d’un parchemin indiquant ci-dessous la parenté du grand Marabout de Sidi-Bouaâbida.

بسم الله الرحمان الرحيم صلى الله على سيدنا محمد و على أهله.

قال ا لشيخ الوالي الكامل التقي الزكي العامل في زمانه وإمام عصره المطلع على علم الحقيقة بعد تدريعه في علم الشريعة سيدنا ومولان أبو عبد اللهالملقب المغوفل بن واضح بن عثمان ابن عيسى بن فكي و بن القاسم بن عبد الكريم بن محمد بن عبد الله بن أحمد ابن عبد الواحد بن محمد بن عبد السلام بن مشيش الحسن رضي الله عنهم و نفعنا بهم و هو ابوعبدالله الذي نور به نهر شلف و بقا رمحه ورضتهما وزهتهما تلك النفايع بضمه وعضمت و حارت الفضل من غيرها فين كدت صلى الله عليه و سلم على خير مخلوقاته سيدنا محمد بن عبد الله صلى الله عليه و سلم تسليما و بعد / سيدنا محمد أبو عبد الله خلف ستة أولاد وأنثى أكبرهم سيدنا محمد افغول و سيدنا عمار و سيدنا يحيا هذا نقل إلى بلاد الترك و أما سيد غلام الله و سيد عطية الله وسيد الخياط وسيدتنا مريم وأما سيد غلام الله أبو شملة بلقب نداد لزهدته في الدنيا وكان من أهل الإغاثة رضي الله عنه وهو خلف ثلاثة أولاد أكبرهم سيد عبدالرحمان و سيد عبد الرحمان خلف ولد : سيدى محمد بن عبد الرحمان خلف سيدىا عيسى وسيد عيسى خلف سيد بن يوسف و سيد بن يوسف خلف سيدي ريتون والسيد ريتون خلف بن يوسف خلف سيدي القرش خلف محمد و محمد خلف بن يوسف وسيدي بن يوسف خلف ريعن خلف عبد القادر خلف ريعن أللذي هينا هن هذا التوصيل و صلى الله على سيدنا محمد و على اله وصحبه و به عبد ربه إلى أخري عبدا العبد اليقين محمد المقدم بن عبد انسبا أصلا ويقين .سيدنا محمد أبو عبد الله نفعنا الله والجميع أحبابه فين كانت و رزقنا لنا برهانه آمين.آمين. آمين و بتاريخ ربيع الأول يوم 6 عام 6 118هجري.الموافق ل 1772.07.08 ميلادي.
و أما سيدنا محمد أبو عبد الله رضي الله عنه.آمين له زوجتان أكبرهم سيدتنا محجوبة بنت سيد يوسف بآي تطري أولادها أكبرهم سيد محمد أفغول و أخيه سيدي عمار و سيد يحيى و ها هنا أولادها و أخته سيدنا مريم.
و أما سيد غلام الله وأخيه سيد عطية الله وأخيه سيد الخياط وهاهنا وأمهم سيدتنا خديجة بنت أولاد ميمون الله أرزقنا رظاهم .آمين.

Cependant, l’expédition n’a eu lieu n’a eut lieu qu’en 1541. Bien que commandée par l’Empereur lui-même, cette expédition a abouti à une défaite comme celles de Diego de Vera (1516) et d’Hugo de Moncada (1519). Après cet échec, les Espagnols renoncent définitivement à conquérir l’Afrique du Nord comme ils l’envisageaient ; ils ne conservent qu’Oran et Mers-El-Kébir. Les Turcs sont devenus maîtres du reste du pays, ils installèrent d’abord leur beylik à Mazouna, puis à Mascara, enfin à Oran en 1799. La province était divisée en tribus et en douars administrés par des caïds et des cheikhs jusqu’à la période française.


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