Taghit «l’enchanteresse» mérite bien son nom car, par sa magie et sa beauté insaisissable, cette oasis arrive à captiver le regard enchanté de ses visiteurs qui, toujours curieux de la découvrir, plongent immédiatement dans ses entrailles pour s’enivrer de ses secrets.
En l’espace de deux jours seulement, cette ville a bien voulu nous livrer ses trésors enfouis, sauvegardés par les populations locales au fil des jours, des mois, des années et même des siècles.
Située dans le sud-ouest du pays, cette oasis de la Saoura, distante de 90 km du chef-lieu de la wilaya de Béchar, constitue l’une des énièmes richesses de l’Algérie, voire l’une de ses éternelles merveilles. Telle une belle vierge, cette ville a exhibé les atouts touristiques et toute la splendeur que dame Nature lui a conférés. A Taghit, il fait bon vivre en ce mois d’avril où le soleil commence à taper très fort, et, loin des idées préconçues selon lesquelles c’est uniquement le désert où aucune âme ne vit, les visiteurs sont dès la première fois saisis par une beauté indescriptible !
Le voyage a été une véritable partie de plaisir où travail, détente et découverte ont été au rendez-vous grâce à une parfaite organisation confiée à l’agence touristique «All Ways Travel», et «Loubana Vacances», son prestataire de services sur place. Ce voyage a failli être annulé à cause du vent de sable qui a caractérisé la région tout au long de la semaine précédant notre déplacement. Le décollage de l’avion à partir de l’aéroport Houari Boumediene, prévu à 21 heures, n’a été rendu possible qu’à partir de 23h30 pour atterrir sur le tarmac de l’aéroport de Béchar au bout de deux heures et demie de navigation. Auparavant, les informations recueillies sur le retard mis pour décoller d’Alger attestent d’un manque de visibilité.
Vue panoramique et balade à travers la ville
Nous apercevons Taghit alors que la nuit tire à sa fin. Il était 3 heures 30 quand l’avion d’Air Algérie s’est immobilisé sur la piste d’atterrissage.
Après un court sommeil bien mérité, la visite commence par une balade à travers la ville guidée par Merouane. Notre jeune guide, algérois d’origine, qui a préféré s’établir à cet endroit depuis maintenant trois ans, a commencé par nous faire entrevoir les restes d’une caserne de l’armée française datant de 1898 perchée au sommet d’une montagne rocailleuse qui fait face à Taghit.
L’escalade jusqu’au sommet, à 200 mètres d’altitude, permet de découvrir une vue panoramique de la région, le vieux ksar, la palmeraie, les dunes de sable à perte de vue, l’oued Zousfana, et bien d’autres paysages, plus époustouflants les uns que les autres. Au cours de ce déplacement, et avant d’atteindre ce site, nous avons croisé sur notre chemin des koubbas (mausolées de saints), dont celles de Sidi Abdellah et Sidi Bayazid.
C’est que les autochtones, comme partout ailleurs en Algérie, sont très croyants et organisent des pèlerinages vers ces mausolées où ils prient avec ferveur. Une fois l’effet de la première magie estompé, nous regagnons l’oasis Balmès de Taghit pour un déjeuner traditionnel.
Nous longeons l’oued Zousfana qui fait face à cette montagne ayant abrité l’armée française. Du bas, on découvre des figures géométriques distinctes. Parfois, on a l’impression que certaines pierres et mêmes des rochers sont prêts à se détacher et à dégringoler vu leur emplacement. Mais dame Nature a tellement bien fait son œuvre en sculptant ces rochers qu’on finit par se rassurer sur leur sort, détourner les yeux et poursuivre sa route. Malgré une chaleur suffoquante, un vent doux rafraîchit les visages et réussit à apaiser les âmes. Tout le long de l’oued, des lauriers roses longent la route qui mène vers les palmeraies. Certaines sont verdoyantes et d’autres le sont moins. Car l’agriculture, qui était l’une des principales activités de Taghit, n’attire plus les jeunes.
De plus, explique notre guide, les propriétaires des terres ne sont pas forcément des propriétaires de palmiers. Au temps des razzias, une tribu de Abadlla, appelée Douimniaa, est venue au secours des populations de Taghit en contrepartie d’une rétribution de neuf palmiers dans chaque propriété. Les propriétaires viennent donc, à ce jour, récupérer leur récolte chaque année.
Le vieux ksar, gardien de l’histoire
Sous les palmiers, avec au menu le succulent couscous de la région et le thé du Sahara, les visiteurs de Taghit prennent le temps de se reposer et de se prélasser à l’ombre. El gayla (la sieste) pour les personnes fatiguées, découverte de la palmeraie pour les plus curieux. Pour tous, dégustation de certains légumes cultivés, à l’exemple des fèves, en plus des mûres qui commencent à peine à prendre la couleur rouge au menu de cette pause. Les dattes cultivées dans la région sont de différentes variétés. Les plus connues sont el feggous et el khelt. Au total, pas moins de 50 espèces sont cultivées au niveau de cette wilaya du Sud. Les explications fournies par un fellah concernant la culture des dattes et la façon de fertiliser les palmiers éclairent un peu la lanterne des touristes étrangers aux us agricoles du Sahara.
Après une petite sieste, le groupe reprend son chemin pour une découverte tout aussi chargée d’émotion et de plaisir. Cette fois, c’est l’ancien ksar de Taghit, ou du moins ce qu’il en reste, qui ouvre les bras pour nous accueillir et nous conter son histoire. Construit avec des matériaux locaux, ce ksar est doté de 120 maisons toutes vidées de leurs anciens habitants.
Pour y accéder, à partir de la palmeraie, il faut emprunter des escaliers nichés dans le rocher. A l’intérieur, des dédales, de très petites portes et la placette où se réunissaient les vieux pour régler les conflits et les problèmes inhérents à la terre, entre autres, ou encore pour organiser des fêtes de mariage. Des bancs «tadekent» sont installés dans cet endroit d’où se dégage le parfum d’une histoire magique. Il suffit de faire appel à son imagination pour se télé porter jusqu’aux temps anciens où tous les membres de la famille se réunissaient autour des parents et des grands-parents, se partageant les peines, les joies et les confidences, loin de toute empreinte d’égoïsme ou d’individualisme. Les murs dégagent encore les odeurs du kanoune sur lequel mijotaient autrefois différents mets. On imagine aussi aisément les fêtes de mariage, les prières et même les louanges prononcées par les vieux du village qui «se réunissaient quotidiennement entre 8 et 10 heures du matin», selon notre guide.
Dans ce même site, plus ou moins rénové, et non loin de la placette, nous remarquons un écriteau indiquant «Darb lehnaine» sur l’entrée de l’un des dédales du ksar. Notre guide nous fait savoir que c’était le chemin menant vers les habitations réservées à ceux qui travaillaient pour le compte des notables.
Revenant au présent, nous découvrons avec Merouane une maison typique du ksar aménagée par lui et qui sert d’abri aux touristes amateurs de dépaysement. Situé à 10 mètres seulement du vieux ksar, ce gîte est doté d’un salon, de plusieurs chambres pour deux à trois personnes, d’une cheminée et d’une terrasse. Des matelas à même le sol, des draps et des couvertures forment seuls le décor des chambres, ce qui rappelle la simplicité du bon vieux temps.
Randonnée à dos de chameau au pied de la dune
Nous quittons ce petit havre de paix pour une randonnée à dos de chameau, au pied de la fameuse dune de Taghit. Même si la fatigue a gagné un grand nombre des touristes qui ont préféré se retirer pour se reposer à l’hôtel, d’autres préfèrent rester pour vivre cette expérience formidable. La randonnée en méhari a duré environ une heure dans ce paysage désertique où se mélangent l’ocre des dunes, le vert des acacias et de différentes autres plantes et fleurs du désert. Fantastique virée !
Retour à l’hôtel pour reprendre son souffle avant de repartir admirer le coucher du soleil depuis la grande dune. L’escalade n’a pas été de tout repos. Pour l’atteindre, il a fallu, pour certains, faire appel à toutes leurs forces effritées en cours de journée, tant le programme était très riche et varié et la balade pédestre longue et éprouvante. En plus, il fallait se presser pour ne pas rater l’événement. Arrivés au sommet, tout le monde avait les yeux rivés sur l’astre rougeâtre qui disparaissait à l’horizon. Une sublime image que tout le monde s’appliquait à immortaliser sur cliché. Passé le temps des photos souvenir sur cette majestueuse dune, d’admiration, de ferveur devant tant de beauté et de grandeur, le tout agrémenté par une brise légère caressant les visages, le groupe «redescend sur terre» difficilement. Certains ont même préféré se détacher du groupe pour arpenter la dune et savourer ces moments de fascination, très loin, avec pour seuls compagnons le vent et le silence qu’on écoute avec délectation. Marcher ainsi pieds nus sur le sable procure des sensations magiques que personne ne peut ressentir tant qu’il ne s’en est pas enivré lui-même ! Rester ainsi un petit moment dans ses rêveries, saisis par la magie du site avant de revenir à la réalité et rejoindre les autres membres du groupe qui a déjà entamé la descente.
La nuit et le rythme ensorceleur du gnaoui
Un autre rendez-vous pris pour une soirée et un dîner au restaurant «Dar Essalam».
Le groupe local «El Hora» émerveillera les invités par les partitions interprétées. Les membres de cette troupe, avec l’habileté de leurs doigts, ont pu soutirer au mandole, au synthétiseur et au violon des sons merveilleux. Des musiques et chansons marocaines de Abdelwahab Eddoukali ont fait vibrer toute la salle. Les hôtes de cette soirée manifesteront un grand intérêt au style interprété par les artistes : une mixtion des styles saharien et marocain.
Le lendemain, on reprendra la route pour se rendre à Beni Abbès, l’oasis Blanche. Une longue balade à travers le vieux ksar, un déjeuner traditionnel (galette d’oignon ou «lemkhellaa») dans sa palmeraie et, enfin, le retour à Taghit que l’on retrouve avec un émerveillement égal. Si, à notre arrivée, le premier jour, c’était le noir absolu serti de quelques étoiles brillantes, en pleine journée, la ville, baignée de lumière, surgit comme par magie au pied de la dune. Les couleurs ocre des maisons, vert des palmiers et jaune des dunes captent les regards les plus assouvis. Avant d’emprunter la descente pour parvenir à cette oasis de rêve, nous assistons à un beau spectacle d’une troupe folklorique du karkabou (troupe El Assala) composée de dix membres. Castagnettes, tbel et derbouka pour seuls instruments font que des sons magiques fusent et déchirent le ciel.
L’ambiance était au rendez-vous dans cet endroit où le calme règne et s’impose en maître en d’autres jours ordinaires, lorsqu’il n’y a guère de touristes. Et la fête ne se termine pas. Car, même en soirée, rendez-vous était pris avec cette même troupe et un autre groupe de gnaoui.
Sous trois kheïmas, dressées non loin de la dune de Taghit, un festin attend les routards. Au menu, le fameux poulet cuit à la braise sous le sable.
Place ensuite à la troupe El Assala qui a ouvert le bal de la soirée. Sous un ciel étoilé, éclairé par la lune, et face à un feu de camp, la troupe a pris place. Elle interprète des chansons religieuses locales dédiées à la mémoire du saint de la région «baba Hamou». De la magie au rendez-vous. Tout le monde suit avec intérêt la fête. Des applaudissements fusent de partout.
Une fois retirée, cette troupe cède sa place au groupe «Nass el kheloui» installé dans l’une des kheïma. A la première note, les invités ont reconnu le son du goumbri et se sont mis à applaudir. Plus les artistes exécutaient, avec brio, leur musique, plus les membres de notre groupe, attirés par tant de beauté, se ruaient vers la tente d’où sortaient ces sons magiques. Il y avait dans cette kheïma quelques touristes étrangers qui écoutaient déjà avec délices les notes de cet instrument ancestral.
En entonnant la fameuse chanson goumarie, les spectateurs se sont mis à chanter en chœur avec les artistes, y compris ceux qui ne connaissaient pas vraiment cet air. C’était une grandiose fête d’une simplicité inouïe et d’une magnifique ambiance. Des souvenirs inoubliables que tout le monde n’est pas près d’oublier jusqu’au prochain rendez-vous. Même si on redécouvre pour la énième fois cette oasis, la fascination n’est nullement altérée. A Taghit, il fait bon vivre. Le temps coule en douceur et on sent passer doucement sa vie, contrairement aux grandes villes où ce temps fuit sans vous avertir.
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Posté Le : 02/12/2015
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Par Badiâa Amarni
Source : La Tribune