Vestige qui a donné une identité à la ville de Bordj Bou-Arréridj, le château El-Mokrani abrite l’annexe de l’office national de la gestion et de l’exploitation des biens culturels. Ce qui lui permet de rayonner sur la préservation des autres monuments, et même de développer le tourisme culturel.
Situé au centre-ville, le château qui porte le nom du héros de la résistance populaire Hadj Mohamed Mokrani n’a jamais été réalisé ni même occupé par ce dernier comme le pourrait laisser penser son appellation. Le seul lien entre eux c’est que le chef de la résistance de 1871 a encerclé les lieux pendant plusieurs jours sans réussir à y entrer.
Ses descendants, qui ont pu le faire après l’indépendance, ont porté ce nom illustre qui identifie la région lui aussi sur sa devanture. Mais le monument qui est construit sur un rocher qui surplombe l’actuelle ville de Bordj Bou Arréridj date de l’époque romaine comme l’indique la présence des pierres utilisées à l’époque. Mais c’est le turc Hassan Bacha qui l’a édifié sous sa forme actuelle durant la période ottomane.
Il lui servait d’aire de repos pour ses soldats ainsi qu’un moyen pour contrôler les caravanes qui se rendaient de l’est au centre et du nord au sud du pays. La ville de Bordj Bou Arréridj a gardé cette position stratégique même maintenant. Cette présence a même donné son nom à la ville. On raconte que chaque soldat turc qui gardait la forteresse avait une plume en haut du casque qu’il avait sur la tête tel un petit coq. Les habitants qui passaient par les lieux parlaient de celui qui portait ce casque en évoquant le fort. Les français qui l’ont restauré après l’occupation l’ont placé au centre de la ville ceinturée par un mur. On ne pouvait y accéder que par des portes qui portaient les noms de leurs destinations comme Alger, Sétif, M’sila qui donnait également sur le souk d’où son second nom et Béjaïa ou Zemmoura d’où on pouvait se rendre au nord de l’actuelle wilaya. Après plusieurs années au service de l’armée française, il a été abandonné pour d’autres casernes. Mais il est resté important d’autant que plusieurs infrastructures importantes ont vu le jour à côté de lui comme la mairie et la salle des fêtes. Ce qui n’a pas été le cas pour le mur qui a disparu petit à petit. Les portes dont ne subsistent que les noms ont connu le même sort. L’indépendance qui a permis la réappropriation des sites qui leur étaient interdits a transformé ce lieu chargé d’histoire en un endroit à visiter. Il faut dire que du haut de ces tours, il est possible d’admirer toute la ville de Bordj Bou Arréridj, une ville qui prenait de l’essor au point de devenir une cité moderne.
Mais le château El Mokrani, qui montrait qu’elle n’était pas nouvelle, semblait veiller sur ces constructions comme pour leur rappeler qu’elles devaient garder le même mode d’architecture. Dans les années 80, il a joué un rôle qui lui sied parfaitement, à savoir le siège de la direction de la culture. Les artistes qui se rendaient sur les lieux pouvaient apprécier sa position, son architecture ainsi que les matériaux qui ont servi à son édification. Bâti avec de la pierre, le château se distingue en effet par ses tours, son toit couvert de tuiles, ses caves et son jardin en pente. Avec tous ces atouts, il ne manque pas d’originalité. Ce qui a inspiré beaucoup d’entre eux pour la réalisation de chefs-d’œuvres pas seulement dans les arts plastiques. Mais cette occupation qui n’a pas tardé, puisque la direction a déménagé depuis, a montré la possibilité aux responsables concernés de la nécessité de restaurer les lieux. Cette opération a pris malheureusement beaucoup de retard. Le château, qui a été classé monument national, était désespérément fermé non seulement pour les amateurs de tourisme local qui étaient tentés de voire ce vestige mais aussi les chercheurs qui voulaient se plonger dans ce lieu témoin de plusieurs époques ainsi que des périodes qui ont traversé l’histoire de la ville. Ce n’est que depuis deux ans qu’elle a été terminée pour le grand bonheur des habitants et surtout des responsables du secteur de la culture qui l’ont exploité pour l’organisation de plusieurs manifestations.
Promouvoir le tourisme culturel
L’on se rappelle de l’exposition d’œuvres qui font partie de l’art de la récupération qui a été une réussite totale, rien que pour le cadre qui l’a abritée. La cave du château, avec ses pierres et son bois, en plus de ses voutes, a permis au public de garder en mémoire la nécessité de la préservation de la nature qui est l’objectif même de cet art. Le jardin, qui a été utilisé pour la célébration du mois du patrimoine, a accueilli, quant à lui, une grande tente qui a été garnie d’objets anciens et même de danses et chants folkloriques offrant, grâce au site toujours, un voyage à travers l’histoire. Des concours de dessin ont été également prévus tout comme des représentations de contes populaires qui ont attiré beaucoup d’enfants au château, pris d’assaut par les visiteurs. Durant l’été, les émigrés, qui ont été nombreux à se promener dans ses différents points, ont eu l’agréable surprise de découvrir un monument de cette envergure. Il peut constituer un pôle touristique important rappelant que la wilaya de Bordj Bou Arréridj ne dispose pas seulement de potentialités dans les domaines industriel et agricole. Mais c’est surtout dans la préservation du patrimoine local que le musée d’El Mokrani, comme on l’appelle ici,— même s’il n’a pas encore ce statut officiellement— joue son rôle pleinement. En effet, son administration, dirigée par M. Badreddine Lounanssa, s’occupe selon, ce dernier, de la protection des monuments classés ou en voie de l’être ainsi que la collecte des objets archéologiques en coordination avec le service du patrimoine de la direction de la culture. Le responsable de la structure déploie une activité sans relâche, que ce soit lors des manifestations culturelles, les différents salons ou sur les ondes de la radio, pour parler des richesses de la wilaya dans ce domaine, et évoque, en plus du château d’El Mokrani, Bordj Chemissa, Kherbate Zambia, Tihmamine et la mosquée de Ouled Sidi Brahim comme sites classés ou en voie de l’être. Les deux premiers datent de l’époque romaine. Les deux autres appartiennent à la période islamique. Il précise qu’ils sont gardés par l’office, même s’il regrette que les habitants des localités où ils se trouvent se sont opposés plusieurs fois à leur restauration.
Celui de Tihmamine, a-t-il déploré, est dans un mauvais état. Prenant exemple des objets exposés dans le jardin du château, M. Lounanssa cite le travail important qui a été effectué pour collecter les traces des civilisations qui ont marqué la wilaya. Nous avons, a-t-il noté, des stèles votives et funéraires qui datent de l’époque romaine avec des inscriptions graphiques. Ils s’ajoutent à l’héritage numidien qui est représenté par plusieurs objets qui montrent comment l’homme de cette époque vivait. Il souligne au passage que beaucoup de ces acquisitions archéologiques ont été obtenues fortuitement. Des entreprises qui réalisent des projets dans la wilaya trouvent sur leur passage ces objets étranges qu’elles remettent à la direction de la culture. Mais plusieurs objets pourraient être détruits ou volés, indique le responsable de la structure qui insiste sur la nécessité d’effectuer des fouilles pour les retrouver, les étudier et les présenter au public. Il caresse le rêve d’établir une carte archéologique de la wilaya qui serait un moyen idéal pour les différentes générations pour connaitre leur histoire. La présence de ces objets dans l’enceinte du château lui a même donné l’idée de la création d’un jardin archéologique qui devra faire plaisir aux enfants de la région. Pour apprendre à ces derniers à connaitre leur histoire et identifier ses signes, un concours du petit archéologue a été organisé parallèlement au mois du patrimoine, nous dit M. Lounanssa qui précise que la manifestation a permis aux jeunes visiteurs de reproduire les objets exposés grâce aux travaux manuels proposés ainsi et de maîtriser les techniques de fouilles. La bibliothèque, qui a été ouverte au sein de la structure, leur offre la possibilité, a-t-il affirmé, d’approfondir leurs connaissances dans ce domaine. Toute cette activité, a-t-il rappelé, entre dans le cadre de la mission fondamentale de l’office national de gestion et d’exploitation des biens culturels avec à sa tète M. Zekar Abdelouahab qui veille à la préservation de l’identité nationale. Mais cette mission stratégique nécessite la contribution de toutes les parties qui doivent assister l’office pour la réussir. Son annexe de Bordj Bou Arréridj, qui porte le nom d’un résistant illustre, devrait inspirer même les citoyens à être de la partie. Leur avenir en dépend.
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Posté Le : 30/11/2018
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Fouad Daoud
Source : elmoudjahid.com