Bouira - COMMUNES

Bouira : Quand l’eau vient à manquer...



Publié le 24.10.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Ali DOUIDI

Va-t-on renouer avec les affres de la soif des années 2000 où les gens s'alimentaient non par citernes, mais par jerricans? Ce terrible scénario dont avaient souffert longtemps notre wilaya et, même, le pays tout entier, n'est pas près de se reproduire.
D'abord, nous ne sommes pas en été, mais en automne, et même si tout laisse croire que la sécheresse a encore de beaux jours devant elle, l'hiver, par quelques morsures bien senties annonce qu'un changement de temps est imminent. Et l'hiver ne peut signifier, en définitive, que deux choses: pluie ou neige et froid. Et pluie et neige, quels que soient leurs apports pluviométriques, alimentent nappes et barrages. Quant au froid, quelle que soit son intensité, il incite à un usage plus restrictif de l'eau potable. Mais, outre le fait que nous sommes plus près de l'hiver que de l'été, nos réserves souterraines en eau sont plus importantes, car, contrairement aux ouvrages hydrauliques et retenues collinaires, elles sont soustraites à l'action du soleil qui agit sur eux par évaporation. Donc, il n'y a pas le feu en la demeure.
Ce qu'en disaient nos manuels scolaires?

Mais qu'est-ce l'eau? Scientifiquement: H2O. Autrement, une molécule d'hydrogène pour deux d'oxygène. On peut par hydrolyse en faire la séparation. C'est ce que nous apprenaient à l'école nos manuels scolaires. «Sans saveur, inodore et incolore», disaient-ils alors, et, adolescents, nous nous émerveillions devant une telle évidence, sans parler du double profit lexical et grammatical (préfixe in+odor et préfixe in+color)que nous tirions de cette belle et scientifique formulation. Peut- être, généreux en son enseignement, notre maître bien -aimé, qui ne manquait jamais une occasion pour faire d'utiles rappels, avait-il attiré notre attention sur la particularité morphologique de ces deux derniers mots afin de renforcer sa leçon sur les préfixes. Bref, l'eau, pour nous, était, donc, sans goût, sans couleur et sans odeur. Et pourtant, la mer était bleue et salée, et nos cours d'eau, aujourd'hui, quand ils ne sont pas à sec, comme en ce moment, noirs et nauséabonds.
La terre elle-même, vue du ciel, parait bleue. Par quel miracle, est-ce là? Par le fait, tout simplement, que les trois quarts de la terre sont occupés d'eau, expliquaient doctement encore les mêmes manuels.

«La Terre est bleue comme une orange» martèle même Paul Eluard. Et pour une fois, rigueur scientifique et fantaisie surréaliste tombent d'accord, du moins sur un point: la terre, par sa rotondité, ressemble à une orange. Le reste est affaire d'imagination. Conclusion à la fois logique et poétique: la terre est bleue, mais n'est bleue qu'autant qu'elle est recouverte aux trois quarts d'eau. Au reste, odorante et colorée.

Voilà la définition de nos manuels scolaires un peu malmenée. Mais elle ne l'est pas que sur la saveur, l'odeur et la couleur. Elle l'est également sur la transformation de l'eau par évaporation, puis par condensation, en nuages, d'abord, puis, en pluie, ensuite comme nous l'expliquait encore nos manuels. Etrange paradoxe: comment en près d'un an de forte chaleur, le soleil n'a pas réussi à pomper assez de vapeur pour la transformer en eau? D'où vient donc cette sécheresse persistante qui bouleverse, chez nous, mais aussi dans d'autres pays, notamment ceux du Sahel, le cycle de l'eau? «Climat capricieux» nous serinaient depuis des années certains agronomes. «Rareté et irrégularité pluviométrique» nous assénait hier au téléphone Tahar Maza, un autre agronome qui voit dans cette forme de sécheresse un signe des plus évidents du bouleversement climatique. Comment en effet, comprendre qu'avec un niveau de la mer qui monte d'un mètre et un soleil qui tape de plus en plus fort à longueur d'année, il y ait si peu de nuages et moins de pluie encore? Mystère.

Les limites de nos barrages.

Nous avons, ce matin, choisi de parler de l'eau. Un tel choix a sa raison. Les trois barrages sont presque à sec. Le plus grand d'entre eux, d'une capacité de 640 millions/m3, le deuxième, après celui de Mila, a vu sa contenance chuter à 1,8 million/m3, selon une source proche du secteur de l'hydraulique. Il pourrait prochainement «être mis au repos», selon la même source.
Concrètement, cela voudra dire que les 14 communes qui sont encore raccordées à ses réseaux, seront débranchées pour être alimentées par d'autres sources (forages, puits ou sources de captage). Les deux autres barrages tiendront encore le coup pour quelque temps. Mais eux aussi finiront par connaître le même sort, si l'on en croit notre source, c'est-à-dire qu'ils finiront à l'arrêt.

Alors prendront le relais les forages et les puits. Seront-ils puissants pour répondre aux besoins des 45 communes? Le doute aurait été permis avant notre déplacement mardi dernier dans les deux communes de Maamora et de Ridane à plus de 70 km au sud- ouest de Bouira. Il ne l'est plus après cette visite. En une journée, nous avons assisté à l'inauguration de trois forages et chacun, comme celui de Ridane, où la nappe phréatique n'était qu'à trente-six mètres, était capable avec son débit estimé à 81L/S de couvrir tous les besoins en eau d'une commune.

Ce que nous avons compris, c'est que maintenant que les trois barrages (Tilezdit, Oued Lakhal et Koudiet Acerdoune) seront mis momentanément à l'arrêt afin qu'ils puissent reconstituer leurs stocks, nous allons voir se multiplier ces forages, sur les autorisations desquelles les responsables du secteur des ressources en eau étaient, autrefois, très réticents. Mais c'est la seule alternative pour pallier cette situation de crise d'une gravité sans précédent.

Reste l'autre question et qui est un vrai casse-tête pour ces mêmes responsables: quelle mesure prendre pour amener les quatre wilayas, en l'occurrence Tizi Ouzou, Médéa, M'Sila et Bouira? Nous pensons qu'ils adopteront le même procédé. Si les deux communes qui ont des limites avec Sidi Aïssa ont de l'eau, les nappes qui doivent s'étendre bien au-delà de ces limites, peuvent rendre les mêmes services. D'ailleurs, tous ceux qui connaissent notre cher Sahara s'accordent pour affirmer qu'il regorge d'eau. Il n'y aura qu'à faire pour l'eau ce que nous faisons pour le pétrole ou le gaz. Mais ne soyons pas trop fatalistes. La nouvelle année ne commencera que dans deux mois et une semaine. D'ici là, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. La mise au repos de ce barrage géant équivaut à l'écroulement de dix ou quinze ans de tranquillité et d'abondance. Trompés par ses dimensions démesurées, on a péché par trop d'orgueil, en pensant que plus jamais, on ne manquerait d'eau. Et confortés dans cette idée trompeuse, on a fait pendant des années une consommation plus qu'immodérée.
Les périmètres irrigués d'El Asnam ont vu le jour avec l'inauguration de cette superstructure. Il a même été question de les étendre à 12000 hectares. Les plaines des Aribs ne mobilisaient que 2000 hectares. Même quand l'abondance venant, l'oued Lakhal fut consacré exclusivement à l'irrigation, les lignes de la superficie réservée à la culture maraichère ne bougèrent guère. Jusqu'à l'année dernière où l'irrigation a été interdite.

On allèguera le facteur démographique. Les besoins ont considérablement augmenté avec la croissance de la population. Elle a à peine progressé de cent mille habitants en un peu plus de vingt ans. En 2020, on était un peu plus de sept cent mille. On est aujourd'hui à 864790 habitants. On rappellera les besoins d'eau réclamés par la zone industrielle qui s'étend sur près de 300 hectares à Sidi Khaled et Oued El Berdi, sans compter les unités industrielles que l'on trouve dans les grandes agglomérations...Il n'empêche qu'avec des réseaux rénovés et avec moins de lenteur à signaler et à réparer les fuites qui se produisent assez fréquemment sur les conduites vétustes, on ferait de sacrées économies.

Le pari de la prévoyance

La sécheresse n'est pas un phénomène nouveau. Même nos manuels scolaires dont le souvenir remonte à cette période, pauvre en pain, mais faste en eau, en parlaient. On ne peut pas donc dire que l'État qui savait été négligent ou imprévoyant. Les décisions prises et les programmes mis en place prouvent le contraire. À titre d'exemple, notre wilaya, malgré une gestion sévère des ressources en eau souterraines, afin de pas épuiser la nappe phréatique, dispose globalement de 75 forages, puits et source et de 391 réservoirs d'eau qui portent sa capacité de stockage à 156 468 m3. Et ce sont ces gros moyens qui permettront demain de ne pas manquer d'eau.

Ces chiffres, évidemment, ne sont pas statiques; ils évolueront en fonction de la situation, qui, elle, reste, par définition, imprévisible, car relevant du domaine des probabilités.

Le fait que septembre et octobre, mois où, en général, arrivent les premières pluies de l'année, restent secs ne prouve rien, car, rappelons-nous, ce qui a fait mal à notre agriculture, ce n'est pas un déficit en apports pluviométrique, cela, n'importe quel paysan qui possède un peu la science des sols vous le dira, mais une bonne répartition des pluies. Avec 20 ou 30mm tombés entre début mars et la mi- mai, à raison de 5 mm tous les dix jours, et la récolte de l'année dernière aurait été sauvée. Ces 70 mm qu'on a eus vers la mi- mai, mais, trop tard, n'ont eu d'autres effets bénéfiques que sur les barrages et les cinq nappes phréatiques recensées chez nous. Comment, pour ce qui nous concerne, terminer cette modeste contribution sans un appel au ministère de l’Agriculture pour que soit reprise l'idée d'un barrage à El Mokrani, dans la daïra de Souk El Khémis, et par où passe oued Issir, l'un des plus grands cours d'eau de la région. Il y a quelques années, il a été question d'en construire un, mais ce projet n'a jamais dépassé ce stade.

Ali DOUIDI



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