Chlef - Beni Haoua

Francis Garnier, Le naufrage devenu légende



Une montée en lacets nous amenait au Col dit de Tizi Youlas permettant une vue magnifique sur la baie des Souhalias.
La route descendait dans la vallée de l'Oued Goussine, puis longeait le rivage.
Sur la plage, une ancre marine, témoignage du passé vient nous rappeler le naufrage du "Baunel" et la légende de "Marna Binett" ancre ayant servi à établir le va-et-vient du Baunel en 1803.
Aujourd'hui Fancis Garnier a retrouvé son ancien nom de Béni-Haoua, une région accueillante de la région de
Ténès. Elle est, par excellence, le coin de la nature avec ses longues plages inondées de soleil et ses forêts magnifiques. Le visiteur est subjugé par la beauté du paysage et le calme qui caractérise ce lieu tout au long de l'année. De découverte en découvertes, nous avons fini par recueillir les échos concernant la légende de "Marna Binett" et du naufrage du "Baunel".
Ce ne fut pas aussi facile comme certains pourraient le penser, car au cours d'une randonnée à travers la commune, particulièrement dans les zones rurales, les langues n'ont pas voulu se délier.
Les vieux ont gardé le secret du naufrage du Baunel, au large des Souahlias tout près de Francis Garnier.
Aussi, avons-nous utilisé les regroupements des bribes recueillies auprès de certains pour raconter le naufrage du vaisseau.
Pour mieux situer la scène, nous avons choisi le mausolée dans lequel repose "Mama Binett" et plusieurs de ses disciples.
Nous avons grimpé le long d'une falaise parsemée d'arbres aux essences aromatiques pour déboucher sur une petite place surplombant la belle bleue.
Le bâtiment, d'une superficie de plus de 70 mètres carrés, au demeurant très vétuste n'accroche pas réellement le regard.
Le tremblement de terre du 10 octobre 1980 ne l'a pas épargné. En effet, le dôme du mausolée a été arraché et repose tout près du précipice.
A l'intérieur, nous constatons que les murs sont lézardés
sur toute leur largeur sans oublier la présence de 6 pierres tombales peintes en blanc. Ici, les traces de l'obscurantisme sont caractérisées par les dévôts.
Au fond du mausolée, nous apercevons, dans une pièce obscure, la tombe de "Mama Binett" et ses compagnes construites en marbre.
Une inscription en arabe et français donne quelques indications. Nous relevons : "Ici, repose la Mère Binett, victime avec six compagnes religieuses du naufrage du "BAUNEL"en 1802.
Le voilier qui venait de Toulon faisait route vers l'Amérique. Les gens du village se souviennent encore de l'ancre et des canons du bâteau échoués sur la plage.

L'ensemble des nonnes a été recueilli par la population et elles furent de bonnes épouses.
"Marna Binett" qui s'était convertie à l'Islam fut vénérée. On lui a même prêté les miracles les plus extraordinaires et fit partie de la djemaâ des sages chargée du règlement pacifique de tous les différents entre les douars.
UN MYSTÈRE ENTIER
Toujours est-il que la légende, vraie ou fausse, continue de polariser l'attention.
Un document conservé à la mairie relate dans les moindres détails les péripéties du Baunel.
Nous les reprenons sous toute réserve, car les matériaux sur lesquels nous avons travaillé ne peuvent en aucune façon être considérés comme une thèse définitive. Le mystère du Baunel reste entier.
Dans une lettre adressée au Dey d'Alger Mustapha, le chargé d'affaires français, Dubois -Thinville, faisait part de la perte du Baunel. "Le vaisseau français portant 200 marins, 529 militaires et ? femmes ayant à son bord des munitions de guerre s'est perdu le 25 nivôse dernier sur vos côtes..."
Le 12 août 1802 le Dey répond au général premier consul en lui faisant savoir que Dieu a disposé du sort des personnes jetées sur la côte à la uite d'un naufrage.
Un ancien voulant reconstiuer l'histoire telle qu'on lui a racontée depuis son jeune âge, nous a fait le récit suivant :"C'était en 1798, la France avait des difficultés pour mater
une insurrection en Louisiane. Un bâtiment... pour anéantir le
soulèvement avec à son bordes soeurs, toutes des jeunes,
pour supporter les risques du voyage et résister aux maladies
contagieuses.
"Parti de Toulon, le navire, un voilier fut pris au large de
Ténès dans une violente tempête avant d'échouer dans la baie des Souahlias, aujourd'hui commune de Francis Garnier. Les naufragés sauvés furent dirigés à Ténès, tandis que les
nonnes furent de leur côté , recueillies par les habitants.
"Ces femmes, des nonnes hollandaises se marièrent par la
suite, excepté une Mère Supérieure "Marna Binett", qui prodigua ses soins aux habitants. Les services qu'elle leur a rendus lui valurent une grande estime, si bien qu'à sa mort chaque village formula le voeu d'accueillir dans son cimetière la dépouille". Mais depuis, les temps ont changé l'ère des
zaouias étant bel et bien révolu.
Les courants de pélerins subissent des variations, car la légende de "Mama Binett" s'oublie et le sanctuaire vit un peu sur sa gloire passée ; le sommeil a gagné la mémoire.
A vrai dire, je n'ai rien compris de toute cette histoire.
Vénère-t-on réellement " Mama Binett", les lieux, " le génie qui habite le lieu", la force vitale dont les arbres constituent l'expression, l'ancienneté d'une vie accumulée ou la beauté mystérieuse de ce coin qui vous permet de rêver en face de cette mer au bleu majestueux.
C'est un sacré mélange d'admiration, de peur, de désir et de dévotion.

René SEMMAD





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