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Béjaïa, Traversée sur le riviera adriatica, Bleu velours de la Méditerranée



 Il est 9 h passées, le départ du paquebot est prévu pour midi au port de Béjaïa. L’enregistrement a déjà commencé, et ce n’est pas la bousculade aux guichets de la SNTM. Il est loin le temps où même un étudiant avec son humble pécule de bourse se permettait d’aller aux quatre coins du monde ; autres temps, autres pouvoirs d’achat, dirions-nous.

La poignée de passagers présente attend patiemment assise dans une salle où les armoires de climatisation prodiguent une fraîcheur bienvenue, faisant oublier les 30°C de ce matin de juillet. Ticket d’accès à la main, on passe à l’embarquement après quelques secondes seulement consacrées aux formalités de douanes et de police. La civilité est de mise chez les deux corps ; officiers et agents vous souhaitent courtoisement une bonne traversée. Le bus mis à la disposition des voyageurs effectue un va-et-vient sur le quai de l’avant-port. Le Riviera a mouillé un peu loin de la gare maritime. L’accueil à bord est, découvrent les passagers, très affable ; le personnel de la réception se conduit avec professionnalisme et amabilité. « Rien à voir avec celui d’un autre bateau battant pavillon étranger », tient à faire remarquer un émigré qui explique avoir été outré par le comportement du personnel d’hôtellerie exerçant à bord de ce paquebot, lors de sa venue en Algérie, quelques jours auparavant. Les cabines sont nickels : literie, sanitaires et nécessaire de toilette sont au top de la propreté et de la suffisance. L’air conditionné est diffus dans toute l’enceinte du bâtiment, même dans les couloirs. Le temps de souffler un peu, on remonte à l’arrière du point 6. Le premier regard vers le plan d’eau. Pas une vague. Mer d’huile. Le constat avait déjà été fait tôt ce matin. Les gens de mer de Béjaïa, lorsqu’ils ne sont pas embarqués sur un navire, vont jeter un coup d’œil sur le grand large à partir de la place Guyedon pour prendre « la météo ». Accoudés aux balustres du pont, on promène ensuite le regard sur la terre ferme. Le film déroule une superbe vue du pied de la montagne de Yemma Gouraya qu’habillent successivement la forteresse de La Casbah, drapée d’un tissu de végétation drue, le balcon de la place Gueydon bourré de « spectateurs » qui se délectent de la beauté du golfe et l’incessante activité qui règne dans le port marchand. A droite, en contrebas de Qahoua n’Zoubir, un mélange harmonieux de blanc des immeubles, l’archétype de l’architecture coloniale des villes du nord du pays, du rouge des toits en briques provençales des maisons, du vert épais de l’ébauche du parc des Oliviers et du fort de Sidi Abdelkader qui donne l’impression de pousser l’eau verte du port. La contemplation rechute sur le bassin du port, du côté du quai de la pêcherie. Petits métiers et chalutiers, de vieux rafiots se frottent la coque dans ce mouchoir de poche (les embarcadères flottants en cours de réalisation devraient, dans quelque temps en principe, desserrer l’étau). Un vieux voyageur, la voix un peu nouée par une pointe de nostalgie, raconte en montrant du doigt le quai de la pêcherie que naguère l’endroit était le théâtre de festivités spécifiques à la mer : cours de la traversée de la passe, course aux canards et tirs aux pigeons. Une brise fugace n’estompe par le hâle. On redescend, direction le salon et quelques minutes à peine viennent s’égrener aux montres des passagers à qui on annonce que le restaurant est entré en service. Un bon point là encore tant pour la qualité du service qu’à celle des mets servis. On n’a pas encore quitté la table que les moteurs se mettent à ronfler de plus belle. On ne devrait pas tarder à appareiller. Il faut immortaliser le départ. On se presse de remonter sur les ponts. On mitraille de son caméscope la ville qui s’éloigne au ralenti, et du côté opposé, la passe et les sports nautiques ravivés par les lignes et les couleurs des plaisanciers, le phare rouge situé à la pointe des brise-lames séparant le bassin du port et la rade, le deuxième quai de la pêcherie, le port pétrolier et voilà l’autre versant de Gouraya : les anses de Sidi M’lih et des Aiguades crevées çà et là de récifs, au pied de l’énorme promontoire de cap Bouak, l’isthme percé à sa base par un arche qui supporte à son sommet le Grand Phare et le mausolée de Yemma Gouraya qui laisse se dérober à son pied plus de 600 m d’une falaise abrupte. On change de cap et les compas tracent une perpendiculaire. Le mont Gouraya profile dans le ciel une silhouette d’un gigantesque dinosaure. Sa carapace est hérissée des Sbaâ Djebilet. Et l’île des Pisans n’est désormais qu’un lointain point dans l’eau. Quelques miles plus tard, une joyeuse compagnie de dauphins livre un superbe ballet de bonds qui épate la galerie ; certaines figures ont été saisies au vol par les appareils photo. La traversée est agréable. Pas la moindre vague. Pas de mal de mer. Le bateau donne l’air de naviguer sur du velours. Le silence est impressionnant. Sans le léger bruit des moteurs et le frémissement de l’écume à l’arrière du navire, ça aurait été le silence absolu. On se laisse affaler sur les chaises disponibles du pont 7 et on fait le vide dans sa tête et autour de soi ; le calme est olympien. Voyager dans ces conditions, après toutes les tracasseries du visa et la préparation du voyage, s’avère très apaisant. Il est temps de se faire un petit café au salon feutré de la première classe. Malheureusement, toute cette ambiance et ce savoir-faire sont « égratignés », se plaignent beaucoup de passagers, par une absence totale d’animation. Après le dîner, tout le monde se dirige au salon mais déchantera vite en apprenant qu’aucune soirée n’était prévue. Pas de groupe ni DJ. La nuit passera comme ça. On dormira comme des sages jusqu’au matin. Le petit-déjeuner est servi de 7h à 8h30. Biscottes, croissants, beurre, gelée et jus au menu. 11 h, l’arrivée est imminente. On entrevoit la côte phocéenne, mais les moteurs donnent plutôt l’air de ralentir au maximum. Après, c’est carrément l’arrêt bien avant le château d’If ; une forteresse trônant sur une île au large de la gare maritime de la Joliette. Les haut-parleurs informent les passagers que le quai étant occupé par le Habib, un ferry tunisien, il y a lieu de patienter 20 minutes, le temps que ce dernier appareille pour que Le Riviera puisse alors accoster. L’attente va durer légèrement un peu plus, ce qui va donner lieu à une menue inquiétude surtout après l’information donnée à la télé la veille du départ et faisant cas de voyageurs bloqués au port de Marseille à cause de la grève du personnel de la SNCM. Mais on est vite rassuré par le redémarrage du bateau, après apparition du Habib voguant vers Tunis.


 




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