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le grand mensonge qui nous a couter la vie de sabrinel



le grand mensonge qui nous a couter la vie de sabrinel
Le mensonge qui nous a coûter
la vie de "Sabrinel"

(Lettre à Monsieur le Président de la république Abdelaziz Bouteflika)






Monsieur le Président

Permettez-moi, dans ma gratitude anticipée pour la lecture que vous ferez à ma lettre, de venir porter à votre connaissance l’existence d’une faute grave, d’une honteuse bévue, commise dans le secteur phare, que certains veulent entacher, altérer, et pour finir par complètement le détruire. Et cela, sous votre mandat.

Vous avez donné à ce pays une solide économie, et les gens n’ont plus peur de faire de longs trajets la nuit. Votre présence est requise à toutes les rencontres planétaires et les grands de ce monde vous sollicitent pour votre expérience avérée. Vous avez redémarré des chantiers, lancé de grands projets, dont vous surveillez scrupuleusement l’avancé et vous vous préparez à donner à l’Algérie sa marque distinctive d’authentique nation musulmane. Mais, tant d’efforts consentis seraient vains si vous laissiez passer sous silence cette faute. Sabrinel, du paradis où elle se trouve aujourd’hui, retiendra que vous étiez son président et vous n’avez rien fait pour que des milliers d’enfants Algériens ne subissent pas son lot de souffrance, avant d’être achevée. Je n’exagère pas le mot.

Je suis le père de Sabrinel, au cœur éternellement meurtri, et je vais dire la vérité sur sa mort. Puisqu’ils l’ont tué, je vais raconter sa mort qui n’a rien de naturel, une mort provoquée par négligence, par outrecuidance, presque par charlatanisme, une mort que je ne pardonnerai jamais à tous ceux qui, de près ou de loin, ont par mégarde, par négligence ou par simple ignorance, d’une façon comme d’une autre, contribué à abréger la vie d’un ange, de mon ange, dont la beauté était à son apothéose lors même où elle se trouvait emmaillotée dans son linceul.

Je reviens donc à vous, Monsieur le président, je dis je reviens à vous, parce que je vous ai déjà saisi par plusieurs lettres et je doute qu’on vous ait fait prendre connaissance d’une seule au moins. Pour ma part, je suis certain que vous ignorez tout de cette affaire ; et je suis d’autant plus convaincu qu’on s’arrangera pour que vous demeuriez dans son ignorance. Mais, gageons que l’on daignera vous mettre au fait de ma présente, je m’en vais commencer à parler.

Je vais d’abord relater le processus fatal de Sabrinel, sans omettre un détail sur son cours thérapeutique, des hommes qui l’ont approchée et des lieux où elle eut à séjourner.

Un mauvais médecin rend les maladies graves, envoie ses patients aux supplices du condamné, c’est Mansouri, alors chef de service infectieux à l’hôpital de Boufarik. Il est à l’origine du cas Sabrinel tout entier, une enquête ouverte par le bureau de l’Ordre des Médecins et loyalement diligentée établira ses actes et déterminera ses responsabilités. Dans ce cas précis, il se révèle comme le spécialiste le plus incompétent, le praticien le plus maladroit, à l’esprit désordonné et confus dont il est convenu que nos hôpitaux abondent. Il se complait dans ses illusions de savant professeur, d’autorité absolue, l’assistant avili, rejetant toute idée qui ne se rapporte pas à la sienne. C’est lui qui a ausculté Sabrinel en premier, c’est lui qui fit le premier diagnostique et prescrit le premier traitement, c’est lui qui ignora les soupçons, oh combien fondés, du docteur Saighi quant à une autre maladie, plus grave qu’une simple petite infection, refusant de l’admettre, craignant probablement de se faire surprendre dans son erreur. Je ne peux pas énumérer ici toutes les étapes fatales, que la Commission cherche, elle trouvera. J’affirme hautement que ce spécialiste en question, répondant de la santé de ma fille, étant dans son service, est le premier, en terme de responsabilité et duquel est partie l’effroyable erreur médicale qui a conduit mon ange à l’irrévocable avant d’être achevée par ses analogues.

La fièvre et les céphalées persistaient depuis quelque temps déjà lorsque Sabrinel a été admise au service infectieux, souffrant aussi de douleurs articulaires. Une analyse d’urine a été faite, écartant d’emblée toute infection microbienne ; et un simple antifébrile fut administré et prescrit, l’enfant, le corps accablé et dolent, fut renvoyée chez lui. Aucune exploration approfondie ne fut entamée, ni un a priori ne fut posé sur l’obstination de cette fièvre, qui ne connaissait pas d’intermittence, toujours au-delà de 39°, ni sur les céphalées, curieux symptôme pour l’âge du patient : triple méprise évidente, qui montre avec quel esprit superficiel on avait traité Sabrinel, car une investigation méthodique et raisonnée aurait démontré qu’il ne pouvait s’agir de simples maux, à juguler avec du Bactrim et du Nifluril. On s’entêtait donc à baisser la fièvre, on cherchait dans l’infectieux, un microbe à surprendre, tapi dans quelque coin du corps, pour l’en expulser. Et, sans que je prenne la peine de répéter ici le cheminement qui avait duré quinze jours, le docteur Mansouri revint pour réexaminer Sabrinel, brûlée par la fièvre, torturée par des maux de tête, criant de ses petites articulations douloureuses, pour une nouvelle consultation externe. Il réclame un bilan sanguin. Le résultat montre un taux anormal de globules blancs, ce qui amène à déduire une infection. Ah, voilà que le fameux microbe se révèle. Mais, est-ce qu’on a cherché à comprendre pourquoi a-t-il mis tant de temps à se montrer et si c’était lui la véritable origine du mal ? On n’en est pas encore là. L’ange de Dieu eut à souffrir de nouveau cinq longs jours et cinq longues nuits, où ses parents le veiller comme on veille un être qu’on a vu sortir de ses entrailles. On pleure lorsque son enfant souffre, on souffre d’autant lorsqu’on se voit impuissant. « Dieu, Dieu, suppliait Sabrinel, la douleur rongeant ses os fragiles, guérissez-moi, guérissez-moi ! ». Dans la maladie, les enfants mûrissent bien plus vite et finissent par parler comme les adultes. Au sixième jour, las de voir son enfant hurler au ciel, la maman le déplace à l’hôpital et il est réadmis dans le même service. On a enfin décidé d’hospitaliser l’enfant, c’est une bonne chose. Mais, pourquoi au service infectieux ? Tous les bilans faits ont écarté le risque d’infection. Voulait-on lui inoculer un virus, un microbe pour soulager sa conscience, montrer qu’on a trouvé le mal, qu’on ne s’était pas mépris ?

Le Docteur Saighi, une assistante du professeur, intervient. Lorsqu’on rentre à l’hôpital, affecté à un service, on croise beaucoup de médecins, et c’est une très bonne chose. Un autre bilan sanguin est commandé. On se pose des questions. Un premier soupçon tombe à la fin. Dieu que nous l’avons attendu, ce soupçon ! Il a fallu attendre le 17 du mois de mai. Après lecture du bilan sanguin, Saighi décide d’adresser l’enfant, en urgence, au service d’hématologie de Frantz Fanon, à Blida pour un médulogramme (Test de la moelle). Je crois que le docteur préfigurait ce qui allait emporter mon enfant. Elle rédigea une lettre de recommandation et sortit en congé. On était alors un jeudi, en fin de semaine. Le samedi 19, Mansouri revit ma fille, pris connaissance des intentions de son assistante et s’opposa à l’évacuation, sous la fallacieuse raison que l’enfant était traumatisée par les blouses blanches et qu’il devait d’abord se reposer. Mais le mal, lui, ne se reposait pas, prenait des forces, de l’ampleur, comptait les jours, hâter la fatalité. A partir de ce moment, c’est lui qui a donné naissance au cas Sabrinel, le cas devient son cas, il retient la petite patiente dans un lieu qui n’est pas le sien, retarde les soins pressants, se fait fort de rejeter l’avis de son assistante qui, finalement, s’est avéré un bon pronostic. Il y a bien plusieurs autres médecins dans le service, le docteur Rabehi, celui déjà cité de Saighi ; mais, au fond, il n’y a d’abord que le professeur Mansouri, qui les dirige tous, qui les commande, car il impérieux, il n’admet ni résistance ni réplique, il entend gouverner seul le service entier. De ce fait, on ne croira jamais le supplice auquel il a soumis la malheureuse Sabrinel, la sottise de sa démarche dont il a voulu convaincre les parents, le diagnostique fou, issu de son imaginaire détraqué, une ineptie déconcertante, toute une entreprise dévastatrice.
Dieu ! cette première étape ! Elle est un enfer pour nous ses parents, un cauchemar pour qui la connaîtrait dans ses moindres détails ! Le professeur Mansouri reprend la malade, l’interne dans son service. Il persuade les parents, les convainc, leur dit qu’il sait le mal dont souffre leur fille. Devant Sabrinel qui fondait, et en présence des parents stupéfaits, il se tape la tempe, avec son index et dit : « La maladie de Sabrinel, je l’ai dans la tête ; c’est la maladie de Still ». J’avoue que je n’ai jamais, de ma vie, entendu parler d’une maladie qui porte ce nom. Mais, je me suis rendu à l’évidence de mon ignorance, n’étant pas médecin. En sortant de l’hôpital, je suis allé droit au cyber le plus proche. C’était pour me renseigner sur cette maladie, dont le dernier mot Still, résonnait dans ma tête comme les coups violents d’un marteau. En parcourant plusieurs sites Internet traitant de la maladie de Still, tant chez l’enfant (forme pédiatrique) que chez l’adulte, j’ai retenu un passage, répété bon nombre de fois : la maladie de Still, du nom du médecin qui l’a décrite, au siècle passé, est extrêmement difficile à diagnostiquer, parce que ses symptômes se confondent avec ceux de plusieurs autres affections. C’est pour cela qu’on l’appelle « Maladie de l’exclusion ». Je ne vais pas rappeler ici tout ce qui est dit sur cette maladie rare, cela prendrait des pages et des pages. Mais, je dirai tout simplement ceci : alors qu’on incite à approfondir les recherches, à éliminer beaucoup de maladies, à faire énormément de tests sanguins, ne négligeant pas le moindre aspect, et surtout faire œuvre d’expérience et d’excellente vision, le professeur, lui, a rapidement conclut à la maladie de Still. Quelle est cette intuition et quelle est cette expérience qui lui ont permis d’en arriver là en si peu de temps et avec si peu d’examens cliniques ? Je joints, pour confirmation de mes dires, les passages suivants : « Aucun signe ne permet de certifier la maladie », « Eliminer les diagnostiques différentiels est l’une des étapes les plus importantes lorsque la maladie de Still est évoquée, étant donné l’absence de signe clinique ou biologique capable de la certifier », « Les maladies à éliminer, correspondant aux diagnostiques différentiels sont : ( entre autres) des maladies néoplasiques, tels que des lymphomes ou certains cancers », « Cette étape d’élimination peut parfois paraître longue, car plusieurs examens sont en général nécessaires ; ce délai peut paraître anormalement long, d’autant plus que les symptômes de la maladie sont importants,(…)Mais, il est quelque fois indispensable (…) afin d’éviter les erreurs thérapeutiques ». Ailleurs, nous lisons ceci : « La maladie de Still peut être confondue avec plusieurs maladies aux symptômes similaires. Les principales maladies à éliminer afin de confirmer le diagnostique de la maladie de Still sont : certains cancers comme les lymphomes et les leucémies » ; enfin, « Par ailleurs, le profil sanguin peut permettre d’identifier les maladies sanguines cancéreuses, mais une biopsie de la moelle osseuse ou d’un ganglion est parfois nécessaire ». Rien de tout cela n’a été entrepris, pas même envisagé. Il s’empresse seulement de mettre Sabrinel sous sérum où on diluait un antifébrile, un des plus forts, de l’Aspégic, 100 mg par kilo, à intervalle régulier de quatre heures. Dès la première dose, la malheureuse s’arrache les cheveux, se cogne la tête contre le mur, hurle de douleur. Et l’instruction a été ainsi donnée, comme dans une caserne, de l’Aspégic, malgré cet effet secondaire torturant, tout cela basé sur un seul symptôme des plus légers, ces douleurs articulaires, qui n’est pas seulement un indice prêtant fortement à équivoque, il est aussi le plus répandu des signes, de ce fait il se révèle sans grande valeur symptomatique. Si j’insiste sur ce point, c’est que l’énormité est là, qui va commettre le crime, l’âcre et froid mépris du patient dont nos hôpitaux sont malades. Je voudrais montrer comment la faute médicale a pu être perpétrée, comment elle est occasionnée par l’outrecuidance du professeur Mansouri, comment le docteur Rabehi a pu s’y laisser prendre, engager sa responsabilité dans cette faute, contrairement au docteur Saighi qui a cru devoir passer outre le diagnostique établi, ce diagnostique qui portait en lui beaucoup de lacunes. Je ne verrai donc dans le premier que de l’incurie, et dans le second de l’intelligence. Je pardonne au premier, parce que je comprends qu’il cédait devant l’autorité d’un supérieur intransigeant. Il a été entraîné dans la sottise bien malgré lui.

Mais revoici Mansouri qui revient en scène, exigeant un respect absolu à sa consigne : continuer à administrer de l’Aspégic, en augmentant la dose si besoin est. Sabrinel se serait ouvert le front, crier comme une brûlée, jusqu’au paroxysme de la douleur, qu’on ne dérogerait pas à l’application stricte de la mesure. La maman est frappée de stupeur, elle crie au terrible de ce qui arrivait à son enfant, de ce supplice d’enfant dans toute son horreur ; et naturellement le médecin reste insensible. Jamais, il ne fut donné à la maman de vivre un châtiment aussi sévère. Elle appellera à l’aide, à la rescousse de sa fille qui convulsait. Mais on s’entêtait dans son attitude, sûr de son traitement. Est-ce donc vrai, des syndromes indicibles, des affections dangereuses, capables de faire souffrir le martyre, qu’on soigne avec de l’Aspégic ? Non ! Il n’y a derrière cela que l’imagination charlatanesque et opiniâtre du professeur Mansouri. Il s’entêtait pour cacher son désarroi, son égarement, une si énorme bévue qui aurait pu lui ouvrir les yeux, si son infatuation et son caporalisme ne les avaient pas couverts d’écailles. Et il suffit, pour vous en assurer, de suivre attentivement la thérapeutique choisie par le médecin.

Dieu ! l’absurdité de ce diagnostique ! Qu’un expérimenté ait pu se méprendre de la sorte, dénote la superficialité de ses efforts. Et il me souvient de l’avoir ouie dire dans la ville. Des médecins, dignes de ce titre, en prendraient connaissance, qu’ils se frapperaient la tête de stupeur et crieraient à l’ineptie de leur collègue, en pensant aux souffrance atroce qu’a enduré le petit ange de Sabrinel, âgée à peine de trois ans. Mansouri admet dans son service un enfant, au lieu de penser à l’orienter vers un service spécialisé, la pédiatrie : erreur. Il ne tient pas compte de l’avis de son assistante Saighi : erreur. Aucun signe clinique lu sur Sabrinel ne certifie la maladie de Still : erreur. Eliminer les diagnostiques différentiels est l’une des étapes les plus importantes, pour écarter tout risque de confusion, notamment avec les maladies néoplasiques. Cette étape est très longue, car plusieurs examens sont nécessaires. Aucun examen sérieux n’a été fait dans ce sens et Mansouri a vite tiré sa conclusion : erreur. Le corps souffreteux du patient réagit très mal au traitement. Mansouri ne se trouble pas, persiste et signe : suprême erreur. Et la déduction hasardeuse, et les assertions dénuées de preuves formelles et de vraisemblance ! On nous avait parlé de l’existence d’une inflammation : les analyses n’ont révélé qu’une toute petite, qui ne constituait pas de réel danger. Et nous avons appris que les assistants n’étaient pas d’accord avec la pathologie avancée ; ils se posaient même des questions sur l’inopportunité de Sabrinel dans le service, que le docteur Saighi continuait d’être dédaignée, parce que son idée s’affirmait de jour en jour. Et il ne faut pas négliger, en outre, que la maman se voyait royalement ignorée, abandonnée à son triste sort, ne sachant à qui se vouer, Mansouri, dont personne ne désirait subir les violentes foudres, ne se présentant au service qu’un jour sur trois. Ah Dieu des mondes, c’était un supplice de damné, dans un concert d’enfer où on quitte toute espérance. Dès lors, il ne me restait que mes yeux pour pleurer mon enfant auprès duquel les blouses blanches passaient et repassaient inutilement, et je m’en souviendrai : le chef de service a voulu la maladie de Still, l’a décrété, et il ne permet à personne d’en douter une seconde. Je la conteste, cette affection ; bien que, je le réitère, je ne suis pas médecin, je l’ai contesté dès le premier jour. Oui, il y avait des accès de fièvre ! oui, il y avait ces douleurs articulaires aigues ! Mais, il n’y avait pas d’éruption cutanée lors des pics de fièvre ! signe hautement important sans cela le diagnostique avancé n’aurait aucun fondement. Non, non ! C’est une grave faute ; et cela est d’autant plus dramatique et tragique qu’il s’obstinait durement sans qu’aucun membre du service n’ait pu le convaincre de son égarement.

Lorsque Saighi rentra de son congé, le 09 juin 2006, soit 21 jours plus tard, elle fut étonnée de retrouver Sabrinel dans un état lamentable, bien pire que celui où elle l’avait laissé ; elle fut d’autant plus surprise de la retrouver dans le même service. Elle prit sur le champ la résolution de l’évacuer en urgence, à bord d’une ambulance de l’hôpital, droit vers Frantz Fanon, pour un médulogramme. Depuis, je n’ai plus eu vent d’une quelconque protestation de Mansouri.

Voilà, monsieur le Président, la première étape dans ses moindres faits, étape dont le détaille expliquae comment une aussi grave erreur médicale a pu être commise. A partir de là, plus rien ne pouvait se rattraper. Et les rudes épreuves morales, les souffrances physiques, le martyre de Sabrinel, son continuel cri de douleur, font d’elle et de nous, ses parents, les victimes résignées, soumises à l’arbitraire du professeur Mansouri, du milieu hospitalier où nous nous sommes retrouvés, du désordre des professionnels, qui caractérisent nos hôpitaux.

Nous arrivons ainsi au second calvaire qu’eut à vivre Sabrinel. Six mois sont passés, beaucoup de fautes, de maladresses ont marqué nos consciences, meurtri nos cœur, de graves manquements à la déontologie, des écarts de conduite impardonnables, des impertinences de ton inadmissibles, un débordement d’outrages immondes à la vertu, ces mille indignités que nous avons dû supporter, avaient fini par achever nos espérances, tuer notre enfant et déshonorer nos hôpitaux.

Je ne vais pas reproduire dans cette seconde étape le cheminement de la première, ni relater les faits dans leur détail. Je risquerai de vous ennuyer par des redondances probables et agacer le lecteur. Parce qu’à Béni Messous, où mon enfant fut admis au service d’oncologie du professeur Khiari, grâce à l’intervention d’un ami de l’université, il s’est passé des choses bien plus graves. Sur la base du résultat du médulogramme, fait deux fois pour confirmation, Sabrinel est déclarée enfant leucémique, présentant une leucémie aigue myéloblastique avec des manifestations osseuses, associées à une splénomégalie, atteinte palpébrale et des signes d’insuffisance médulaire sévère. Ah Seigneur ! comme j’ai dû détester Mansouri ce jour-là, lorsque j’ai appris le véritable mal de ma fille ! comme la pauvre a dû endurer ! La fameuse maladie de Still n’était, finalement, que le fruit d’une extraordinaire imagination. Et c’est en considération de cette grave maladie que le docteur Khiari affecte à Sabrinel sa meilleure résidente, le docteur Boukroucha. Son devoir était d’assister particulièrement l’enfant qui se portait très mal. Elle soumit Sabrinel à un test sanguin, qui révèle une hémoglobine et des plaquettes au plus bas de leur niveau, d’où l’urgence d’une perfusion sanguine. A ce moment, apparaît la première carence : la banque ne contenait pas une goutte de sang. Il a fallu ameuter tous les membres de ma famille, ceux de ma belle famille et des amis pour en trouver. Dès lors, je commençais à nourrir des doutes légitimes et j’ai demandé à m’entretenir avec le chef de service, auquel j’ai soumis mes inquiétudes. Quelle ne fut ma joie de l’entendre parler ainsi, avancer des certitudes absolues. Il avait la conviction profonde d’un médecin jouissant d’une grande puissance sur le Lam7 : « Ne vous tracassez pas, monsieur Mesdour, m’assura-t-il, ici, nous avons les moyens d’éradiquer ce mal ». Dieu du ciel ! Est-ce la certitude qu’ils tiennent la vérité qui rend nos médecins si cruels ? Devant tant d’assurance, le doute m’envahit, et la détresse commençait de me travailler. En tant que père, je me devais de remplir ce devoir jusqu’à mes limites humainement admises. J’ai décidé alors d’outrepasser le seuil de la bienséance et de l’humilité. Je me suis adressé une nouvelle fois au professeur Khiari. J’ai insisté auprès de lui, au nom de Dieu et de son humanité, propre au professeur. Je l’ai supplié même, lui disant de me tendre sa main pour évacuer Sabrinel vers l’étranger, appréhendant le terrible drame qui s’annonçait, et qui allait s’abattre, lorsque la maladie aura triomphé d’eux. Ce fut effroyable le langage que me tint le professeur Khiari : « Vous ne bénéficierez pas de la prise en charge même si vous gagniez toute l’Algérie à votre cause ; de plus, je ne signerai pas la demande à présenter à la commission nationale…Je l’ai fait pour un membre de ma famille, une fois, et la commission a rejeté ma demande ».
Le docteur Bouterfes, une assistante du service, entame aussitôt la première cure sans aviser personne. Elle ne soumit donc pas à son supérieur hiérarchique, le professeur Khiari, le protocole chimique qui allait être appliqué. Ce dernier, visiblement non content, grommela à son adresse quelques paroles vives, paroles qui se sont avérées, par la suite, bien justifiées. Cette première cure dura du 18.06 au 24.06, et ce qu’il faut affirmer bien haut, c’est que le docteur Bouterfes a préparé seule le protocole thérapeutique, c’est que ce protocole a été mal élaboré et sciemment mal élaboré. Une lecture du rapport par des médecins spécialisés avait décelé cette anomalie grave. Ce premier protocole thérapeutique en question, appelé phase d’induction, dont dépendait toute la réussite de la thérapie, et donc la rémission du mal, mentionnait dès le J1 une drogue qui ne devait pas être administrée. Le Daunorubicine : 10mg / m2 soit 5,7 mg. Il est même mentionné, dans le même rapport, que cette drogue fut appliquée à la place du Metoxontrone, plus approprié, faute de celui-ci. Quand on m’a expliqué les conséquences qui en découlaient, cela me fit un tel saisissement, que je suis resté un quart d’heure tout pâle, sans pouvoir me remettre. Car la substitution d’équivalents entraînait inexorablement la condamnation de Sabrinel ; et c’était ce que Bouterfes venait de signer.

Nous dûmes, ma femme et moi, vivre un moment de terrible angoisse. Bouterfes avait toutes les latitudes de ne pas entacher sa réputation de médecin, elle pouvait avoir l’honnêteté de dire la vérité sur la pénurie du Métoxontrone. Elle n’osa pas, dans le tourment sans doute de la honte, certainement aussi dans la terreur de se voir subir les affres de l’humiliation qui suit une faute qui, à ce moment, n’était pourtant pas la sienne : la pénurie. Cependant, j’aime à croire que ce ne fut là que l’empressement de mettre la malade sous traitement et ce qu’elle jugeait n’être qu’une permutation sans grave contrecoup. Mais, quand le protocole fut analysé par d’autres confrères, des nationaux et des étrangers, il était clair, elle se rendait responsable d’une erreur médicale, elle s’était compromise en choisissant d’agir seule, elle était donc coupable d’un crime au même titre que les autres. A mes yeux, elle l’est plus que les autres ; car elle pouvait dire le produit manquant, on se serait débrouillé pour le trouver comme nous avons toujours agi pour alimenter notre enfant en sang ; or, elle n’a rien fait. J’ose espérer, qu’après cela, le docteur comprendra, et à juste titre, qu’il n’existe pas de drogue qui peut suppléer une autre, surtout et surtout, dans le cas d’un cancer des plus méchants que celui de ma fille. Agir seul, en étant membre d’une équipe médicale, travaillant dans et pour le même service, est, sans conteste, la tare, le vice qui entre dans la composition de notre corps médical.

Ce fut, plus tard, un langage tout aussi incorrect que le docteur Boukhellal, une autre assistante du service, tint également à ma femme, lors d’une consultation générale, précédant la troisième consolidation. D’abord elle lui fit comprendre que cette troisième cure était tout à fait inutile, du fait que les deux premières n’avaient donné aucun résultat intéressant ; cela signifiait que Sabrinel, qui vomissait du sang à ce moment, était un cas désespéré, voire incurable. D’ailleurs, le docteur ne tarda pas à pousser dans l’expression, à voix forte et claire, dans la grande salle sonore, devant toutes les mamans rongées d’angoisse et les petits enfants qui s’étaient retournés et l’écoutaient, leurs grands yeux pleins d’une pitié inquiète. Sabrinel, à qui ce discours s’adressait en particulier, écoutait, elle aussi, avec une gravité de grande personne.
_ Ecoutez, dit Boukhellal, regardant ma femme, je ne suis pas d’accord avec cette troisième consolidation ; je la vois inutile, parce que les précédentes n’ont fait aucun effet et celle-ci ne ferait que fatiguer davantage l’enfant. Croyez-moi, reprit-elle, rentrez chez vous, prenez votre fille, nourrissez-la convenablement, laissez-la jouer avec son frère, donnez lui de la morphine autant qu’il en faut. Je vous ajoute qu’il est tout à fait inutile d’envisager son déplacement à l’étranger. Que ce soit en France ou aux Etats-Unis, on ne fera pas mieux pour elle, la guérison relève du domaine de l’impossible. Et puis, madame, vous êtes jeune, vous êtes encore en mesure d’enfanter…
C’était un flux et un reflux de propos à hébéter le plus fort des cerveaux. Ma femme me rapporta les paroles avec un accent si douloureux que j’en avais le cœur déchiré. Non ! je persiste et signe, le crime était commis, le service d’oncologie de Beni Messous ne pouvait plus le cacher.
Il fallut user d’appui pour que Bouterfes daigne procéder à la troisième consolidation. Et Sabrinel fut envoyée à la maison après, où elle étonna son entourage en se tenant debout, marchant sans s’agripper à des choses ; pour la première fois depuis bien longtemps, elle accepta de se nourrir. A l’hôpital Mustapha, au Centre Pierre et Marie Curie, où elle a été déplacée pour un nouvel examen, le professeur Saïdi nous révéla, en se basant sur les résultats du médulogramme, que la moelle ne montrait pas de cellules blastiques. On ne pouvait pas parler de rémission, mais, il y avait tout lieu de croire qu’on y arrivait. C’est la preuve que la troisième consolidation avait vraiment fait de l’effet, un bon effet. Seulement, il y a des efforts qu’on ne veut pas fournir.
A Paris, Sabrinel se présenta à l’hôpital Saint Louis, et ce pour y subir des examens plus approfondis. Nous avons profité du délai imparti entre les deux cures, quinze jours, pour l’emmener en France. Nous voulions nous enquérir d’un autre avis, voir d’autres médecins. A la lecture du volumineux dossier médical, le professeur Baruchel dénonça d’emblée la cure d’induction comme la véritable cause originaire de la faute, au moment où le docteur Bouterfes avait remplacé le Mitoxantrone par le Daunorubicine. Cette substitution a non seulement mis en échec le traitement entier, mais a rendu inopérante toute révision thérapeutique. Ce fut l’écroulement de toutes nos espérances. En vérité, il fallait élaborer la phase d’induction sur le modèle de la troisième consolidation qui, celle-là avait donné un excellent résultat. Bientôt les fièvres reprirent Sabrinel et nous dûmes l’évacuer en urgence, un soir, sur l’hôpital Necker. Des tests sanguins révélèrent une forte remonté des cellules blastiques, au taux de 24 %. Dès lors, le désespoir de la situation n’avait plus qu’un remède palliatif, Bouterfes ayant épuisé tous les expédients.
De retour en Algérie, l’état de santé de Sabrinel s’est grandement détérioré. Ses douleurs osseuses reprennent, très vives ; son visage pâlit et son corps s’étiole à vue d’œil. Elle en est arrivée à ne plus pouvoir marcher. A Béni Messous, lorsque nous lui avons appris que nous revenions de France, le docteur Boukhellal manifesta ouvertement son déplaisir. Un clair dédain se lisait sur son visage. Alors, elle se contenta de suivre à la lettre les recommandations de Baruchel dans son traitement palliatif. Et malgré son état de santé déplorable, et nos supplications, elle a refusé d’hospitaliser Sabrinel ; il semblerait même qu’elle a donné des directives dans ce sens. Nous avons dérogé à son conseil, nous avons cherché à soigner notre enfant ailleurs, c’est ce qu’il ne fallait pas faire. Puis, c’est le docteur Bouterfes qui a pris le relais, en rédigeant une lettre de recommandation, à remettre au service de pédiatrie, de l’hôpital de Boufarik. Ce jour-là, en prenant la lettre, j’avais le sentiment qu’on cherchait à nous expulser, ma fille, ma femme et moi. On s’était vus tels des indésirables en terre étrangère.
Nous avons demandé quels étaient les motifs de notre orientation sur l’hôpital de Boufarik. On nous expliqua que c’était pour éviter les peines de déplacement à Sabrinel, en cas d’aplasie sévère. Mais, un soir que l’enfant allait très mal, le docteur Rahmoune, chef de service pédiatrie de Boufarik appela Béni Messous pour une hospitalisation urgente. Bouterfes refusa d’accéder à la demande pour le motif futile qu’il n’y avait pas de lit disponible. Et c’est là que nous avons appris la véritable idée qui se tramait derrière la réorientation. Car, au fond, réorienter Sabrinel n’était qu’une vulgaire machination destinée à l’éloigner de Béni Messous, tant qu’elle était vivante. O Saints Justes, quelle horrible arrière-pensée, quel machiavélique dessein écrase mon cœur. On était prêt à lui fournir autant de drogue qu’elle voulait, mais il n’était pas question de la réadmettre dans le service pour qu’elle n’y meurt pas, pour qu’elle ne soit pas porter « patient décédé » sur le registre du service. Mais, Grand Dieu pourquoi ? Dans quel but précis ? Donnez-nous une raison valable, bonnes gens ! Est-ce parce qu’il y a un tas de papiers à présenter avant de pouvoir retirer le corps ? Et bien non ! Le joli de l’histoire est que les bonnes âmes du service d’oncologie de l’hôpital de Béni Messous sont tenues d’avancer des bilans avec statistiques à l’appui à tous les séminaires tenus. Ces gens-là crânent pour maintenir à leur service une statistique rationnellement admise des décès. Oui, on s’empresse d’admettre un nouveau patient, mais on montre tout autant d’empressement à le chasser dans ses dernières heures, s’il s’avérait incurable. Oui, nous avons affaire à des êtres vils, des médecins accablés d’erreurs et de crimes dont on vante les prouesses, tandis qu’on sape la vie d’innocents enfants ! Nous avons affaire à des tracassiers, qui mettent la ruse à la place du savoir, qui tendent des pièges au patient et à ses parents, les deux occupés par la maladie, et qui ne peuvent s’en apercevoir, et tout déterminés à les prendre en faute, comme c’est mon cas, et celui de plusieurs autres, pour vite leur faire porter l’accusation. Raghda, Rahma, Oussama, Yasser ! Tous ces anges ont été pris en charge, voués à la mort par les mêmes empiristes, suite aux mêmes erreurs et vite éloignés du service pour ne pas être comptabilisés. Ah ! Monsieur le Président, quand des médecins en arrivent là, c’est que notre système de santé se trouve dans les profondeurs du pourrissement.

A Boufarik, Sabrinel s’éteignait inexorablement, et l’on pouvait deviner de quelle façon. A l’hôpital, où elle fut admise au service de pédiatrie, le petit ange continuait de subir l’incorrection des médecins, d’autres médecins, et leur mauvais traitement. Un soir, où elle palissait à vue d’oeil, où son hémoglobine était à 6.5, ma femme, prise d’une grande terreur panique, suppliait pour une transfusion. Et c’est là que Zorroro parut. Des témoignages irrécusables, en dehors de ceux de ma femme, dont je n’ai pas voulu tenir compte au départ, la décrivaient comme méchant médecin, dont la cruauté trouvait sa satisfaction dans la souffrance des autres. D’emblée, et malgré la note du chef de service, dans laquelle cette dernière avait précisé le seuil d’alerte, elle refusa la transfusion avec la brutalité d’un sbire, arguant que l’enfant n’en avait point besoin.
_ Maman ! Ne pleure pas maman ! répétait Sabrinel, sans force, je sais que je te fais pitié ! Tata ne veut pas me faire du sang.
Et il fallut l’intervention du docteur Rahmoune, unique praticien à écarter du lot des méchants, pour que Zorroro se plie. Quinze jours, plus tard, un autre soir, Sabrinel se trouvant au plus mal, une hémorragie cérébrale, Zorroro refuse de procéder à une transfusion pour faire remonter les plaquettes. Qu’a-t-elle avancé comme argument, pour cette fois ? L’enfant n’en avait pas besoin, ou du moins, plus besoin, car il était en train de trépasser ; pire encore, elle va jusqu ‘à conseiller la maman de ne point tenter un quelconque acte de sauvetage, qu’il valait bien mieux la laisser s’en allait enfin, pour le bien de celle-ci, pour son repos. Devant ma fille qui convulsait, terrassé par une hémorragie cérébrale, dans les bras de sa mère abattue de douleur, elle étonna son monde par la violence de ses propos et l’impudence de son attitude.
_ Pourquoi pleures-tu ? dit-elle à ma femme. Laissez-la (parlant de ma fille qui mourait), résigne-toi à la volonté du Seigneur ! Elle agonise, elle va mourir, tu vois bien, il n’y a plus rien à faire !
La maman pleurait, se répandant en gémissements et en prières ; et dans ses sanglots, elle suppliait en vain qu’on lui vienne en aide, qu’on daigne remonter les plaquettes de son enfant qui se perdait tout son sang. Puis, tout d’un coup, Zorroro adopte une nouvelle conduite, surprenant le service par sa volte face. C’est qu’une injonction lui avait été faite, elle avait reçu un appel téléphonique la sommant de procéder à la perfusion. Je ne puis m’empêcher de voir là un monstre en reconnaissant les traits de caractère d’une personne très cruelle, faisant preuve d’une méchanceté, d’une perversion inhumaine. Sa certitude, Sabrinel à l’agonie de la mort, elle aurait voulu la défendre. Son revirement, que je n’attribue nullement à un soubresaut de bonté, n’est rien autre que cette disposition morale propre au corps, de cette facilité d’empressement à conclure, si tragique, qui méprise le devoir pour céder aux sollicitations d’un collègue.
_ Ecoutez, disait-elle au téléphone, je vais le faire, mais c’est uniquement pour faire plaisir à la maman !
Quatre jours après, un après midi de beau soleil, je quittais Sabrinel, la laissant au plus mal de sa petite existence d’ange malade. Elle respirait très mal, son cœur et ses petits poumons fonctionnaient péniblement, fortement écrasés par un liquide ; ce même liquide transparent qui finit par lui sortir du nez, mélangé à du sang.
_ Maman ! Je t’aime, maman !
Dehors, je vivais un grave moment de dépression, j’allais fendre en larmes, lorsque j’ai eu l’idée d’appeler un ami de la Mecque. J’ai préféré lui envoyer un message.
_ Je t’en conjure par Dieu, mon ami, de prier à la porte de la Kaaba, pour mon enfant qui, en ce moment, souffre le martyre.
Je n’avais pas reçu une réponse, que ma femme m’appela, me priant de me présenter urgemment. Quand je suis arrivé, mon ange avait quitté ce monde qui ne l’a pas aimée, ce monde plein d’adultes méchants qui n’aiment pas les enfants. Son corps était encore chaud, je n’ai pas eu le temps de l’embrasser, de lui dire au revoir. Avant de s’en aller, Sabrinel a laissé un message à sa mère, à sa mère seule, qui l’avait accompagnée durant ce tragique voyage de la douleur.
_ Maman ! Ne pleure pas, maman hanouna !
C’était le 12 février 2008, à 17.20

Telle est la fin de la courte vie de Sabrinel, une cessation, non par anéantissement, mais par achèvement. Et, au fond, c’est toujours le service hospitalier qui se met en cause, qui ne veut pas reconnaître ses carences, et dont le désordre et la gabegie redoublent de jour en jour.
On se demande tous avec stupéfaction quels sont les auteurs de cette situation. C’est d’abord, dans le propre, la carence en déontologie de nos médecins. C’est cette absence de morale qui est à l’origine du désastre qui règne dans nos centres de santé. On abandonne volontiers un malade au risque d’affreuses souffrances, lorsqu’on juge qu’il n’a plus que quelques jours à vivre, alors qu’ailleurs, les jurés du serment d’Hippocrate s’imposent un suivi strict, une réanimation à tout prix, un respect absolu à la vie, ce qui n’est, disent-ils, que leur devoir. On devrait penser à ne pas laisser n’importe qui faire médecine, bannir la moyenne de sélection du 13.5 ou du 14 qui permet l’accession à une science aussi noble. A mon sens, un test d’aptitude psychologique serait bien plus approprié. Plus haut, un syndicat, composés exclusivement de médecins d’une moralité irréprochable avérée, doit incessamment voir le jour, pour réprimander et même écarter ceux de leurs membres qui se rendraient coupables de faute contre la déontologie, contre la probité professionnelle, contre l’honneur médical. L’une des graves fautes que nos médecins commettent, en étant convaincu de son bien fondé, c’est le mensonge. Le docteur Khiari m’a certifié que son service jouissait d’une parfaite maîtrise du lam7. Non seulement, il n’en est rien, mais bien pire encore, comme beaucoup de ses confrères, il me tenait un langage honteux eu égard à la corporation qu’il représente avec son titre. Puis, c’est la carence en médicament ou drogue appropriée, qui amène les praticiens à jouer des équivalences, puisqu’ils ne peuvent laisser un protocole amputé. Et le beau résultat de cette situation de défaut est que le patient, en pleine cure, ignorant des retombées, va être la victime, celui qui fera les frais de l’expérimentation macabre et qui verra son affection s’aggraver. Dieu des mondes ! Qu’Il me pardonne ce que je vais dire ! Quand j’ai appris que l’on se hâtait de renvoyer chez lui un condamné, de surcroît que le service à lui-même condamné, pardonnez-moi encore une fois, je n’ai pu m’empêcher de penser aux Nazis qui éliminaient tous ceux qu’ils jugeaient inutiles en besogne.

Comment peut-on espérer guérir ce qu’on a soi-même rendu inguérissable ?

Je termine ma lettre, que je trouve moi-même déjà longue, en disant un mot, un mot que je veux fort, sur ces médicaments, sur ces drogues dont la date de péremption a été dépassée, parfois d’un mois, comme c’est le cas pour le sérum de Sabrinel. Et le comble, Bouterfes certifie, ô affreuse déontologie, que le liquide demeure efficace et bon même trois mois après sa date de péremption. Cherche-t-on à faire gagner de l’argent à l’Etat en empoisonnant les malades ? Ayons pitié des enfants, Dieu vous le rendra !

Je ne parlerai pas de la saleté des lieux. Le grand souci de l’hygiène, cette partie de la médecine, qui traite des mesures propres à conserver et à améliorer la santé. Je laisse le soin à d’autres, à ceux-là mêmes qui n’ont rien dit encore et qui certainement brûlent d’aborder des choses ; je leur laisse le soin d’évoquer longuement l’insalubrité des lieux, de cafards et de toutes sortes de bestioles, qui gravitent autour des malades, sans la force d’esquisser le petit geste faible pour les écarter seulement.

Voilà donc, le long cheminement, jalonné de souffrances, de mauvais traitement, que vécut ma douce Sabrinel, qui gît aujourd’hui sous terre, au cimetière de Bendriss, à Boufarik, assassinée par la négligence et l’outrecuidance. Monsieur le Président, il s’agit là d’une vérité dont j’assume les conséquences et je sais que s’il arrivait à ma lettre d’être publiée, je cours le fort risque de me voir traduit devant les tribunaux. Mais, je l’accepte, je suis prêt à affronter tout ce monde que j’ai dénoncé. Car, en mon âme et conscience, je n’ai fait que mon devoir de mettre au grand jour les bourreaux de ma fille, de Raghda, de Rahma, de Oussama et de Yasser, que Dieu ait leur âme et les fasse entrer dans Son vaste paradis.





Texte traduit de la langue arabe
Le père de sabrinel
Fares MESDOUR
(Charge de Cours a l'Université de Blida)





quel crime peut-on commettre au vu et au su de tout le monde sans etre puni?je souhaite vivement que votre lettre soit lue par votre président et que vous obtiendrai gain de cause. que dieu ait pitié de la petite sabrinel.
barbara karine - enseigante - nancy
18/05/2008 - 1322

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