Quand nous l’avons rencontré chez lui en face de la superbe «Grande plage» de Ténès, volubile et gesticulant, il portait un polo à rayures et un panta-court. Noyé dans un immense brouhaha venant de la côte et donnant l’air d’un estivant lambda, mon compagnon, après maintes hésitations, m’assurait qu’il s’agit bel et bien du directeur de l’Institut euro-méditerranéen de l’environnement des énergies renouvelables, en l’occurrence Abene Abderrahmane.
Il nous mène de go chez lui, au quatrième étage, pour nous mettre à l’épreuve de ses prouesses synergétiques en matière d’innovation dans le domaine des énergies renouvelables. Téléviseur en marche, réfrigérateur, ventilo, poste radio et un repas poissonneux bien chaud préparé sur une simple résistance électrique qui fonctionne avec une énergie hybride, solaire plus éolien.
«Je pense que c’est la première maison privée fonctionnant avec une énergie hybride propre en Algérie, en Afrique et même dans le monde arabe», débite-t-il, la voix résonnante.
Il se targue même de consacrer une portion de son énergie hybride pour éclairer les cages d’escalier des quatre étages.
«Je ne suis branché ni au réseau d’électricité de la sonelgaz ni au réseau de gaz, tout est solaire et éolien chez moi», atteste-t-il.
Il y a quelque mois, la maison solaire de Abene Abderrahmane est passée au 220 volts avec de surcroît une immense capacité de stockage de l’énergie évaluée à quelque 180 wattheures.
«Regardez, du 22 juin à la fin du mois d’août je n’ai consommé que 13% de l’énergie stockée. Cela veut dire que mon installation fonctionnera à longueur d’année sans aucun risque de rupture de stock en matière d’énergie. Je note que la recharge d’énergie est possible même de nuit au clair de lune ou même en cas de très forte nébulosité», explique-t-il.
Une deuxième prouesse: de l’eau chaude en H24 et à longueur d’année et même en période hivernale. Cela est possible grâce aux capteurs thermiques installés sur la toiture de la maison solaire hybride de Ténès.
Les valises solaires et le plan orsec
Abene vient de concevoir la troisième valise solaire dite de type trois et qui a une durée d’autonomie de six mois. Cette valise de dimension très réduite, portative et transportable sur une simple brouette, peut être utilisée en cas de catastrophe naturelle suite à une coupure généralisée survenue sur le réseau d’électricité ou en cas de situations conflictuelles, dans les postes avancés, surtout dans le domaine des transmissions.
La communauté des nomades peut aussi tirer profit de cette valise solaire, étant facilement transportable sur le dos des chameaux.
«C’est le fruit d’un quart de siècle de recherches. Une seule valise solaire peut alimenter à la fois trois appareils, par exemple une TV, un ventilo, et trois ou quatre lampes à incandescence. Son prix est facilement amortissable au bout de quelques années, le reste et avec une maintenance très rudimentaire vous avez de l’énergie gratis des dizaines d’années durant», explique Abene Abderrahmane.
Toutes les valises solaires, de type un, deux ou trois sont brevetées en Europe et restent sans aucune reconnaissance en Algérie, se désole-t-il. Elles fonctionnent sur les deux réseaux 24 et 220 volts. Sa déception est à son paroxysme quand il s’étale sur ses moult tentatives de joindre les responsables. Las, il dit avec regret: «J’ai frappé à plusieurs portes de responsables, mais on n’a même pas daigné me recevoir! Les hommes d’affaires en Algérie préfèrent plutôt acheter des hôtels en Europe et investir dans les fast- foods que de promouvoir la substance grise algérienne.»
Ce chercheur, qui se considère comme un naïf derviche tant son honnête spontanéité subjugue ses interlocuteurs, jure par tous les dieux qu’il veut tout simplement mettre sa modeste expérience dans le domaine des ENR (énergies renouvelables) et le développement durable au service de son pays.
«Attention, parce qu’il y a beaucoup d’arnaque et de charlatanisme surtout dans le domaine de l’installation des panneaux solaires», avertit-il en substance.
Son projet actuel, un four solaire qu’il veut mettre au point en 2014. Sur le plan officiel, le professeur Abene fait savoir que les concertations sont en phase avancée entre le ministère de l’Enseignement et de la formation professionnelle et celui de l’agriculture pour la création des Instituts de l’agriculture, de l’environnement et du développement durable dans une quarantaine de wilayas. Son expérience, espère-t-il, sera appelée à être mise au service des stagiaires.
De la bureaucratie à vous bourrer le crâne!
Le casse-tête des équivalences bloque la caste intellectuelle algérienne de revenir au pays.
«Je ne comprends pas comment un professeur en médecine, électronique, etc., qui a encadré des doctorants, qui a à son actif des publications et de l’expérience, une fois de retour dans son pays on lui demande de présenter un diplôme d’équivalence. C’est l’ironie du sort !», se révolte-t-il.
Ce professeur qui a été directeur de thèse de 12 doctorants et qui sont maintenant professeurs d’université en Algérie plaide aussi pour la coexistence des deux systèmes, classique et LMD. Il propose le système LMMD (licence, master, magister et doctorat).
«Après deux ans de master, l’expérience nous a fortement démontré que les étudiants ne sont pas assez aguerris pour entamer le doctorat», plaide t-il.
Nous avons quitté Abene, mais avertit-il: «ma besace est encore pleine d’idées à faire craquer les esprits inertes, pourvu que nos responsables se départissent un peu des pesanteurs de l’ordre établi.»
Mohamed Abdelli
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Posté Le : 11/09/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Mohamed Abdelli
Source : El Watan.com du samedi 7 septembre 2013