Hamid Tibouchi, né le 12 février 1951 à Tibane près de Bejaïa (Bougie) en Algérie, commence à peindre vers l’âge de dix ans et à écrire en 1966. Après avoir poursuivi ses études à l’École Normale Supérieure d’Alger, où il se lie avec Tahar Djaout, il est assistant de français en Angleterre en 1974 et 1975 et enseigne un temps l’anglais près d’Alger.
S'engageant d'abord dans l'écriture poétique Hamid Tibouchi publie ses premiers textes en 1971 en Algérie, en France et en Tunisie, puis plusieurs plaquettes et recueils qui le placent parmi les représentants majeurs de la « Jeune poésie de graphie française » dont Jean Sénac, jusqu’à son assassinat en 1973, soutient les aspirations contestataires. Les anthologies réalisées à l’époque présentent ses poèmes, qui sont traduits en espagnol, en italien. "C’est l’un des poètes les plus exigeants et les plus aventureux de sa génération", constate en 1984 Tahar Djaout. Aujourd'hui plusieurs de ses poèmes figurent ainsi dans les livres scolaires algériens.
Tibouchi simultanément dessine et, sur la fin des années 70, le peintre en lui rejoint le poète. "Pour Hamid Tibouchi, en fait, il n’y a pas bifurcation ou changement d’itinéraire. Il convie la peinture et l’écriture — ces deux sœurs immémoriales — à la même interrogation et aux mêmes ébats effrénés d’avant la normalisation et l’affectation des fonctions — la figuration pour l’une, la signification pour l’autre", analyse encore Tahar Djaout. A partir de 1980 Tibouchi expose ses travaux, en Algérie et à Tunis.
Installé dans la région parisienne en 1981, diplômé en Arts plastiques de l’Université Paris VIII, Hamid Tibouchi réalise une vingtaine d'expositions personnelles à Paris, en province, en Espagne et à New-York, et participe, parmi un grand nombre de manifestations collectives en France, en Europe et dans le Monde Arabe, aux principales manifestations de l'art algérien contemporain. Il illustre de nombreux livres (Rabah Belamri, Arezki Metref) et revues et réalise les décors de « Les Fils de l'Amertume » de Slimane Benaïssa, en 1996, pour le Festival d'Avignon et de « 1962 » de Mohamed Kacimi, en 1998, pour le Festival des Francophonies de Limoges.
L'œuvre
Si les premières œuvres de Tibouchi interrogent la calligraphie, ce n’est pas pour se réfugier à l’abri du rempart identitaire qu’elle peut constituer. Les démantelant jusqu’à leur ossature graphique, il détourne plutôt les inscriptions auxquelles il a recours. Brisée, désarticulée, dispersée, répercuté en échos ou surchargée en palimpsestes, Tibouchi surprend la Lettre, en-deçà de toute lisibilité, dans sa pulsation originelle.
C’est l’expérience inverse que proposent complémentairement les « avant-signes », semblablement infra-signifiants que sa main découvre spontanément en ses rythmes. Tibouchi « désécrit », invite à éprouver ce qui en eux n’est encore que sur le point de signifier.
Réactualisant la démarche développée dans le monde occidental à travers les itinéraires d' André Masson ou Mark Tobey, Henri Michaux, Jean Degottex, Christian Dotremont ou Pierre Alechinsky, dans le monde arabe par Mohammed Khadda, Hamid Tibouchi déborde sur les gestes parents de l'Extrême-Orient. Les signes qu'il trace en-deçà du carrefour des cultures se disent eux-mêmes, n'appartiennent pas à une écriture passée, dont la compréhension se trouverait au bout des millénaires égarée, mais font surgir une écriture neuve et à jamais innocente.
Tibouchi engage rapidement cette exploration dans la technique du monotype. Des plus minces des objets familiers, il détache les empreintes en miroir dont les fines silhouettes à leur tour se font signes. Dans les matières, enduits et colles qu’il agglomère, il écrit autour de 1986 comme on laboure ou maçonne et plus tard, sur des cartons ondulés d'emballage, comme on déchire, lace ou noue, en faisant sourdre la trame dont les fils ou ficelles laissent A livre ouvert paraître les Pages d’écriture cursive ou les Portées.
Plutôt qu'aux couleurs traditionnelles, Tibouchi a désormais recours aux matières les plus élémentaires, au brou de noix, à l'encre, aux pigments et teintures, au pastel et à la cire, aux sables et aux particules du charbon de bois, à la paille, aux fibres et ficelles. Sa palette retrouve dans ses gammes essentielles le climat des poteries et des murs berbères, l’économie terrienne des arts premiers.
Il renonce simultanément aux toiles tendues sur châssis, assemble, colle et agrafe des papiers de toute nature, lourds ou diaphanes, papiers de soie, de riz, papiers d’épicerie et papiers peints, récupère en tapas des sacs postaux usagés, des fragments de parachute. "Je travaille avec des matériaux trouvés. Plus ils sont pauvres, plus ils sont riches", écrit Tibouchi.
Son travail, continuant de s’ouvrir par la suite aux supports les plus variés, semble en délivrer les messages invisiblement chiffrés, faire transparaître les graphèmes sauvages qui composent de toute part le texte immense du visible. Pour Hamid Tibouchi tout est signe dans le monde et ce sont tous ces signes, sur lesquels à chaque instant passe le regard, qu’il s’agit d’apprendre à voir.
Posté Le : 31/07/2007
Posté par : nassima-v
Source : www.wikipedia.org