Tradition bien ancrée chez les femmes de Biskra comme chez celles de beaucoup d’autres régions d’Algérie.
Le «Barouk» se perpétue en dépit de la modernisation de la vie sociale induisant un certain individualisme.
Institué par la gent féminine pour s’entraider, ce dispositif discrétionnaire et confidentiel consistant à s’offrir, uniquement entre femmes, des sommes d’argent pendant ou après un événement heureux, que toutes sans exception connaissent un jour ou l’autre de leurs vies, est l’expression d’une solidarité féminine remontant à des temps immémoriaux, raconte Khalti Zohra, vieille habitante du quartier Dhalaà de Biskra.
«Dans le temps, cette obole se composait de dattes, de lait frais et de galettes d’orge. Puis, après l’indépendance, on s’est mis à s’offrir du sucre, du café et des boites de gâteaux secs. Aujourd’hui, le seul «barouk» qui vaille est une somme d’argent défini en fonction du lien familial, de la proximité sentimentale et des relations plus ou moins constantes et affinées qu’entretiennent les femmes entre elles», ajoute notre interlocutrice.
Rompues au secret, les femmes se donnent le «barouk» en catimini durant un rassemblement familial ou à l’occasion d’une visite privée.
On ne verra jamais une femme s’acquitter de son devoir envers son hôtesse en public. On ne sait comment elles font mais elles trouvent toujours un moyen dérobé, en prestidigitatrices confirmées, de glisser ces quelques billets de banque vers leur destinatrice dans la discrétion la plus totale.
Pour le mariage d’un fils ou d’une fille, la circoncision d’un fils ou petit-fils, une naissance dans la famille, la réussite à un examen scolaire d’un bambin où le retour des lieux saints de l’islam d’un aïeul, ce don en nature est de mise.
Pour les décès et les maladies touchant un proche ou la personne elle-même, on n’offre pas d’argent mais des denrées alimentaires.
C’est que le «barouk» est assujetti à une codification rigoureuse que toutes connaissent sans jamais l’avoir officiellement édictée ou apprise. Gare à celle qui voudrait se défaire de cette pratique créant du liant social.
Elle se retrouverait vite en rupture de ban. Plus personne ne l’honorerait de sa présence durant ses propres fêtes et occasions de réjouissances.
A l’inverse, celle qui a donné 400 DA recevra 500 où 600 Da lors d’une prochaine réception. La valeur du «barouk» est en effet exponentielle.
Maintenant, pour éviter les incessants va-et-vient de la parentèle et des amies, celle qui a un événement à fêter organise un «café» ou une soirée et toutes les invitées se font un devoir d’y venir afin de s’acquitter du «barouk» et de repartir la tête haute. Honte à celles qui ne pourraient pas y assister.
Elles sont immédiatement le sujet de quolibets «mais la brouille ne dure jamais longtemps car les femmes tiennent à la pérennité du barouk. Elles se rabibochent très vite et ce dispositif de solidarité reprend ses droits dés la première occasion venue.», précise notre témoin.
Hafedh Moussaoui
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Posté Le : 10/02/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Hafedh Moussaoui
Source : elwatan.com du lundi février 2015