Béjaia - Divers Métiers d'Artisanat

Artisanat à Béjaïa - Le forgeage, un métier en déperdition



Artisanat à Béjaïa - Le forgeage, un métier en déperdition




En attendant qu’un descendant de ces forgerons décident de faire revivre ce métier car toujours demandé malgré le recul de l’agriculture, les villageois espèrent que l’APC prendrait en charge le réaménagement et l’entretien des forges de la commune.

Aussi loin qu’on remonte dans la mémoire collective à Tifra, le métier de forgeron a toujours été exercé par un membre de la famille des Ihaddaden. Ils y officiaient de père en fils. Et ce ne serait peut-être pas une contrevérité de dire, qu’à bien des aspects, l’histoire de la région est intimement liée à celle des forgerons. Ahhadad, ihaddadden, Ahitos, Ihitossen, ces mots ont souvent été répétés dans la région et sont même employés dans des expressions et adages populaires, encore en usage jusqu’à nos jours.

Deux exemples nous viennent à l’esprit pour illustrer le poids des Ihaddaden dans la région: Le saint patron de la station thermale de Sillal est un Aheddad, Sidi-M’hend Aheddad ; la Djemâa du quartier Takhnaqt dans le village de Tifra est appelée Tadjemâat Ihaddaden et ce n’est pas tout.

Selon une légende rapportée par Jean Servier dans son volumineux ouvrage «Tradition et civilisation berbères», le village Tifra serait fondé par (Kaci, Aissa, Moussa, Hamou) les quatre fils Amara, un célèbre forgeron de la région des Ait-Idjeur. En les chassant de la région Sidi M’hend Ou-Malek leur aurait dit selon la légende «ruhat a y ihiddaden ak nig rabi am ibawen f llouh».

Si aujourd’hui, le rôle des forgerons est réduit à sa plus simple expression, pour ne pas dire quasi-nul, il était encore trois décennies de cela fondamental. La paysannerie avait alors un besoin vital de leur métier. Qu’il s’agit du ferrage des bêtes de sommes (ânes, mulets, chevaux), de la réparation ou de la fabrication de divers objets usuels et outils nécessaires aux travaux agricoles, les forgerons ont toujours été d’une grande utilité pour les communautés villageoises.

Au village Tifra, dans les années quarante, c’est Haddadi Akli qui s’adonnait à cette activité et sa forge se trouvait à Tala el Djamâa. A la mort de celui-ci, son fils Tahar transféra la forge à Leqrar avant que les villageois lui construisent une forge à Hammam, au milieu du village, où elle existe jusqu’à nos jours à l’état d’abandon.

Au Village El Qalâa, c’est Massaoud Guehliz qui pratiquait ce métier. Tout le douar Ikedjane louait ses précieux services. Et le forgeron et la forge ont toujours été considérés avec respect. Car au delà d’être un lieu de dur labeur, la forge constituait pour beaucoup, selon des vieux de Tifra, un lieu d’échange et de réunion. On y venait pour donner un coup de main au forgeron en attisant le feu avec le soufflet de forge. Et l’on s’échangeait à l’occasion les nouvelles de la communauté en les commentant. Car le forgeron en plus de manier le fer, manie le verbe, car sa fonction le met souvent en contact avec toutes les couches de la population.

Haddad Idir, décédé en 2010, qui s’intéressait à la généalogie des Ihaddaden racontait diverses légendes les entourant. Il racontait entre autres les versions kabylisées des légendes de Vulcain et d’Héphaïstos, les dieux du feu des mythologies grecques et romaines et d’autres récits originaires essentiellement des Ait-Idjeur. Un adage dit «Mi g sres ouhadad aftis, irefdit a-mmis» mais apparemment, ce n’est pas le cas à Tifra.

C’est un artisan venu d’Adekar qui continue vaille que vaille, aujourd’hui à faire fonctionner le seul atelier de forgeage encore en activité à Hammam Sillal. En attendant qu’un descendant de ces forgerons décident de faire revivre ce métier car toujours demandé malgré le recul de l’agriculture, les villageois espèrent que l’APC prendrait en charge le réaménagement et l’entretien des forges de la commune, patrimoine artisanal de la région qui pourraient avoir en plus de leur fonction première, une vocation
touristique.

* Photo: Le forgeron et la forge ont toujours été considérés avec respect.


Boualem Bouahmed



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