Béjaia - Théâtre

Hamida Aït El Hadj. Dramaturge, directrice de la Maison de la culture de Béjaïa : « Le théâtre est un art collectif »



Diplômée de l’université de Paris et de l’Institut supérieur de théâtre et de cinéma de Kiev en 1985, Hamida Aït El Hadj a monté depuis 1986 plusieurs pièces de théâtre du répertoire national et international. Actuellement directrice de la Maison de la culture de Béjaïa et professeur à l’université, la dramaturge vient de signer la mise en scène de la pièce théâtrale Le Fleuve détourné du regretté Rachid Mimouni.


Après Souk El Ansaâ, jouée en 2004 sur les planches de la salle Ibn Zeydoun, vous revenez sur le devant de la scène avec une imposante œuvre signée par l’écrivain Rachid Mimouni …
Après trois années d’absence, je reviens sur la scène artistique avec un spectacle performant. C’est en quelque sorte le retour d’une revenante qui met en avant-scène un revenant. A travers Le Fleuve détourné, j’ai voulu mettre en avant-plan un autre Algérien, à travers le personnage de Rachid Mimouni. Après avoir mis en scène La Vache des orphelins, une pièce adaptée du roman de Fathma Aït Mansour Amrouche, en 2001 en France en tamazight, j’ai récidivé en m’attaquant à une œuvre d’une grande envergure.
A-t-il été facile de travailler sur la première œuvre magistrale de Rachid Mimouni ?
Il est clair qu’il est très difficile de prendre un contemporain. Il est extrêmement difficile d’adapter une œuvre en pièce théâtrale. Il y a eu une première adaptation, puis une réadaptation scénique. L’écriture et la mise en scène sont deux domaines différents. C’est une autre manière qualitative de lire la pièce. Tout grand dramaturge qui a l’habitude de travailler avec des professionnels, à l’image de Omar Fetmouche qui a eu la lourde responsabilité de s’occuper du texte, sait qu’au moment de l’adaptation du texte, il y a des changements qui s’opèrent. Le texte change en fonction de la mise en scène.
A travers cette pièce théâtrale, on constate que vous avez greffé d’autres chapitres à la trame initiale...
J’ai bien dit qu’il y avait une différence entre le texte et la mise en scène. J’ai théâtralisé un texte. Le Fleuve détourné, c’est Mimouni vu par Aït El Hadj, c’est-à-dire, mon Mimouni que j’offre au public. Chacun à son Mimouni. Dans mon Mimouni, j’ai Réda Doumaz, Lotfi Double Kanon et Nadia Bouakm. C’est un spectacle de professionnels. Dans l’écriture, Omar Fetmouche a été obligé de s’imprégner de la vision du metteur en scène pour pouvoir réécrire le texte en fonction de la conception. Pour résumer, je pense que, dans cette pièce, il y a trois créateurs : Rachid Mimouni, Omar Fetmouche et moi-même. Il est évident qu’après moi, il y a les acteurs qui font pousser les personnages que j’ai rajoutés. Ils les entachent et ornent de leur talent pour pouvoir donner un Mimouni collectif. C’est un travail d’équipe. Le théâtre est avant tout un art collectif. Avec le talent de tout le monde, on arrive à une œuvre performante.
Dans le casting, vous avez fait appel à deux artistes, à savoir Réda Doumaz et Lotfi Double Kanon, qui n’ont jamais foulé les planches théâtrales ?
Omar Fetmouche m’a donné toute la latitude pour choisir les comédiens, dont la plupart sont des diplômés. Je savais qu’en approchant des universitaires, j’aurais moins de difficulté à monter le spectacle. J’ai découvert Mourad Khane lors de la « Caméra cachée » diffusée sur l’ENTV durant le Ramadhan dernier. Je me disais que s’il avait été dirigé par un metteur en scène, il serait excellent. Je lui ai tendu la perche. Réda Doumaz, dans la pièce, représente toute l’intelligentsia algérienne. C’est un fou incompris. C’est un personnage créé de toutes pièces pour les besoins de la pièce. Lotfi Double Kanon incarne un rôle important et poignant à la fois. Il a subjugué le public par son émouvante prestation.
A travers Le Fleuve détourné, vous avez voulu greffer un autre tableau, celui des handicapés, et ce, à travers le personnage clé de la sourde-muette ?
J’ai voulu à tout prix que les sourds-muets soient des acteurs. J’ai voulu leur donner la possibilité de s’exprimer. Le personnage de la sourde-muette est l’un des plus drôles. En fait, dans la pièce, il y a plusieurs clins d’œil en direction de la société. Mon but est de dénoncer certains faits dont la reconnaissance des diplômés algériens. Il faut que l’Etat donne la possibilité à ses enfants. Ces diplômés, qui ont été formés à l’étranger, regagnent leur pays d’origine sans emploi. Il faut leur assurer un travail stable. La matière grise algérienne ne doit pas être exploitée à l’étranger.
C’est la première fois, pour ainsi dire, que vous travaillez dans de bonnes conditions...
Effectivement, c’est la première fois que je travaille dans de bonnes conditions. Ce n’est pas l’idéal, mais reconnaissons quand même que nous avons travaillé dans de bonnes conditions. Omar Fetmouche m’a facilité le travail. Rappelons au passage que la pièce Le Fleuve détourné a été produite par le théâtre de Béjaïa dans le cadre d’Alger 2007, capitale de la culture arabe.
Des projets en perspective ?
Il est évident que si on me laisse travailler à l’aise, je créerai davantage. Je pense que j’ai été nommée à la tête de la maison de la culture de Béjaïa pour donner un coup d’envoi à cette structure et pour pouvoir m’exprimer. Après notre passage sur les planches du TNA et du TRB, nous avons l’intention d’effectuer une tournée à travers le pays à partir du 15 mars prochain. Le Fleuve détourné a eu un tel succès que tout le monde nous demande d’autres programmations. Nous sommes programmés prochainement au Palais de la culture d’Alger pour deux séances. Sinon, nous aimerions nous produire dans d’autres salles. Par ailleurs, j’attends toujours des réponses pour le montage de mes deux œuvres, La maison de Bernada et El Khames.


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