Béjaia - Taos Amrouche

Sauver de l’oubli les vestiges de la tradition orale «Le grain magique, Contes, poèmes, proverbes berbères de Kabylie» de Taos Amrouche



Sauver de l’oubli les vestiges de la tradition orale «Le grain magique, Contes, poèmes, proverbes berbères de Kabylie» de Taos Amrouche
Publié dans sa première édition en France chez Maspero en 1966, «Le grain magique» de Taos Amrouche avait fait boule de neige dans les milieux éditoriaux français en raison surtout de la méconnaissance du public de la tradition orale kabyle qui avait emmagasiné pendant des siècles les paroles millénaires des contes et légendes du terroir qui se transmettaient de mère en fille au fil des générations.

Les éditions algériennes Mehdi domiciliées à Tizi-Ouzou ont eu, ces dernières années, l’heureuse initiative de publier à nouveau ce précieux ouvrage en 2009 pour offrir au lecteur algérien cette anthologie sortie du fin fond du patrimoine ancestral kabyle comme un merveilleux chant d’une tradition de contes dont les plus connus sont encore dans la mémoire des anciennes dames de Kabylie. Qui n’a pas entendu parler de la belle Loundja, fille de l’ogresse Tseriel ou de la vieille sorcière Settoute dont l’évocation du nom font désormais partie du lexique berbère. Marguerite-Taos Amrouche nous donne à travers ces textes recueillis auprès de sa mère l’écrivain Fadhma Aït Mansour, une véritable leçon de littérature, un témoignage à nulle autre pareil qui ressuscite les vieux sédiments d’une civilisation millénaire. Avec cet ouvrage patient fruit d’un travail de collecte de textes et d’enregistrements de vieux contes, Taos Amrouche participe à la revalorisation de tout un pan d’une culture en la faisant revivre à travers son expression la plus authentique en mettant l’accent sur ses traits les plus spécifiques «Rudesse et tendresse, fidélité ombrageuse et poésie cosmique- de ce fier univers montagnard» écrivait Albert-Paul Lenti dans le Nouvel Observateur lors de sa parution.
Ce livre qui reste intéressant à plus d’un titre est un travail de plusieurs années de recherche et de dépouillement et de mise en forme d’un certain nombre de contes, légendes, poèmes satiriques, de poèmes d’amour et de proverbes qui furent rassemblés par une femme, Taos Amrouche qui appartenait à une famille de gens lettrés et qui était aussi une grande cantatrice du chant qui a su perpétuer le geste antique de la transmission de cette mémoire que d’autres femmes gardiennes de cette tradition orale ont sauvegardé de l’oubli. Taos Amrouche a fait œuvre utile en fixant par écrit ces contes pourqu’aujourd’hui d’autres générations puissent en lire la profondeur narrative comme des rares moments de vérité sur une authentique culture qui traduit toute une mentalité, des valeurs sociétales, tout un condensé de pensées et de comportements propres aux Kabyles.
L’auteur aura accompli bien avant l’heure ce travail qui est de nos jours un vrai devoir de mémoire envers la communauté dont elle était issue comme ultime testament de gratitude et de générosité pour les siens et surtout sa mère qui a su mettre en éveil chez elle cet esprit de curiosité et de connaissance qui est le simple prolongement de ses racines identitaires : « Nombreux sont les spécialistes qui se sont penchés sur ces richesses et ont empli des volumes. Mais leurs ouvrages, parfaitement documentés, ne font cependant pas revivre nos légendes dans la mémoire de chacun à la façon dont vivent par exemple, les Contes de perrault. » écrit l’auteur dans son prologue. Les contes qui s’écoutent autour d’un kanoun étaient autrefois prononcés d’une voix inspirée par nos grands-mères sur le temps de l’incantation suivant la formule initiale qui nous faisait pénétrer dans l’univers de la légendes avec ces phrases : « Que mon conte soit beau et se déroule comme un long fil » et la formule finale « Mon conte est comme un ruisseau , je l’ai conté à des Seigneurs ». La beauté de la composition du conte était l’œuvre d’une chaîne ininterrompue de conteurs à travers le temps qui sont des monodies berbères au nombre de quatre-vingt-quinze sur lesquelles chantaient les femmes : « Il m’était donné de contempler notre tradition comme un pur paysage à travers une vitre de cristal. J’avais affaire à une mémoire presque infaillible en Marguerite Fadhma Ath Mansour. IL se peut qu’inconsciemment ma mère m’ait apporté sa contribution aux récits qu’elle m’a légués : Elle aurait fait en cela que continuer la tradition. Car j’ai voulu considérer ces contes et ces légendes de mon pays moins comme des documents que comme des œuvres d’art bien vivantes » ajoute plus loin l’auteur.



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