Blida - 02- Origines

Les Hadjoutes resistants de la Mitidja



Les Hadjoutes resistants de la Mitidja
Les Hadjoutes resistants de la Mitidja



Belkacem Rabah Mohamed Khaled El Watan : 08 - 08 - 2009



Contrairement à ce qui est mentionné dans certains écrits tendancieux, dès le début de l'époque coloniale, qui décrivaient la Mitidja comme plaine infecte, inculte et inhabitée, plaine nue sans bois, occupée par des marais, des habitations éparses, huttes, gourbis... bêtes sauvages, la Mitidja était l'une des plaines des plus belles et des plus fécondes de notre pays.

Elle constituait le plus vaste verger d'Alger. Ceux-là mêmes, les colonisateurs français, qui la décrivaient ainsi, avaient compris très tôt « la fertilité de cette plaine ». Plusieurs géographes et historiens, tels le géographe arabe El Bekri au milieu du XIe siècle, l'historien et le sociologue Ibn Khaldoun à la fin du XIIe siècle, l'historien Léon l'Africain au début du XVIe siècle, le voyageur Shaw au début du XVIIIe ont fait mention dans leurs écrits de la beauté exceptionnelle des terres verdoyantes de la Mitidja. L'Algérie n'était-elle pas considérée comme le grenier de Rome ? La France n'avait-elle pas une dette à payer vis-à-vis de l'Algérie ? Qui a approvisionné les armées d'Italie et le corps expéditionnaire en Egypte au XVIIIe siècle en quantités de blé de la Mitidja ? Le général français de Bartillat en juillet 1830 disait : « Les plantations font de ce territoire (la Mitidja) un paradis terrestre. » Juste une année après, un autre général en chef français, Drouet d'Erlon, en 1831, écrivait dans son rapport, dont voici quelques extraits : « Tout le territoire (la Mitidja) jusqu'aux montagnes est partout cultivé en céréales. Jardins plantés de superbes orangers. » « Cette partie de l'Atlas est couverte de cultures, de villages répandus dans les vallées et sur les flancs des montagnes. On ne peut s'empêcher de penser que ces vallées ignorées recèlent encore des vérités et que cette terre eut sa période de gloire. » « Une vallée, dont la beauté surpasse tout ce qu'on a vu, s'étend de l'Atlas à la mer. Une végétation brillante couvre partout le sol surlequel on voit de toutes parts de nombreux troupeaux. »

1.1 La plaine de la Mitidja durant l'époque ottomane :

1.1.1 Organisation politico-administrative :

Avant la colonisation de l'Algérie par la France, l'organisation administrative et sociopolitique de l'Algérie durant l'époque ottomane était structurée en quatre grandes provinces :

Dar Essoultane sous le dey d'Alger (Alger-Blida-Koléa-Cherchell-Dellys) ;

Beylik du Titteri sous le bey de Médéa ;

Beylik de Wouahrane sous le bey d'Oran ;

Beylik de Qasentina sous le bey de Constantine. La Mitidja relevait de Dar Essoultane et la plus grande partie des terres de ce territoire étaient du domaine public, c'est-à-dire du Beylik ; le reste était réparti en propriétés privées, plus ou moins importantes, érigées le plus souvent en haouchs. Le haouch (la ferme) constituait le mode d'exploitation rurale de base et ce, quelle que soit sa situation juridique et son importance. Les populations rurales de la Mitidja en dehors des villes (Alger, Blida, Koléa, Cherchell...) étaient structurées en tribus plus ou moins importantes dont les principales relevaient de la province d'Alger.

1.1.2 Apparition des Hadjoutes

Avec l'époque ottomane, nous assistons, pour la première fois, à l'apparition des tribus vivant dans le territoire de la Mitidja sous le nom de « Hadjoutes ». Ces tribus arabo-berbères ont eu, à un moment donné de leur histoire, des brassages profonds (mariages, culture et croyances, échanges économiques...) avec les différentes civilisations berbères, phéniciennes, romaines, vandales, byzantines, arabes ayant dominé ou séjourné dans le territoire de la Mitidja ; l'une des dynasties qui a le plus profondément marqué les tribus des Hadjoutes est sans aucun conteste la tribu des Tsa'aliba. Pour rappel et selon Ibn Khaldoun, les Tsa'aliba est l'une des principales subdivisions de la tribu arabe des Maqil originaire du Yémen qui a pénétré le Maghreb central en même temps que l'arrivée des Beni Hillal au XIe siècle. Ils s'établirent dans le Titteri. Chassés du Titteri par les Beni Tudjin (tribu zenatienne), ils s'établirent en fin de parcours dans la Mitidja sous la protection des Beni Melikich (tribu sanhadjienne) avant de prendre le pouvoir d'Alger dès le début du XIVe siècle. Selon certaines sources, il existait plus d'une vingtaine de tribus de Hadjoutes dans la Mitidja subdivisées en :

Tribus Ahl el makhzane alliées à Dar Essoultane, tribus guerrières de la plaine chargées de la collecte de l'impôt jouissant de terres cultivables ;

Tribus Ahl erra yats, tribus de petits fellahs indépendants, de sujets attachés à la terre ou khemmas ;

Tribus montagnardes, autonomes arabo-berbères, tels les Beni M'nad, les Beni Menasser, les Chenouis ;

Et enfin à petite échelle, de nombreux groupements humains éparpillés en douars, archs, nomades... Les principales tribus de la Mitidja qui relevaient de la province d'Alger se composaient :

A l'est de la Mitidja :

des Beni Moussa ;

des Beni Khachena ;

des Beni Isser ;

A l'ouest de la Mitidja :

des Aoufia (alentours d'El Harrach) ;

des Beni Khelil occupant le territoire entre El Harrach et la Chiffa, appelés aussi les Ghrabas ;

des Beni Salah, tribu berbère vivant dans les montagnes de l'Atlas blidéen ;

des Beni Mouzaïa, leur territoire de oued Sebt aux monts de Mouzaïa subdivisées en Soumatas, Rouabhias ;

des Beni M'nad (Mont du Zaccar jusqu'aux portes actuelles de la ville de Hadjout par la partie sud) ;

des Beni Menasser (Monts de Menaceur et de Cherchell jusqu'aux portes de la ville actuelle de Hadjout par la partie ouest) ;

des Chenouis, Ichenwiène (Mont Chenoua essentiellement). Les tribus des Hadjoutes, selon certains écrits, regroupaient l'essentiel de toutes les tribus de la Mitidja ouest.

1.1.3 Territoire et populations des Hadjoutes :

Le territoire des Hadjoutes n'était pas bien défini. Certains historiens le limitent entre les villes actuelles de Hadjout (ex-Marengo), El Affroun, la Chiffa, Attatba, aux alentours immédiats de Blida et du côté Sahel jusqu'à oued Mazafran ; d'autres versions mentionnent la limite de leur territoire de la ville actuelle de Hadjout aux portes d'Alger, approximativement à Shaoula. Le professeur N. Saïdouni ,dans sa thèse intitulée « L'Algérois rural à la fin de l'époque ottomane », qualifie le territoire des Hadjoutes à « Outan Hadjout », ce qui confirme l'importance du territoire de ces tribus. Il n'existe malheureusement pas de statistiques précises sur le nombre des populations hadjoutes avant la colonisation, mais nous estimons, à partir de certaines données contenues dans le rapport du duc de Rovigo, « à vingt-trois tribus hadjoutes et douze mille cavaliers »,... dix huit mille cavaliers selon d'autres sources, à un total de plus de quarante mille habitants voire soixante mille pour l'ensemble de ces tribus et douars peuplant la Mitidja en dehors des villes (Alger, Blida, Koléa... ).

1.1.4 Culture :

De culture arabo-berbère, les Hadjoutes étaient de fervents musulmans. Toutes les tribus de la Mitidja vivaient en harmonie entre elles ; elles étaient dirigées et administrées par des hommes sages qui rendaient également la justice et enseignaient le saint Coran dans des médersas et zaouïas. Les tombes de certains de ces hommes ont été érigées, pour la plupart d'entre elles, en mausolées (Marabouts). Certains de ces mausolées existent encore aujourd'hui au niveau de certaines villes et villages de la Mitidja ainsi que dans les montagnes environnantes. Il est mentionné dans les rapports de la Commission d'Afrique en 1834 et comme le note le Général Valazé : « Presque tous les Arabes savent lire et écrire. Dans chaque village, il y a deux écoles. » Un officier de l'armée française a même reconnu ce fait et prononcé sa phrase célèbre au moment de la pénétration de l'armée française dans notre pays : « Une armée de soldats analphabètes (légion française) contre des résistants arabes lettrés. » Vers la fin du XVIIIe siècle, les soulèvements de certaines tribus accablées d'impôts entraînent une certaine décadence de la vie rurale dans la Mitidja. On assiste alors à l'affaiblissement des principales tribus et à une certaine paupérisation des populations rurales.

1.1.5 Etymologie du mot Hadjout :

Même l'étymologie du mot Hadjout n'est à ce jour pas définie. Le mot pourrait provenir du mot ottoman « odjak », signifiant milices armées insurgées et/ou janissaires. La gestion du beylik n'a-t-elle pas été négociée par le dey lui-même avec ces farouches insurgés, les Hadjoutes ? Le mot Hadjout pourrait provenir du nom d'un saint ou illustre personnage ayant joué un rôle important dans la Mitidja. Même le mot berbère « boughlalt ahajjout » n'est pas à écarter, vu que plusieurs familles originaires de Kabylie et de la région du M'zab le portent actuellement. La racine arabe, le masdar « Hadj », est à prendre également en considération.

1.2 La pénétration des armées françaises :

Tout au long de plus de 300 ans après la chute de Grenade le 25 novembre 1491, la ville d'Alger a subi de continuelles attaques de la part des flottes européennes, à savoir espagnole, française, anglaise, hollandaise, pour ne citer que les principales puissances de l'époque. Du grand Charles Quint en 1541 au roi Soleil Louis XIV au XVIIe siècle, toutes ces attaques se sont soldées par des échecs jusqu'en 1830, année du débarquement des armées françaises dans notre pays. Les armées des Hadjoutes étaient toujours présentes pour faire face aux envahisseurs.

1.2.1 La bataille de Staouéli :

A la bataille de Staouéli, le 14 Juin 1830 (Sidi Ferruch), contre la pénétration des armées françaises et avant la proclamation de Abdelkader comme Emir, les contingents fournis par les tribus Hadjoutes (12 000 mille cavaliers Hadjoutes) ont réagi rapidement devant le danger qui menaçait le pays et combattu vaillamment aux côtés des armées de la Régence d'Alger parmi les 50 000 hommes engagés dans la bataille, malgré leur armement léger composé de fusils traditionnels de type ottoman, de lances et de sabres.

1.2.3 La prise d'Alger :

Le 5 Juillet 1830, les armées françaises prennent Alger. La France, qui n'a pas honoré ses factures vis-à-vis de ses bienfaiteurs fournisseurs, au contraire, a fait main basse sur le Trésor d'Alger. Le vaisseau de la Marine royale française, le Marengo embarque à son bord le premier envoi d'or et d'argent vers la France. D'autres vaisseaux suivront : Duquesne, Sei pion, Vénus... Ce même 5 juillet 1830, des saccages sont perpétrés dans la ville d'Alger par les armées occupantes. Selon les chiffres fournis par le général Monfort : « Sur 120 mosquées ou marabouts qui existaient à Alger au moment de l'entrée des troupes françaises, 10 ont été démolies ou tombent en ruine ; 62, parmi lesquelles on comprend celles qui sont des dépendances des casernes ou des hôpitaux, sont en ce moment entre les mains des divers services, tant civils que militaires. » Toutes les mosquées ainsi que les corporations religieuses ont été séquestrées par arrêté du 7 décembre 1830 et les grandes maisons et les propriétés urbaines ont été pratiquement toutes aliénées. La France occupa l'Algérie pour venger ce fameux coup d'éventail donné par le dey d'Alger au consul de France... Les petits ploucs, que nous étions, avions écouté cette leçon sans jamais y croire... Malheureusement, cette « fausse vérité » est inscrite encore dans les manuels scolaires français. Pour l'historien français Marcel Emerit : « Le Trésor d'Alger a été la motivation centrale de la prise d'Alger. » La dilapidation par la France ne s'est pas limitée au fameux Trésor d'Alger, même les vestiges et objets antiques d'une quantité considérable et d'une valeur inestimable ont été déplacés vers la métropole et dont une bonne partie se trouve aujourd'hui au Musée du Louvre. Même les monuments les plus volumineux ont fait l'objet de transfert ou de tentative de transfert vers la France. C'est le cas, selon l'historienne et architecte N. Oulebsir, maître de conférence à l'université de Poitiers, de l'arc de triomphe de Djemila, ancienne Cuicul (wilaya Sétif), qui a fait l'objet d'un plan de transfert par le duc d'Orléans. Heureusement que ce transfert n'a pas abouti pour plusieurs considérations, notamment d'ordre économique, politique et culturel et probablement technique. Dans son rapport sur Alger, de La Pinsonnière écrivait : « L'occupation française a apporté la dévastation après elle, et les plantations que l'ignorance du gouvernement turc n'avaient pas détruites ont à peu près disparu des lieux où nous sommes les maîtres. Les environs d'Alger présentaient autrefois un aspect riche et varié : le luxe des constructions, celui des cultures, et juste aux broussailles incultes qui en déshonoraient les abords, tout répandait sur ce tableau le plus grand intérêt... Ces nombreuses maisons de campagne, ces beaux jardins plantés d'orangers et de grenadiers, naguère arrosées par des eaux amenées à grands frais, ont bien réellement subi les conséquences de l'occupation et du vandalisme de quelques spéculateurs. »



1.3 Organisation de la résistance de la Mitidja

1.3.1 Avant la proclamation de Abdelkader comme Emir en 1832 :

Après la prise d'Alger le 5 juillet 1830, dans L'histoire d'un parjure de Michel Habard, le maréchal Clauzel annonce : « A nous la Mitidja ! A nous la plaine ! Toutes ces terres sont de première qualité. A nous seuls ! Car pas de fusion avec les Arabes. » Avant la proclamation de Abdelkader comme émir en 1832, les armées des Hadjoutes et les tribus limitrophes, sentant le danger venir, se sont organisées pour défendre leur territoire. Sous la direction des chouyoukh Mohamed Benzaamoum et El Hadj Sidi Saâdi, ils empêchèrent l'armée française dirigée par le commandant de Bourmont de pénétrer la Mitidja et de conquérir Blida, le 23 Juillet 1830. Ils remportèrent leur première victoire sur l'armée française. La presse française de cette époque et à propos de cette victoire, qui a remonté le moral des Mitidjis et des citadins d'Alger, a mentionné. « Pour la première fois, il a été observé une forme d'organisation dans les rangs de ces sauvages ; l'armée de Ben Zaamoum nous a affrontés sous une forme presque organisée : les fantassins étaient concentrés sur la gauche de la montagne et les cavaliers sur le flanc droit. » Dans son expédition contre Blida et Médéa, un autre général, le général Clauzel, échoua également dans son expédition. Malgré les massacres collectifs des populations désarmées et isolées, il n'a pu étendre son contrôle sur ces deux villes. Les embuscades tendues par les armées du Mustapha Boumezrag, bey de Médéa, dans les gorges de le Chiffa et les coups répétés des résistants Soumathas et Hadjoutes, le général Clauzel décida d'abandonner son expédition contre Médéa et de rejoindre ses bases à Alger. Un autre général, le général Berthezène, nommé gouverneur le 20 juillet 1831, optant pour la stratégie « diviser pour régner », désigna El Hadj Mohieddine Ben Séghir, fils de Sidi Lembarek, cheikh de la zaouïa de Koléa, comme agha des Arabes. Hadj Mohieddine devait servir d'intermédiaire entre les Arabes et le gouvernement français. Cette stratégie a également échoué, suite aux négociations entre le général Bro et Hadj Mohieddine. Devant la résistance acharnée des Hadjoutes et tribus combattantes, le retour à l'usage de la force et de la férocité des armées françaises ne tarda pas avec le duc de Rovigo, dès le mois de décembre 1831. Il massacra, le 7 avril 1832, toute la tribu des Aoufias qui stationnaient aux alentours d'El Harrach, sous prétexte que cette tribu a agressé la délégation de Ferhat Bensaïd, coalisée à la France. Les accrochages et les combats se multiplièrent et ont souvent contraint les armées françaises à se replier sur leurs bases de fortification. La désignation des caïds inféodés à la France a quelque peu brisé la cohésion des tribus et amené la résistance à se réorganiser autrement et à se déplacer vers les zones montagneuses. Optant pour les coups de main et les embuscades sous la direction de Cheikh Mohamed Benzaamoum et El hadj Sidi Saâdi, la résistance ne s'essouffle pas pour autant dans la Mitidja. Des rassemblements populaires furent organisés par les chefs de tribus pour remonter le moral des populations et les mobiliser pour relancer le combat.

1.3.2 Proclamation de Abdelkader comme Emir en 1832 :

Selon Mostefa Lacheraf dans L'Algérie : Nation et Société : « Lors de la proclamation de Abdel-Kader, âgée de vingt quatre ans, comme Emir en novembre 1832, les partisans les plus irréductibles, comme les Hadjoutes qui opéraient à plus de 400 kilomètres de la nouvelle capitale de l'émir (Région de Mascara), se mirent à son service en lui apportant un appui appréciable ainsi qu'à ses lieutenants, El Berkani, El Béchir, Ben Allal. Leur engagement total avec l'émir et leur acharnement contre l'occupant a fait des Hadjoutes un redoutable ennemi aux généraux français. » Les coups de mains, les embuscades et les offensives surprises des Hadjoutes et des tribus résistantes de Beni Salah contre les armées françaises ont empêché la France de 1830 à 1836 d'imposer son autorité sur le territoire de la Mitidja cantonnées uniquement sur certains points comme Ouled Yaïch, Douéra et Boufarik. L'ancienne forêt de Hadjout et les montagnes environnantes (Menacer, Monts de Cherchell, Zaccar, Chenoua, Monts de Mouzaïa, Atlas blidéen...) constituaient des coins stratégiques et de repli idéal pour s'approvisionner et relancer le combat. Ces attaques ont contraint les premiers colons installés à la Mitidja à abandonner les premiers villages ou regroupements de colons constitués principalement de 400 immigrants allemands et suisses arrivés par bateau à Alger en 1832. Le général Clauzel disait : « J'ai ordonné aux bataillons de détruire et brûler tout ce qui se trouve sur leur passage... Dans deux mois les Hadjoutes (tribus de la Mitidja) auront cessé d'exister. » Parole fut tenue, sauf qu'il fallait non pas deux mois mais 5 ans. Le général Changarnier, qui a eu à combattre les armées hadjoutes, écrit à leur sujet (Mémoire) après les avoir qualifiés d'« habitants rebelles au joug de l'étranger », de « patriotes énergiques » : « Les Hadjoutes avaient pu mettre en campagne et entretenir, pendant plusieurs années, de 1000 à 1800 cavaliers très courageux, qui avaient accompli des choses dont les cavaliers les plus célèbres de l'Europe se seraient honorés… » De même, le duc d'Orléans n'a pas manqué de rendre hommage au patriotisme de ces partisans : « ...Ces hardis partisans faisaient plus de mal aux Français que tout le reste des forces ennemies, de même que les Cosaques, dans les guerres de l'empire, contribuèrent plus que toutes les troupes régulières à détruire l'armée française... » « Les Hadjoutes empêchaient l'armée de dormir en la tenant sur un qui-vive perpétuel... Cependant la mort d'un simple cavalier Hadjoute, Boutheldja le poète, tué dans un de ces engagements, fut une perte sensible pour la cause arabe... » « Au milieu du mouvement (de résurrection de ce peuple qui renaissait du sang de ces braves enfants, Boutheldja fut le plus inspiré parce qu'il était le plus convaincu de tous les poètes. Ses chants lyriques, d'une douleur touchante et d'un farouche patriotisme, étaient devenus populaires parmi la jeunesse arabe. Le poète préféra rester en volontaire, au premier rang des Hadjoutes, et, simple soldat, comme Koerner, il mourut comme lui de la main d'un Français en combattant pour une patrie que tout deux avaient rêvée grande, et qu'ils ne connurent que malheureuse. » L'armée française redouble de férocité contre les tribus de la Mitidja. Le 23 janvier 1835, un communiqué est publié dans Le Moniteur algérien (journal français) : « Une de nos colonnes, après avoir détruit une vingtaine de villages de Hadjoutes pour se mettre en appétit pénètre chez les Mouzaïas ; le résultat a été le châtiment des tribus insoumises : leurs douars ont été détruits, beaucoup de blé et de bestiaux enlevés. » Le correspondant de guerre du Toulonnais écrit le 25 Janvier 1835 : « On croirait vraiment assister à la conquête du Pérou par les Espagnols parce que les Hadjoutes veulent leur indépendance, faut-il se conduire en vandales ? Les Mouzaïas, la plus belle des tribus que nous avons détruites, se trouvaient au milieu d'un vaste jardin d'oliviers et d'orge. Le feu y fut mis et le bruit des flammes se mêlait aux cris des femmes et des enfants. » Dans les mémoires du Général Changarnier, parlant de ses troupes qui opéraient à l'ouest de la Mitidja : « Elles (ses troupes) trouvèrent des distractions dans razzias réitérées que, pendant l'hiver, je fis subir aux tribus hostiles de l'Harrach à la Bourkika (village proche la ville actuelle de Hadjout). Après le massacre de ces villages et tribus, une grande partie de ces populations s'est réfugiée dans les montagnes environnantes, abandonnant leurs terres et leurs biens aux nouveaux occupants, mais non résignées, continuant le combat sous toutes ses formes et même après la reddition de l'Emir en 1847, comme le précise Mostefa Lacheraf dans L'Algérie : Nation et Société : « Toute la Mitidja paysanne était aux portes d'Alger... et les communications dans la banlieue algéroise étaient menacées par les coups de main et les embuscades tendues par les partisans. » Il fallait attendre le 29 avril 1837 pour que le général Damrémont pénétra la ville de Blida après l'avoir assiégée et ordonné de détruire et de raser tous les vergers des alentours. La bataille de oued El Alleug a été la victoire décisive de l'armée française sur les résistants Métidjis. Ce qui lui permettra d'occuper, le 15 mars 1840, Cherchell, puis après d'autres villes combattantes et stratégiques comme Miliana et Médéa. Elle ouvre également la porte à la colonisation massive qui a connu son apogée avec les généraux Valée, Bugeaud et Randon. Dans ses lettres, le duc d'Orléans écrivait : « La grande affaire de l'Algérie maintenant, c'est de peupler la Mitidja de chrétiens ; pour cela, il faut l'action et l'impulsion du gouvernement ; le succès de la France est à ce prix. » S'adressant aux premiers colons, le maréchal Clauzel : « Vous pouvez créer autant de fermes que vous le souhaitez et vous pouvez même les accaparer dans les zones que nous occupons. Soyez assurés que nous vous protégerons avec toute la force que nous possédons. Par la patience et la persévérance, un peuple nouveau vivra ici ; il grandira plus que ne le fait le peuple qui a traversé l'océan Atlantique pour s'installer il y a quelques siècles en Amérique. » Le 14 Mai 1840, le général Bugeaud déclarait devant les députés français : « Les colons doivent s'installer partout là où il y a de l'eau potable et des terres fertiles sans s'interroger sur les propriétaires. » La première colonie fut installée en 1836 à Boufarik et entre 1848 et 1850, quarante villages de colonisation avaient été créés, parmi lesquels Marengo, aujourd'hui Hadjout. Malgré la défaite des résistants de la Mitidja et l'occupation du pays par la France, les combats et soulèvements n'ont jamais cessé contre le colonialisme :

les révoltes en Kabylie de 1853-54 ;

le soulèvement des Beni Snassen en Oranie en 1859 ;

la révolte des Ouled Sidi Cheikh et de Bouamama en 1864 ;

l'insurrection de Mokrani en 1871 ;

l'insurrection des Beni Menaceur en juillet 1871 sous la direction de Malek Essahraoui el Berkani ; Malgré les répressions sanglantes, les résistants Hadjoutes n'ont pas abdiqué jusqu'au déclenchement de la lutte de Libération nationale où la Mitidja et ses montagnes environnantes ont servi à nouveau, plus d'un siècle après, comme territoire de lutte et de refuge à nos valeureux moudjahidine. A l'indépendance de notre pays, la ville de Marengo est débaptisée pour porter désormais le nom des glorieux résistants, Hadjout.

Gloire à nos martyrs.


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