Entre le Gué du Bou Roumi et celui de l'Oued Djer, au pied de l'Atlas Tellien, de basses collines s'avancent sur les alluvions de la plaine. Elles dominent et surveillent les routes antiques de Sufazar (Blida) à Cesarae (Cherchell) et la voie romaine de l'Oued Djer au Chélif f par Miliana et Appidium Novum (Affreville). Point de passage obligatoire au sud des marécages du lac Halloula et de la Mitidja, ce tronçon de route a toujours été le lieu des batailles que livraient les montagnards avides, encadrés par les Turcs, aux caravanes et aux voyageurs mal gardés, ainsi qu'aux laboureurs de la vallée... El Affroun...
Entre le Gué du Bou Roumi et celui de l'Oued Djer, au pied de l'Atlas Tellien, de basses collines s'avancent sur les alluvions de la plaine. Elles dominent et surveillent les routes antiques de Sufazar (Blida) à Cesarae (Cherchell) et la voie romaine de l'Oued Djer au Chélif f par Miliana et Appidium Novum (Affreville). Point de passage obligatoire au sud des marécages du lac Halloula et de la Mitidja, ce tronçon de route a toujours été le lieu des batailles que livraient les montagnards avides, encadrés par les Turcs, aux caravanes et aux voyageurs mal gardés, ainsi qu'aux laboureurs de la vallée... El Affroun... ce nom de lieu, transmis par la langue du pays, évoque les plus terribles réalités le vol, le pillage, le viol et le rapt des femmes, la razzia des troupeaux, l'incendie des habitations, la torture et le meurtre des hommes qui défendaient leurs familles ou leurs pauvres moyens de subsistance, en un mot, l'oppression : c'est tout cela qu'a fait cesser la pacification française à partir de 1840.
-De 1848 à la fin du XIXe siècle, l'histoire d'El Affroun est l'histoire douloureuse de la plupart des villages de colonisation de la Mitidja, de leurs débuts souvent tragiques, dans des territoires infestés de paludisme, avec le typhus, le choléra, la dysenterie endémiques. Les pionniers de la colonisation agricole de 1848-1849, suivis des déportés de 1850 et des colons libres des années suivantes, ont peu à peu transformé cette "terre infernale ", comme on l'appelait alors. Ils n'avaient pas eu la chance de trouver réunis, sous un climat modéré, un sol facile à exploiter, et de l'eau en quantité suffisante pour les hommes, les animaux et leurs cultures. Leurs efforts furent rudes, à la mesure de la nature hostile, et le succès vint lentement. Cette lenteur, d'ailleurs, n'est pas seulement imputable aux tâtonnements et aux erreurs individuelles ou collectives des colons il serait contraire à la vérité historique d'ignorer les lenteurs de l'Administration de ce temps, qui pesèrent lourdement sur l'avenir de cette colonie agricole. Rien n'était fait de ce qu'elle avait promis
Les maisons n'étaient pas construites, les rues n'étaient marquées que par des piquets fichées en terre. Les arrivants furent entassés pêle-mêle dans des baraques où la promiscuité rendait la vie douloureuse. Les semences annoncées par l'Etat n'arrivaient pas, le matériel agricole, même l'outillage de jardin, était de qualité plus que médiocre. La viande, corrompue et immangeable, fut supprimée, puis remplacée par de la morue
Cependant - les documents historiques en témoignent - les colons de 1848 n'ont pas plus mal réussi que ceux établis par l'Etat, en Algérie, à d'autres époques. S'il y eut des défaillants, ils furent remplacés au fur et à mesure. Quand ils eurent surmonté les mille inconvénients provenant d'un changement de climat, et du bouleversement de leur vie, de leur métier, de leurs habitudes, ils se montrèrent aussi tenaces, aussi travailleurs, aussi économes que leurs devanciers ; ils ajoutèrent à ces qualités un esprit d'initiative et d'entreprise qui les conduisit au succès. Les épreuves ne leur avaient pas été épargnées : les terribles épidémies causaient l'encombrement des cimetières, les tremblements de terre qui laissaient toutes les maisons en ruines et des dizaines de cadavres sous les décombres, les nuages de sauterelles qui ravageaient les récoltes, apportant avec elles la famine et le typhus; toutes les angoisses et toutes les souffrances, les pionniers les ont endurées de 1848 à 1870 avec une ténacité et un courage indomptables. Quand l'industrie du crin végétal, de création récente dans le Sahel, fut transportée, en 1869, à El Affroun, le bien-être entra partout: les salaires et les profits améliorèrent la condition générale. Jusqu'à la grande époque de la viticulture, on peut dire que les colons de ce pays ont vécu et prospéré de la production de crin végétal. Mais le destin d'El Affroun fut définitivement fixé quand vinrent la vigne et le tabac, cultures riches et sociales. L'esprit de collaboration, de mutualité et de coopération fut la force vive et le levier qui donna tout son essor à cette belle région. Comme dans toutes les autres régions agricoles de l'Algérie, cet esprit se manifesta par d'importantes réalisations et créations, parmi lesquelles les associations agricoles méritent la première place.
Les Associations agricoles d'El Affroun se sont attachées à réaliser une oeuvre double : - créer des institutions tendant à l'accroissement de la richesse générale, c'est-à-dire une amélioration de la production agricole, en utilisant comme moyen d'action la coopération. L'ensemble de ces institutions forme ce que l'on peut appeler l'oeuvre économique ; - créer d'autre part des institutions tendant à faire profiter la population entière de la prospérité ainsi accrue, en contribuant au mieux-être de tous : c'est là l'oeuvre social
EL AFFROUN,INSTITUTIONS ECONOMIQUES
La Caisse Régionale d'El Affroun s'est fixée pour but essentiel de faciliter, par le crédit, la tâche combien difficile des colons et des fellahs. En 1955, les prêts consentis se sont élevés à plus d'un milliard et demi de francs, dont furent bénéficiaires 200 sociétaires européens et 450 sociétaires musulmans. Par ailleurs, administrée de façon très souple, elle est devenue familière à la majeure partie de la population de la région, qui lui confie toutes ses opérations bancaires et d'importants dépôts de fonds. Elle a vraiment été, et reste encore, la base solide sur laquelle repose tout ce qui existe dans la zone d'El Affroun en fait d'oeuvres mutualistes et sociales, dont la création eût été impossible sans elle.
Le Syndicat Agricole d'El Affroun : son rôle est de grouper les commandes de ses adhérents afin d'obtenir des conditions de prix intéressantes, en même temps que des produits d'une qualité indiscutable. - La Tabacoop de la Mitidja est certainement l'une des créations dont le succès a été le plus complet. La Tabacoop joue un rôle de premier plan dans la culture du tabac de la région, en défendant le producteur et en s'efforçant d'améliorer la culture. Elle groupe : 849 sociétaires - dont 643 Musulmans -' et 2.028 usagers - dont 1.837 Musulmans. En 1955, les apports se sont élevés à près de 40.000 quintaux, représentant environ 600 millions de francs. - La Cave Coopérative d'El Affroun, comme toutes les autres, si répandues en Algérie, rend de très gros services aux petits propriétaires, qui ne peuvent pas posséder une cave personnelle. - La Viticoop d'El Affroun a pour but la distillation des vins, des lies, des marcs, et la rectification des alcools ainsi produits. Elle groupe 89 adhérents, en grande majorité d'origine européenne. - Le Syndicat d'Elevage permet aux agriculteurs d'améliorer leur cheptel dans de bonnes conditions. - El Affroun-Assurance pratique tous les genres d'assurances agricoles selon la forme mutualiste. Ses clients sont au nombre de 253, parmi lesquels on compte 106 Musulmans. - Ce rapide exposé, forcément incomplet, suffit à montrer que, grâce au fervent esprit mutualiste des colons de la région d'El Affroun, à l'origine seuls artisans de la coopération, les conditions de la production agricole ont pu être notablement améliorées.
INSTITUTIONS SOCIALES
Les Associations agricoles d'El Affroun auraient jugé qu'elles avaient incomplètement rempli leur rôle si elles n'avaient pas prolongé leur oeuvre économique par un ensemble de réalisations sociales de même envergure. Ici comme là, l'idée directrice a été d'étendre à tous des bienfaits réservés à une minorité de privilégiés. En particulier, les Associations Agricoles ont fait porter leur effort sur la population indigène, cherchant à la faire profiter de leur activité économique et à l'associer à leur oeuvre. - El Affroun-Assurances sociales. Cet organisme, créé en 1949, assure le service de la S. Sociale dans le secteur agricole de la région. Cette caisse perçoit les cotisations patronales et ouvrières, constitue les dossiers éventuels de ses assujettis et paye les prestations correspondant aux maladies. Elle verse, d'autre part, un pécule à la naissance et un capital aux ayants-droit de l'assuré social décédé.
El Affroun - Assurances Sociales groupes 2.000 assujettis, correspondant au personnel des 190 propriétés de sa circonscription. - L'Ecole Professionnelle forme, depuis 1933, des ouvriers spécialistes de la motoculuture. Elle a permis à de nombreux Musulmans d'acquérir une instruction technique faisant d'eux des ouvriers qualifiés. - La Soupe Scolaire et Populaire fonctionne depuis 1927 sous l'autorité de la directrice de l'école de filles, et distribue des repas chauds aux élèves nécessiteux et aux indigents de la commune. - L'Oeuvre des Enfants d'El Affroun à la Montagne assure un séjour dans la station d'altitude de Chréa aux enfants dont les parents ne peuvent consentir de tels frais. - La Société d'H.B.M. d'El Affroun a permis d'édifier 29 logements pour la population européenne et 100 pour les Musulmans. - L'Hôpital-Dispensaire, tout d'abord infirmerie de quelques lits en 1925, est aujourd'hui un établissement moderne de 118 lits, ayant soigné, en 1955, 791 Musulmans et 90 Européens pour un total de près de 35.000 journées de soins. Les institutions sociales que nous venons d'évoquer succinctement ont exigé, l'on s'en doute, un gros effort financier ; les associations agricoles ont été et demeurent leur principal soutien; ce sont elles, d'ailleurs, qui assurent gratuitement la comptabilité et l'administration de toutes ces oeuvres. Un aspect caractéristique de l'action menée tant par les associations agricoles d'El Affroun que par toutes les associations agricoles d'Algérie réside dans la part de plus en plus importante faite aux populations indigènes et aux problèmes qui sont leurs éducation de l'élément autochtone, amélioration de son niveau de vie, accélération de son évolution. Une personnalité métropolitaine éminente a déclaré, à la suite d'une visite en nos murs : "... Nous pensions, en venant en Algérie, vous aider des conseils de notre vieille expérience dans la voie de la mutualité et de la coopération; mais nous devons reconnaître en toute sincérité que, si nous n'avons rien à vous apprendre en cette matière, nous avons en revanche de riches enseignements à tirer de vos réalisations sociales et humanitaires. "Ainsi, jusqu'au ler novembre 1954... on a pu dire qu'El Affroun était une heureuse bourgade où chacun pouvait accéder à une vie libre de plus en plus large et aisée, avec la possibilité pour le paysan musulman, comme pour le colon français, de vivre paisiblement de son travail et d'élever une famille dans la sécurité du lendemain. -
Aspects et Réalités de l'Algérie agricole, 1956. J. Marcel Moreau, ingénieur agricole (Alger, 1946), chef du laboratoire des Associations Agricoles d'El Affroun; Paul Pouny, auditeur régulier à l'Institut Agricole d'Algérie (1947), chef de service des Ass. agricoles d'El Affroun; Marcel Surzur, ingénieur agricole (Rennes, 1924), directeur des Ass. agricoles d'El Affroun.
Le Dr Renée ANTOINE, née en 1896 à l'Hillil (Oranie), d'ascendance haut-Saônoise, communément appelée T'bîba el a'ïnin, décédée en exil à Aix-enProvence le 26 mars 1988, fut à l'origine du dispensaire ophtalmologique d'El Affroun. Sa vie extraordinaire a déjà fait l'objet de l'ouvrage " Françaises du Désert ", par Yvonne Pagniez; un deuxième paraîtra incessamment sous la plume du Dr Raymond Féry. Le Pr Goinard écrit dans 1'Algérianiste n0 42 : "Elle était parvenue à une... réalisation, très caractéristique... de l'esprit qui animait des Européens d'Algérie, conjuguant trois altruismes, outre le sien propre : le mécenat d'une famille de colons, les Averseng (qui était loin d'être exceptionnel chez nos propriétaires terriens), les aspirations sociales de la Caisse d'Assurance Agricole, et la mission humanitaire, dénuée de prosélytisme des Soeurs Blanches du cardinal Lavigerie; ainsi était né dans l'Hôpital -Dispensaire d'El Affroun, un Centre ophtalmologique rayonnant sur la Mitidja et jusqu'à Médéa, Miliana, Cherchell
."Les trois Provinces d'Algérie au Sahara. (Père Roger DUVOLLET).
Posté Le : 17/05/2008
Posté par : y-boudghene
Ecrit par : Roger DUVOLLET
Source : www.alger-roi.net