Entretien r?alis? par Nadia Salmi
Le pr?sident du FNA (Front national alg?rien) Moussa Touati a, dans cet entretien qu?il nous a accord?, pass? en revue les questions br?lantes de l?actualit? nationale, notamment celle de la fraude aux ?lections l?gislatives du 10 mai prochain. Il est convaincu du changement qui sera d?essence populaire mais n?exclut pas que ce sera une t?che devant requ?rir une grande vigilance tant que c?est la m?me administration qui m?ne le bal.
Le Soir d?Alg?rie : avez-vous finalis? vos listes pour le scrutin du 10 mai '
Moussa Touati : Nous sommes en pleine pr?paration des listes des candidats aux prochaines ?lections selon des crit?res bien d?finis. Ils seront issus des quatre conf?rences r?gionales. Le choix revient ? la base militante. La direction ne s'ing?rera pas dans l'?tablissement de ces listes. Elle cautionnera le choix de la base en toute d?mocratie. Notre seule ambition est de conforter notre pr?sence parmi les simples citoyens. Notre objectif est de faire de notre parti un parti populaire et non un parti ?litiste ou inf?od? ? quelque partie que ce soit.
Vous avez souvent des d?m?l?s avec le minist?re de l?Int?rieur, pourquoi ' Vous sentez-vous cibl? '
Le fait que nous soyons opposants nous attire beaucoup d?ennemis. Nous ?uvrons au v?ritable changement et cela d?plait. C?est pour cette raison effectivement que notre parti est cibl?. On a essay? de nous casser ? l?approche des ?ch?ances ?lectorales. On nous a cr?? des dissidents pour nous dessouder. Il y a eu un pr?c?dent en 2008. Le wali de A?n Defla de l??poque, qui est actuellement wali de Tlemcen, a accord? une autorisation ? de pseudo-dissidents pour l?organisation d?un congr?s sans qu?ils aient fourni un dossier complet. Nous nous sommes d?plac?s sur le lieu o? devait se tenir le rendez-vous, mais nous n?avons trouv? personne. Ils ont eu vent de notre venue. Le hic, c?est que le wali en question a assur? leur transport et leur h?bergement. Ils ?taient une trentaine, nourris et log?s dans sa r?sidence. Quand nous avons pr?sent? un rapport de ce qui s?est pass?, nous nous attendions ? ce que le minist?re de l?Int?rieur sanctionne le haut responsable, mais rien n?a ?t? fait. Et voil? qu?on a recommenc? r?cemment, en utilisant les m?mes man?uvres. Mais cette fois-ci ? Boumerd?s o? le wali de cette localit? a d?livr? une autorisation en moins de 24 heures ? des soi-disant dissidents du FNA. Nous avons men? notre investigation et nous avons appris qu?elle a ?t? sign?e chez l?un des demandeurs. Le wali de Boumerd?s a-t-il averti sa tutelle ' Et sur quelle base cette autorisation a ?t? d?livr?e ' Nous sommes la troisi?me force politique du pays, et si nous devons tenir un congr?s, ce ne sera certainement pas dans un h?tel. L?autorisation a ?t? finalement annul?e. Le wali a enfreint les lois en vigueur alors qu?il est cens? ?tre celui qui doit veiller ? leur respect. La v?rit? est que nous n?avons pas de dissidents mais des exclus du parti soit par la commission disciplinaire, soit par voie judiciaire ou sur d?cision du congr?s. Il y a eu ?galement des d?missions. Ceux qui se font passer pour des dissidents ne d?passent pas 45 personnes. Le probl?me n?est pas celui des dissidents mais bien de l?administration qui les instrumentalise pour casser et affaiblir le FNA.
Les contestations continuent de fa?on sporadique en d?pit des mesures d?apaisement ?conomiques et politiques qui ont ?t? mises en place. Actuellement, beaucoup d?entreprises cr??es par les jeunes dans le cadre des dispositifs pour l?emploi mettent la cl? sous le paillasson ? cause des dettes et du manque de plans de charges. Quelle analyse faitesvous de la situation '
Le basculement du socialisme vers le lib?ralisme irrationnel a profit? ? une poign?e de personnes et consacr? l??mergence de monopoles. Aujourd?hui, nous sommes face ? une ?conomie renti?re bas?e sur l?import- import. Au lieu de pr?server ce dont nous disposons comme soci?t?s viables, le syst?me a au contraire proc?d? ? leur destruction. R?sultat, nous avons des entreprises fictives, des hommes d?affaires qui n?ont aucun lien avec l?entreprise et une absence de visibilit? ?conomique induite par une anarchie de laquelle il est difficile de sortir. Un v?ritable syst?me ?conomique ne se construit pas sur les ressources souterraines appartenant aux g?n?rations futures mais sur une capacit? ? produire et innover en s?appuyant sur les ressources humaines. Ces mesures, ? mon sens, ne sont que bricolage et repl?trage. C?est un moyen comme un autre pour faire taire une partie de la population et faire oublier les probl?mes de fond. Ces m?canismes, ? long terme, vont consolider la bourgeoisie. C?est dans ce climat de d?sordre que l?Etat alg?rien va instituer le capitalisme sauvage en cr?ant une soci?t? ? deux coll?ges. D?un c?t?, les pauvres, et de l?autre, les riches. La classe moyenne sera lamin?e, d?ailleurs cela a commenc? il y a quelques ann?es d?j?, depuis 1982, nous en sommes ? la phase finale. L?objectif est de d?truire un syst?me pour reconstruire un autre qui ne sera certainement pas populaire, ni social mais consacrera le pouvoir de l?argent. Pour revenir aux dispositifs d?emplois pour les jeunes, c?est une petite rente avec laquelle on veut neutraliser les contestataires, mais bient?t le Tr?sor public souffrira de ces d?penses tr?s lourdes. Les jeunes, pour leur majorit?, ne remboursent pas leurs dettes car ils ont du mal ? trouver des march?s. On ne donne pas de contrats aux petites entreprises et encore moins ? celles manag?es par les jeunes. Cons?quence, ils finissent par fermer en laissant des dettes. D?ailleurs, qui rembourse ses dettes en Alg?rie ? part les travailleurs salari?s ' Nous disons stop ! Il faut que cela change. Nous ne pourrons plus continuer de cette fa?on. Tant qu?il n'y a pas une v?ritable justice sociale et un climat d?affaires o? ne r?gnent pas la corruption et le passe-droit, on ne peut pas assurer une vraie ?conomie bas?e sur la productivit? et la promotion des comp?tences nationales.
A votre avis, les r?formes politiques engag?es par le pr?sident de la R?publique et vot?es par l?actuel Parlement sont-elles garanties sachant que des textes de loi ont fait l?objet de rejet par certains partis de l?opposition y compris le v?tre '
Cela fait cinquante ans qu?on nous ressasse cette histoire de r?formes politiques. Ce qui nous d?range au FNA, c?est qu?on a ?labor? les lois organiques avant le texte fondamental ; or, il fallait inverser les choses. La Constitution doit ?tre la premi?re mouture ? ?tre pr?sent?e au peuple et ? ses repr?sentants. Mais encore faut-il que ceux qui si?gent au Parlement soient r?ellement ses repr?sentants. Malheureusement, ce n?est pas le cas. Nous avions demand? la dissolution de l?APN, le changement du gouvernement par un autre qui soit dirig? par des technocrates et ?laborer une nouvelle Constitution qui d?finit le syst?me et les misions des institutions. Nous ne sommes pas le seul parti ? l?avoir demand?. Mais l?opposition en Alg?rie est tr?s faible. Cela fait cinquante ans qu?elle est sur la touche. A ce jour, elle n?a ni chang? ni redress? la situation. Pour notre part, il aurait ?t? facile de d?missionner, mais nous refusons de quitter le navire. Nous ne faisons pas de l?opposition passive. Nous devons voir ce qui se trame ? l?int?rieur et non rester en marge en tant que spectateurs. Il est vrai que certaines r?formes ne sont pas ? la hauteur des aspirations de ce que nous voulons en tant que R?publique moderne et d?mocratique. Nos 24 d?put?s ont rejet? le code communal car il transgresse la Constitution. Nous avons envoy? des correspondances aux hautes instances de l?Etat y compris au Conseil constitutionnel et au pr?sident de la R?publique, en vain. Il est vrai que c?est une bataille ardue et beaucoup se demandent pourquoi nous n?arrivons pas ? faire aboutir des propositions de textes ou encore ? faire valoir nos pr?rogatives de contr?le. C?est tout simplement parce que les partis d?opposition sont minoritaires au sein du Parlement. Nos propositions et nos actions sont syst?matiquement bloqu?es par les partis du pouvoir qui sont majoritaires ? l?assembl?e. Certains disent qu?on pouvait toujours nous retirer si nous n??tions pas d?accord, mais si nous avions d?cid? de d?missionner avec des d?put?s d?autres partis, cela n?aurait servi ? rien, on nous aurait remplac?, idem pour les P/APC, le minist?re de l?Int?rieur d?p?chera des d?l?gu?s communaux (DEC), jusqu?au prochain scrutin. Les lois sont faites de fa?on ? prot?ger le r?gime. En outre, nous ne sommes pas pour la politique de la chaise vide. Quant aux r?formes, on pense qu?elles ont ?t? engag?es sans suivre une chronologie logique. Elles ont ?t? chapeaut?es par la commission pr?sid?e par Bensalah, le pr?sident du S?nat qui est un homme du syst?me. C?est ?la sosie? de celle install?e en 1996 pour le dialogue national et qui a abouti ? la Constitution du temps du pr?sident Liamine Zeroual. Abdelkader Bensalah y ?tait aux c?t?s du g?n?ral Touati, le g?n?ral Derradji, Youcef El Khatib et d?autres personnalit?s. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi on a repris la m?me formule alors que l?exp?rience a ?t? un ?chec. On nous dit que la Constitution sera r?vis?e apr?s les ?lections l?gislatives et on ne sait pas encore de quelle couleur elle sera. En ce qui nous concerne, il faut laisser au peuple la libert? de choisir et non pas parler en son nom sans ?tre mandat?. Il faut que le peuple ait un syst?me ? sa disposition et non l?inverse. Il est vrai qu?il y a des points positifs et nous pensons que les prochaines ?lections constituent une opportunit? pour forcer le changement et contribuer ? consacrer la souverainet? populaire pour peu qu?on r?prime toute vell?it? de fraude.
Vous semblez ?tre traumatis? par une ?ventuelle manipulation du scrutin alors que la Commission nationale de surveillance des ?lections l?gislatives compos?e de magistrats vient d??tre install?e Vous avez fait savoir que vous n??tes pas rassur?s alors vous proposez un logiciel contre la fraude. Parlez-nous-en...
Notre parti a ?t? victime de la fraude en 2002 et 2007. Maintenant, la question que nous posons est la suivante ; est-ce que ces magistrats vont assumer leurs responsabilit?s en toute libert?' Seront-ils neutres ' Vont-ils subir des pressions ou des injonctions ' Nous ne sommes pas s?rs, car les organisateurs des prochaines ?lections sont les m?mes que ceux qui avaient organis? les ?ch?ances pr?c?dentes et qui avaient d?tourn? la volont? du peuple. Le pr?sident de la R?publique s?est engag? ? mettre en place des m?canismes efficaces et des lois qui r?primeront s?v?rement les fraudeurs, mais il faut des actes et pas uniquement des assurances verbales. Le peuple est fatigu? de ces pratiques moyen?geuses. C?est pour cette raison que nous estimons qu?il est temps de changer les proc?dures. Il faut ?tablir le vote ?lectronique. Il s?agit de la num?risation des bulletins de vote et de leur verrouillage par un code secret. Chaque bulletin aura ainsi son num?ro de matricule, son code secret, mis ? la disposition des partis politiques et autres observateurs. Il faut ?galement installer des cam?ras de surveillance dans les 53 000 bureaux de vote. C?est le meilleur moyen de contrer la fraude et pour que les ?lecteurs aient confiance et puissent aller voter en masse le 10 mai prochain. Daho Ould Kablia a parl? de 21 millions d??lecteurs, c?est une aberration ! Et puis comment va-t-il proc?der concr?tement pour que ce nombre exorbitant puisse voter en une seule journ?e ' A quoi r?pond ce chiffre ' nous interrogeons-nous. On peut donc ais?ment imaginer qu?on a rajout? 3 ou 4 millions d??lecteurs de plus pour gonfler les r?sultats des ?lections et s?accorder une marge de man?uvre pour les manipuler. A cet effet, nous venons de d?poser une offre de service au minist?re de l?Int?rieur du logiciel anti-fraude, fait par de jeunes inventeurs alg?riens. Nous n?avons pas encore re?u de r?ponse mais nous allons voir si les autorit?s sont pr?tes ? jouer le jeu de la transparence comme ils le pr?tendent. Aujourd?hui, dans les pays d?mocratiques, c?est le vote ?lectronique qui est de mise. Cela permettra aux ?lections d??tre propres et honn?tes du d?but jusqu?? la fin du scrutin.
Il y aura ?galement des observateurs ?trangers pour constater de visu le scrutin, quel est votre avis ? ce sujet '
Pour nous, ces observateurs ?trangers ne sont pas capables d?assurer la surveillance de 48 wilayas et leurs 1541 communes, ils ne peuvent couvrir qu?? peine 5 ou 6 wilayas. Ce sont les Alg?riens eux-m?mes qui doivent assurer le bon d?roulement des ?lections dans les 53 000 bureaux de vote. La pr?sence de ces observateurs ne pourra pas emp?cher la falsification des r?sultats au soir du 10 mai.
On a remarqu? la pr?sence, lors d?une de vos sorties m?diatiques, du chef du MSP Aboudjerra Soltani ainsi que des cadres d?En Nahda. Doit-on conclure que vous allez contracter des alliances avec des partis islamistes '
Nous les avons invit?s avec d?autres partis qui n?ont au passage pas r?pondu ? notre invitation pour leur pr?senter le logiciel antifraude dont je viens de parler. Nous n?envisageons pas de conclure des alliances pour les prochaines ?lections avec ces partis. Nous sommes un parti nationaliste, socialo-d?mocrate. Notre parti est celui des pauvre ( zaoualiya), nous n?allons pas nous allier avec les gens friqu?s.
Belkhadem a parl? de 35% de taux de r?ussite pour les islamistes. Dans quelle mesure peut-on prendre au s?rieux ces pronostics venant du repr?sentant personnel de Bouteflika '
Pour moi, ce ne sont que des paroles en l?air, et Belkhadem veut faire croire que son parti restera majoritaire tout en donnant une place importante aux islamistes. Je ne sais pas comment il a fait ses calculs alors que rien n?est jou?. A moins qu?on veuille recourir ? la fraude. Belkhadem peut toujours faire sa litt?rature politique, la parole revient au peuple qui d?cidera quel projet de soci?t? il veut pour lui et les g?n?rations futures. Toujours est-il, qu?avant l?ind?pendance, il y avait plusieurs courants politiques, mais ce sont les nationalistes qui ont opt? pour l?action militaire et ont pris les armes pour l?ind?pendance. Pour nous, le souci majeur qui nous pr?occupe, c?est comment reconstruire la confiance entre le peuple et l?Etat. Et en notre for int?rieur, nous croyons que la victoire au prochain scrutin sera celle des vrais nationalistes. A notre avis, les Alg?riens sont attach?s aux valeurs r?publicaines, et les nationalistes sont plus nombreux qu?on ne le croit, mais ils ne font pas beaucoup de bruit.
On va bient?t c?l?brer le cinquantenaire de l?ind?pendance de l?Alg?rie, et le projet de loi m?morielle sur la criminalisation du colonialisme fran?ais n?a pas eu de suite. A-t-il des chances de voir le jour sachant, qu?en France, on ne s?est pas embarrass? de glorifier le colonialisme et lui attribuer des vertus '
Le projet de loi sur la criminalisation du colonialisme fran?ais, qui a ?t? ?labor? par les d?put?s, a ?t? longuement d?battu au Parlement, mais on a vu comment certains hauts responsables, y compris ceux si?geant ? l?APN et ? l?ex?cutif, ont r?agi. Il est rest? dans les tiroirs du gouvernement. Le ministre des Affaires ?trang?res fran?ais Bernard Kouchner a d?clar? que le texte ne passera pas. Pour nous, des pressions fran?aises ont ?t? exerc?es sur le gouvernement alg?rien pour qu?il reste lettre morte. L?actuel Parlement est au service du gouvernement et non du peuple. Cependant, je dirai que ce sont les d?put?s qui sont ? plaindre car ils n?ont pas d?fendu leur texte.
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Posté Le : 10/03/2012
Posté par : archives
Ecrit par : N S
Source : www.lesoirdalgerie.com