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LE TRAIN ORLEANSVILLE - TENES



LE TRAIN ORLEANSVILLE - TENES
Les moyens de communication ont toujours été un des problèmes majeurs que les gouvernements ont eu à résoudre. Les routes, certes, étaient la priorité. Mais établir une voie carrossable demandait souvent des années compte tenu du relief et des ouvrages d'art, et les charrois étaient lents ! Il y avait aussi les navires qui reliaient tous les ports de la côte. Pour certains d'entre eux ce fut, les premières années, pratiquement le seul, ou tout du moins le meilleur moyen de communication.
Je pense à TENES dont les routes côtières le reliant à MOSTAGANEM et ALGER ne furent carrossables que plus d'un demi-siècle après sa création, et dont le port fut longtemps le poumon d'ORLEANSVILLE et du CHELIFF avec comme artère vitale, la route.
Aussi, dès 1 844, l'ingénieur en chef Edouard de REDON proposa déjà un chemin de fer d'ALGER à BLIDA.
En 1 854, un groupe de ''capitalistes'' sollicita la concession d'un réseau complet comprenant naturellement la ligne ORAN - ALGER - CONSTANTINE - BÖNE, une ligne isolée TLEMCEN - MASCARA par SIDI BEL ABBES et un ensemble d'embranchements sur MOSTAGANEM, TENES et BOUGIE.
Le Gouvernement chargea le Général du Génie de CHABAND-LATOUR d'étudier l'implantation de la ligne de chemin de fer en Algérie. Celui-ci, dans le préambule de son rapport, affirmait :
" Une nécessité de l'installation de la Colonisation est l'ouverture préalable de bonnes voies de communications qui permettent aux colons d'exporter leurs produits vers le littoral. "
James DE ROTSCHILD sollicite la totalité du futur réseau.
Le décret du 08 Avril 1857 constitue l'acte de naissance du futur chemin de fer en Algérie. Celui-ci, dans l'énumération des villes à desservir, mentionne la ligne ORLEANSVILLE - TENES.
Il faudra pourtant attendre encore huit ans pour que la première voie ferrée ALGER - BLIDA soit ouverte au seul trafic voyageurs.
Enfin, une loi, le 18 Juillet 1 879, prévoit la construction, entre autres, d'une voie ferrée de 58 km entre ORLEANSVILLE et TENES.
Mais, comme toujours, entre la décision et la réalisation … le temps passe ! Ce furent les Conseils Généraux qui financèrent la construction des lignes concédées pour exploitation à des compagnies ferroviaires. Celles-ci se multiplièrent pendant les premières années … et l'écartement des rails aussi !
Enfin en 1907, après l'intervention du Gouverneur Général JONNART :
" Le chemin de fer en Algérie n'est pas seulement un moyen de transport, c'est un instrument de peuplement et de sécurité. Il est le meilleur auxiliaire de la politique nationale. "
La création de la ligne est budgétisée et concédée au C.F.R.A. (Chemin de Fer sur Route d'Algérie), la même compagnie qui desservait entre autres le SAHEL algérois : GUYOTVILLE, STAOUELI etc. et que nous avons connu pour ses trams rouges d'ALGER, des DEUX MOULINS à MAISON-CARREE.
Une petite parenthèse pour signaler que sur la ligne ORLEANSVILLE - ALGER, le fameux tunnel du ZACCAR était, avec ses 2 312 m , le plus long d'Algérie. Et, pour la petite histoire, lorsque j'étais enfant, on le citait comme le tunnel d'Adélia. Ce nom fut le premier de MILIANA et lui avait été attribué car c'était le prénom de la fille du Maréchal BUGEAUD.
Revenons à notre train. Déclaré d'utilité publique le 19 Septembre 1 905, il fut ouvert au trafic le 1er Avril 1 910. Entre temps , la concession était reprise par la Compagnie des C.F.A.E. (Chemins de Fer Algériens de l'Etat).
Le tracé, s'il partait tout naturellement de la gare d'ORLEANSVILLE et débutait par un tunnel (1) franchissait le Chéliff beaucoup plus en aval que la route, sur un viaduc de 205 m, pour aller couper la route de RABELAIS après l'embranchement de TENES et suivre l'Oued OUARHANE jusqu'aux HEUMIS. La voie suivit alors un tracé différent de la route pour aboutir, après le col de KHERBA, franchi par un tunnel dit de BOU BAARA, de 1 293 m, le long de la route FLATTERS - MONTENOTTE. Une fois ce village passé, elle traversa les gorges sur le côté opposé à la route dans une succession de tunnels que nous avons tous en mémoire et pour aboutir dans la vallée de l'Oued ALLALA, près du port de TENES.
Les gares furent , après le départ du chef-lieu : WARNIER, LES HEUMIS (qui desservait les villages de FLATTERS, HANOTEAU, FROMENTIN, CHASSERIAU), ANSEUR-EN-NEHAS (les sources du cuivre) (qui desservait les villages de CAVAIGNAC et MONTENOTTE), une halte au VIEUX TENES et enfin, le terminus.
J'ignore les résultats d'exploitation de ce chemin de fer mais il rendit service tant au point de vue voyageurs, le trajet durant 2 heures à 2 heures et demie, que pour les marchandises importées par TENES et la production agricole exportée (vins et céréales).(2) Mais il ne dura pas assez longtemps pour rentabiliser l'investissement et, à mon avis, s'il avait été véritablement bénéficiaire, il aurait duré davantage.
L'erreur des concepteurs fut d'avoir négligé les fureurs imprévisibles des oueds algériens et de ne pas s'être méfiés de l'Oued OUARHANE. Celui-ci, lors des mémorables inondations de 1 927, détruisit la voie du côté de WARNIER. Cela suffit à porter un coup fatal à notre train. Il avait pourtant tous ses autres ouvrages d'art intacts et il ne s'agissait que de voie et de terrassement !
Mais la route et l'automobile avait déjà terriblement progressé au détriment de ce moyen de communication plus lent et plus … salissant !

Luc TRICOU - Mai 1 995.

(1) Vous en souvenez-vous Alain MERLE et Robert TRANCHANT ce que nous avons joué dans ce tunnel ?

(2) NDLR : le minerai de l'OUARSENIS arrivait aussi à Ténès.



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