Une Icône Architecturale au Cœur de Tolga
Située à 36 km à l’ouest de Biskra, dans la région des Zibans, Tolga abrite l’une des plus anciennes mosquées de la région, un édifice remarquable par son architecture unique et son histoire millénaire. Cette vieille mosquée, souvent appelée la Grande Mosquée de Tolga dans les récits locaux, se distingue par son minaret pyramidal, une forme rare qui tranche avec les minarets cylindriques ou carrés typiques de l’architecture islamique maghrébine. Construite en pierre et en matériaux locaux, comme le bois de palmier utilisé pour sa charpente, elle témoigne d’une adaptation ingénieuse aux ressources du désert saharien.
Origines et Contexte Historique
Tolga, fondée par les Numides près d’une source thermale, fut un castellum romain avant d’être fortifiée par les Byzantins. Au VIIIe et IXe siècles, elle devint une cité prospère, décrite par le géographe andalou Al-Bakri comme entourée de remparts et de fossés, avec des jardins luxuriants d’oliviers, de vignes et de dattiers. C’est dans ce contexte florissant que la mosquée aurait été érigée, probablement entre le VIIIe et le Xe siècle, sous l’influence des premières dynasties musulmanes (Aghlabides ou Fatimides). Certains historiens locaux suggèrent qu’elle fut un lieu de culte central pour les tribus berbères et arabes qui peuplaient le Zab occidental, notamment les Banu Hilal arrivés au XIe siècle sous l’égide des Fatimides.
Le minaret pyramidal, haut d’une quinzaine de mètres selon des estimations, pourrait s’inspirer des traditions architecturales pré-islamiques ou des influences abbassides de Samarra (Irak), où des minarets en spirale étaient en vogue. Contrairement à d’autres mosquées locales surmontées de coupoles, celle de Tolga privilégie une simplicité fonctionnelle, avec une salle de prière rectangulaire et un petit patio, typique des mosquées rurales du Sahara.
Un Rôle Spirituel et Communautaire
Au fil des siècles, cette mosquée ne fut pas seulement un lieu de prière, mais aussi un centre communautaire et intellectuel. Tolga, autrefois surnommée « la ville des savants et des lumières », brillait par sa zaouïa El-Othmania, fondée au XIXe siècle par Cheikh Hadj Ali Ibn Othmane. Bien que distincte, la mosquée partageait cet héritage spirituel, accueillant des oulémas et servant de point de ralliement lors des grands événements, comme l’insurrection des Zaâtchas en 1849, menée par Cheikh Bouziane contre la colonisation française. Les chroniques locales rapportent que ses murs résonnaient des prêches appelant à la résistance.
État Actuel et Menaces
Aujourd’hui, l’ancienne mosquée de Tolga souffre d’un abandon progressif, à l’image d’autres sites patrimoniaux de la région. Construite en matériaux traditionnels (pierre, adobe et bois), elle est vulnérable à l’érosion et aux intempéries dans un climat désertique où les pluies rares mais violentes accélèrent la dégradation. Le ksar voisin, appelé dechra par les habitants, l’un des plus anciens du Sahara, s’effrite également, et la mosquée n’échappe pas à ce déclin. Les palmeraies qui l’entourent, avec leurs 500 000 dattiers produisant la célèbre Deglet Nour, contrastent avec cet oubli, attirant davantage l’attention économique que culturelle.
Un article de Liberté (20 avril 2021) déplore cet état : « Voir cette mosquée si particulière avec son minaret pyramidal est un ravissement, mais qui s’en extasie aujourd’hui ou cherche à la protéger ? » Le manque d’entretien, l’urbanisation rapide (Tolga compte désormais 55 809 habitants selon le recensement de 2008) et l’indifférence des autorités locales aggravent la situation. Les vestiges romains et byzantins découverts à proximité, comme ceux d’une église paléochrétienne, subissent le même sort.
Signification Culturelle
Cette mosquée incarne l’identité plurielle de Tolga : un mélange de racines numides, d’influences romaines et byzantines, et d’un héritage islamique marqué par la simplicité saharienne. Elle contraste avec les édifices plus modernes de la ville, qui compte une dizaine de mosquées récentes. Sa préservation pourrait revitaliser le tourisme culturel dans une région déjà renommée pour ses dattes labellisées bio (Indication Géographique obtenue en 2016) et ses paysages agricoles.
Perspectives
Sans intervention, l’ancienne mosquée risque de disparaître, emportant avec elle une page d’histoire. Des initiatives locales pourraient s’inspirer de modèles comme la restauration de la Grande Mosquée de Kairouan (Tunisie), en mobilisant fonds publics et privés. En attendant, elle reste un trésor discret, murmurant aux visiteurs le passé glorieux d’une Tolga jadis intellectuelle et spirituelle.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 23/03/2025
Posté par : patrimoinealgerie