Un contentieux dont les conséquences sur l’activité de l’entreprise en Algérie sont aujourd’hui désastreuses.
Le conflit opposant l’entreprise familiale, Orangina Algérie, à la société française, CFPO, au sujet de la propriété de la marque de boisson est en passe de devenir un cas d’école dans le droit commercial algérien. De procès en procès, la bataille juridique que mène depuis une quarantaine d’années Maâmar Djgaguen, propriétaire d’Orangina Algérie, montre à quel point les méandres de la justice peuvent embrouiller un litige, pourtant simple à l’origine, et le rendre dur à dénouer. Un litige dont les conséquences sur l’activité de l’entreprise sont aujourd’hui si désastreuses qu’aucune perspective de développement n’est en vue à court terme.
A 76 ans, affaibli par le poids des années, mais surtout par les tracas juridico-financiers de ce conflit, Maâmar Djgaguen lègue la gestion de l’entreprise à sa fille qui, comme lui, met le rétablissement de la vérité et le règlement définitif du litige au cœur de ses préoccupations. Pour elle, «dès lors que toutes les voies de recours ont été épuisées, la justice doit, aujourd’hui, trancher une fois pour toutes en notre faveur et nous laisser travailler», d’autant que «nous possédons toutes les données et preuves qui ne laissent aucun doute que la marque Orangina est algérienne», précise-t-elle.
Le marché algérien des boissons étant actuellement en pleine croissance et rudement concurrentiel, l’investissement devient, dès lors, une nécessité pour tout industriel qui désire s’imposer dans cette filière.
«Du point de vue notoriété et qualité, notre produit est largement apprécié par les consommateurs. Il se trouve, cependant, que la capacité de production n’arrive pas à satisfaire toutes les demandes que nous recevons. C’est la raison pour laquelle nous voulons étendre notre production à l’est et à l’ouest du pays, mais ce litige qui traîne depuis des années nous en empêche», explique la fille du patron d’Orangina.
Ce dernier, approché même par Cevital, Ifri et autres opérateurs du secteur pour un éventuel partenariat, a dû décliner plusieurs propositions, non pas parce qu’elles ne sont pas économiquement intéressantes, mais parce que tous les projets d’investissement de l’entreprise sont mis en veille, en attendant que la Cour suprême prononce une décision irrémédiable et définitive sur cette affaire.
Le seul grand investissement de 400 millions de dinars que le producteur d’Orangina Algérie a engagé en 2004 concerne l’installation d’une nouvelle unité de production dans la nouvelle zone industrielle sur la route de Beni Tamou.
L’usine, la seule sur le territoire national qui dispose d’un pasteurisateur pour traitement thermique, produit Orangina en bouteilles en verre pour une capacité de 10 millions de bouteilles par an. Elle peut doubler ou tripler en augmentant le nombre d’équipes. A cela, il faut ajouter la production sous-traitée exclusivement pour la marque dans le complexe de Zaïm qui produit les bouteilles en plastique de 33 cl, 1,5 l et 2 l en PET.
Un complot ourdi
Convaincu qu’il s’agit d’un véritable complot qui se trame contre la marque pour lui ôter son «algérianité», Maâmar Djgaguen dit tout de même avoir confiance en la justice algérienne et croit dur comme fer que celle-ci finira par rétablir la vérité. Les documents en sa possession prouvent, en effet, qu’il est le premier à avoir déposé la marque le 26 décembre 1969 à l’Office national de propriété industrielle (ONPI).
Le renouvellement de l’enregistrement, prévu tous les dix ans, a été également respecté et sa validité court jusqu’en 2019.
L’autre argument qu’il fait valoir devant la justice est un jugement de 1971 du tribunal d’Alger lui conférant la qualité de «seul propriétaire de la marque Orangina» et sanctionnant son adversaire, Antoine Montserrat, pour avoir exploité illégalement la marque.
Bien qu’ayant signé avec Maâmar Djgaguen un protocole d’accord le 19 avril 1977, lui reconnaissant la propriété de la marque Orangina et son exploitation en Algérie, la CFPO tente, avec l’ouverture de l’économie algérienne au début des années 2000, de revenir en Algérie par le biais du groupe Sidi El-Kebir qui obtient une autorisation à embouteiller des sodas sous la marque Orangina Algérie.
Pour démontrer la complicité de hauts responsables de l’administration algérienne dans ce complot, Maâmar Djgaguen nous montre une lettre adressée à l’ambassade de France dans laquelle l’ex-ministre de l’Industrie, El Hachemi Djaâboub prend partie pour la CFPO en informant l’ambassadeur de France à Alger que «les décisions de justice ordonnant de rayer la CFPO des registres du commerce et des marques déposées à l’Inapi ne seront pas exécutées tant qu’elles n’ont pas été transmises à l’Institut». Pour lui, c’est clair, «El-Hachemi Djaâboub travaille pour l’intérêt de l’étranger en favorisant le retour de la CFPO en Algérie. Il ne s’est pas gêné, pour cela, à se compromettre et à prendre partie contre son compatriote».
Les soucis de l’entreprise ne s’arrêtent pas là puisque «les comploteurs, qui voudraient contourner les décisions de justice, seraient en train de voir comment relancer leur projet en passant par un autre opérateur national connu dans la filière boissons. Les jours à venir nous dévoileront ce qui se trame contre nous», nous dit-on encore.
Lyes Mechti
Posté Le : 26/12/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Lyes Mechti
Source : El Watan.com du mercredi 26 décembre 2012